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lundi 7 décembre 2015

Au commencement était le verbe: projet pédagogique pour janvier!

Mais il ne l'est plus trop, au commencement. A l'ère de la multiplication des conjugueurs, nos jeunes ne savent pas trop comment fonctionne un tableau de verbe. Que sont les auxiliaires? Qu'est-ce qu'un participe passé? Questions de base périlleuses à poser en classe de 1re secondaire. Bonne chance!  Le silence risque d'être évocateur...

Voilà bien 15 ans que j'observe, depuis que j'ai joint le monde du cours régulier (pardon, classe ordinaire!), que les jeunes ne connaissent pas leurs verbes. C'était vrai quand j'ai demandé d'étudier aimer et finir  à des élèves en 3e secondaire en 2001 dans la polyvalente où je faisais un remplacement. Ce l'est toujours en 2015 dans ma lointaine région avec mes jeunes «en seconde langue».

Pourtant, on étudie les verbes toujours, mais pourquoi alors des jeunes en 5e secondaire peuvent encore ne pas savoir des régularités aussi communes que les terminaisons e, es, e (verbe en er) s, s, t (de la plupart des autres verbes des personnes du singulier. Quand je ramasse des fautes toujours et encore dans les copies, je ne peux que me demander ce qui fait qu'on n'arrive pas à faire apprendre une chose assez simple: les régularités de la conjugaison. 

Mon hypothèse est assez simple: on ne l'enseigne pas au primaire et, au secondaire, on fait comme si on les avait enseignées au primaire et on chiale! Enfin, à l'ère des démarches et des trucs-bidules, on a oublié une chose simple et pourtant réglée une fois faite, la mémorisation de la matrice des verbes telle qu'elle apparait dans un tableau de conjugaison qui devrait rendre l'étude des particularités d'un verbe toute simple. A l'inverse, faute de comprendre et de savoir, c'est-à-dire maitriser certaines régularités, cet apprentissage cent fois refait n'apporte aucune amélioration de la performance. On n'a pas après à s'étonner que la connaissance, absente en fait, ne se transfère pas en situation d'écriture.

 Pour comprendre mon problème, j'ai 15-20 questions toutes les deux semaines dans mes tests de cycles qui examinent la connaissance des verbes: par exemple, aimer, plus-que-parfait, 1ère p. p. et ainsi de suite. En première secondaire, avec un seul verbe, c'est en général l'hécatombe, on passe d'une impression que la conjugaison était un univers facile à celui d'un inaccessible défi.  Bref, sur cet écueil, je leur fais prendre conscience de l'organisation d'un tableau de verbe. En 4e secondaire avec 2 verbes, je ne vois pas trop de maitrise de la conjugaison.

Voilà pourquoi j'ai l'ambition d'un enseignement de ses régularités dans le mois de janvier. Je vais faire apprendre les terminaisons de différents temps par cœur, faire apprendre le verbe avoir et être, faire apprendre la relation entre les temps simples et les temps composés, par association et mémorisation. Je le fais depuis le début de l'année, mais pas de manière systématique et contrôlée. J'y reviens sans cesse, mais l'impression n'adhère pas bien! Je veux y joindre un contrôle nécessitant un travail de mémoire. Au lieu de mes questions sur un verbe ou deux à l'étude, les questions porteront sur le système «tableau de conjugaison» et ses régularités. 

Il faut que je monte un matériel, car rien n'est prévu pour enseigner cette connaissance. Je veux partir de cette page synthèse que j'ai trouvée dans le Bescherelle. Je ne sais pas si je vais donner ce cours en récupération ou prendre du temps de classe encore.   

Je suis pourtant certain que je connais ce système depuis mon primaire. Mais parfois, la mémoire joue des tours...


samedi 28 novembre 2015

Protéger la passion

Bon, je suis toujours content d'être enseignant. J'aime toujours ce métier. Après quelques semaines de déséquilibre, avec le sommeil parfois perturbé, au sortir de cette fin d'étape, je commence à reprendre du poil de la bête. Évidemment, l'humeur s'améliore avec le sommeil qui devient meilleur.

Évidemment, il y a longtemps que j'ai dû m'habituer à la perception des gens au sujet de notre métier. Un prof qui arrive en classe préparé pour son cours et qui l'anime avec une certaine adresse donne l'impression que ça va tout seul. On ne se doute pas du temps qu'il faut mettre pour arriver prêt à tous les cours.

Quand on reproche à celui-là de reprendre sa préparation, année après année, on ne sait pas ce que c'est d'arriver prêt avec du nouveau matériel ou une nouvelle activité. J'en sais quelque chose, je dois planifier et préparer tous les cours que je donne parce qu'on ne redonne jamais deux fois le même cours. L'école, ici, est trop petite. Faites vos calculs, un cours d'une heure prend souvent jusqu'à une heure de préparation. Si je reprends celui de l'an dernier un peu moins, si c'est du complètement nouveau, parfois plus. Ici, on fait nos photocopies nous-mêmes. On surveille plus souvent qu'ailleurs des corridors. Je donne bien plus de disponibilité de récupération que ce que prévoit mon horaire officiel, parce que le français est une difficulté pour beaucoup de nos jeunes. Je me suis souvent retrouvé avec mes 3 niveaux de français avec 1 ou 2 productions écrites, une compréhension de texte ou des tests de cycle à corriger sur 2 niveaux au moins. Hier, je pouvais rentrer chez moi et j'ai travaillé tout l'après-midi à finir mes plans de cycle, à sélectionner les activités et les préparer pour aller faire mes impressions à l'école vers 5h. J'ai deux tests de cycle à corriger qui m'attendent. J'ai mon 5e secondaire à préciser encore pour la semaine qui vient. Une fin de semaine plutôt cool en fait, car j'ai pris de l'avance sur mes préparations. J'ai toujours comme ça, 2 ou 3 items de correction par weekend au moins, en plus des 17 heures de cours de la semaine qui vient à préparer si la semaine a été lourde et que j'ai eu peu d'énergie pour penser à ce qui vient. Je suis chanceux en ce moment, je roule au ralenti un de mes cours, car la majorité des jeunes  de ce groupe font un voyage... Il est rare que tout soit prêt, je finis de régler les détails de la fin de la semaine à venir habituellement le mercredi. Là, je commence à regarder un peu ma semaine suivante.

Bon, en plus de ça, on fait de l'administratif, moi je m'occupe des pépins informatiques, d'autres font des activités parascolaires. J’en fais même parfois, car les jeunes aiment me challenger au ping-pong. Je suis tuteur, je surveille certaines semaines au local de retenue. Les plans d'intervention, les programmes avec horaire gelé où on nous en ajoute pour contrer l'intimidation par exemple. Ici, on a encore des projets-écoles. La liste des tâches est souvent sans fin. On gère des priorités tout le temps. 

Après, enseigner n'est pas juste une préparation et un discours à prononcer. Non, il faut arriver avec de l'intention, celle de faire apprendre, de faire travailler. Bref, je ne dis pas que je suis 17 heures par semaine toujours en train de pousser sur mes ados pour qu'ils se les bougent entre les deux oreilles, mais disons que je dois donner à cette dimension pas mal d'énergie. Une chance que, pendant un test, ou une composition en classe, on peut relâcher un peu. Mais encore, il faut toujours garder un oeil à ses élèves tout le temps, peu importe ce qu'on fait. La gestion de classe, c'est l'art de ne pas laisser un groupe arriver au point de rupture où l'attention se perd et que la leçon est compromise. Et l'art de récupérer une situation désorganisée, cela arrive, on ne gère pas tout. On a des techniques, des fonctionnements pour arriver à cela qu'il a fallu transmettre aux jeunes avec détermination. Souvent, il faut être perspicace, stratégique. On doit aider les jeunes à retenir l'essentiel. On s'ingénie à interagir utilement, à questionner, motiver, à rappeler les stratégies, à faire prendre des dictionnaires. Ce sont encore de grands enfants les ados de la classe ordinaire avec les inclus en difficulté en plus.

Si le prof a l'air de faire tout cela facilement, c'est qu'il a travaillé, a mis beaucoup de temps à réfléchir et corriger bien des errances et donc pris du métier.

Il y a des satisfactions à jouer ce surhomme pédagogique à la performance pas toujours égale, car on y développe des liens avec les jeunes, on constate nos petits effets. L'incompréhension de l'autre est un défi stimulant à relever. Forger la représentation est aussi un grand enjeu dont personne ne s'est préoccupé depuis cette fameuse réforme d'ahuris. Dans le détail, ce métier est une recherche des leviers payants de la transmission de la connaissance, une recherche de solutions à ce qui la freine. Mon tempérament curieux et chercheur qui aime tester y trouve de quoi prendre son pied. Voilà pourquoi je donne de la récupération bien plus que je ne serais censé le faire: c'est là dans l'interaction développée avec le jeune qui a des difficultés que je comprends les erreurs de ma stratégie de groupe et trouve les façons de la bonifier. Ici, avec cette politique de la récupération obligatoire que le prof peut décréter, s'il en sent le besoin pour le jeune, je peux en plus  vraiment intervenir avec les jeunes en difficulté qui n'ont pas de portes faciles pour fuir leurs problèmes. Évidemment, ces 2-3 heures par semaine m'en enlèvent pour les autres tâches à faire... mais elles sont payantes pour l'efficacité de mon enseignement.

Évidemment, la motivation à faire tous ces efforts  fluctue dans une année scolaire. Il faut, dans mon cas, beaucoup de discipline pour exercer le métier d'enseignant de français au secondaire. Je ne mets pas beaucoup d'énergie dans des projets personnels pendant que j'exerce, le travail devient mon truc: je  deviendrais facilement malheureux si j'espérais avoir beaucoup de temps pour d'autres passions. Les vacances, pour un prof comme moi, ce n'est pas un luxe, mais une nécessaire période de ressourcement. Et quand j'observe mon parcours, j'ai souvent changé d’emploi comme si j'avais besoin de quelques mois de plus, par moment, pour récupérer mon équilibre une fois par 4-5 ans. Je n'ai toujours pas de permanence pour planifier une sabbatique, mais je comprends très bien ce besoin.

En ce moment, on lâche un peu après les 2-3 mois de début d'année à faire des heures de fous. C'est comme un réflexe de survie: on continue, mais en se mettant moins de pression. Si on a bien commencé l'année, les jeunes continuent tout de même de travailler et comme on dit, ça roule. On tient jusqu'aux vacances, où l'on espère retrouver un peu de jus pour les pousser encore après les fêtes, quand on devrait tous hiberner, comme c'est dans notre mandat de le faire.

Bref, j'en fais des heures, je ne les compte plus depuis longtemps. Si on veut se comparer aux autres qui font du 9 à 5 avec des salaires comparables, il faut ne regarder que le côté stimulant de notre travail. On s'abstient de regarder le reste parce qu'on va déprimer en calculant vraiment combien nous faisons de l'heure! Ce qui me motive est toujours cette espèce d'espoir de partager la connaissance, la culture, de faire apprendre, de faire se développer des jeunes dans cette espèce d'interaction qui tient de l'art. Il faut un brin d'idéalisme pour faire ce métier.

Évidemment, quand on voit que le gouvernement n'est même pas capable d'allonger le faible 1%/an qu'il nous a consenti dans les dernières années, qui ne maintient même pas notre niveau de vie, y a de quoi un peu déprimer. Voilà pourquoi je ne regarde pas trop du côté de cette négo-go, on se demande ce qu'il y a à discuter d'ailleurs une fois les arguments de chacun déballés. Ils «s'intensifieraient», dit-on dans les médias. Ils nous prennent tous pour des valises.

Je ne regarde pas trop, c'est stratégique, l'essentiel n'est pas là...

samedi 21 novembre 2015

Les parents

J'ai eu ma rencontre de parents. Intense est un mot faible. De nos jours, il faut beaucoup expliquer et résister à beaucoup d'assauts parce que ces parents sont de véritables experts de la pédagogie auquel il faut porter une oreille attentive.

Une mauvaise soirée à passer. J'ai presque perdu patience avec le dernier.

Mais la joute se passe surtout entre moi et l'élève.

Or, on m'a trouvé trop sévère. 

On m'a affirmé que certains élèves sont incapables de faire des choses que je leur demande de développer comme une fatalité. 

On a presque sorti des billets sans le faire!

Je n'ai peut-être pas toujours  des exigences qui vont dans le bon sens. (intimidation très subtile ici!)

On m'a fait la morale pour avoir dit «anglophones» à mes jeunes qui en sont à 90% et que j'incite à prendre des dictionnaires pour cette excellente raison qu'ils ne sont pas des jeunes très familiers avec la langue française puisqu'ils sont «anglophones» dans leur vie de tous les jours. J'évoquerais pour certains ces «frenchies» qui s'indignent du fait qu'on ne sache pas parler français alors qu'on vit au Québec, ce qui braquerait nos chers amis. Tout ça d'une personne qui me cause en anglais alors qu'elle me révélera très bien parler français quelques minutes plus tard, alors que je me casse le «bécycle» pour lui parler dans sa langue natale...

On m'a dit que je n'utilisais pas assez de miel (traduction) pour approcher les jeunes.

On m'a reproché de ne pas connaitre les détails de tous les plans d'interventions des jeunes de 5e secondaire qui finissent par se justifier ainsi pour leur échec. Ils sont trop timides pour attirer mon attention sur leurs habitudes.

On voudrait que je sois en arrière d'élèves de 5e secondaire comme une mère. 

J'en passe et des meilleures...

Bref, j'ai eu une rencontre avec des parents et tout est de ma faute.  

Évidemment, ça l'est! Sinon, quel est l'intérêt!

Lecture: la technique du résumé

Dans la série, on n'est pas là pour glander: la technique du résumé!

Ceux qui me connaissent doivent trouver que j'ai un peu une fixation sur cette stratégie. Je demande des résumés très souvent dans de multiples situations. J'ai des élèves du coin qui, par une association, rencontrent de mes autochtones des dernières années et j'aurais même une réputation en ce qui concerne les résumés!

Sur le plan du programme, un fanatique dans mon genre peut vous assurer que l'objectif de faire maitriser le résumé en quelques leçons en 3e et 4e secondaire en français est une farce peu comique. Il faut miser sur la persistance, sur plusieurs interventions et enfin sur des pratiques continues pour faire évoluer un jeune dans cette activité qui sollicite de sa part une certaine réflexion, de la relecture, des efforts de représentations de ce qui est lu et du destinataire. C'est une excellente pratique qui mène au questionnement sur le texte. 

Il y a longtemps que je soupçonne que les jeunes de nos jours ne lisent pas les romans quand les enseignants se mettent la tête dans le sable en leur donnant des beaux petits projets portfolio. Faire lire L'alchimiste et leur laisser le choix de faire l'activité très joliment multidisciplinaire de faire des dessins qui s'inspirent de l’œuvre a un impact assez nul sur l'élève en terme d'acquisition si ce dernier connait le moindrement les ressources du Web. Mes trois gars de 5e, l'année dernière, m'ont confirmé candidement n'avoir pas trop eu à lire de romans de tout leur secondaire quand il ne s'agit que de faire de coquets comptes-rendus de lecture.  Y a-t-il encore un enseignant qui fait lire Les dix petits nègres dans cette province? Faites la recherche. Vous serez sidérés... En long et en travers, tout est là de ce que vous pouvez imaginer comme matière prédigérée pour des travaux sur ce roman. Ça en devient presque ridicule de le lire.

C'est tellement la réalité que cette année quand j'ai dérangé le petit nid de douce paresse qui se vautrait en 4e et 5e secondaire, alors que j'ai expliqué`mes exigences, j'ai eu droit à des petites crises et déclarations assez significatives: «Je ne suis pas capable de lire moi, comment je vais faire!» (4e secondaire après au moins 15 œuvres obligatoires au secondaire) Bon, presque un cahier Canada plus tard, ce jeune a été tout à fait capable de  faire des résumés potables de 10 nouvelles jusqu'à maintenant. «Aille, j'ai jamais lu un roman de ma vie, c'est pas toé qui va me faire lire un roman». En tout cas, elle a peut-être sauté des lignes, mais elle a lu Le dernier jour d'un condamné de Victor Hugo depuis, je peux l'assurer.

Bref, je me donne peut-être de l'ouvrage (remarquez, c'est ma mission), mais je fais résumer chaque chapitre et, en plus, je fais même parfois du découpage à l'intérieur de ceux-ci pour m'assurer que mes élèves rapportent l'ensemble des éléments importants du chapitre et je contrôle 2 à 7 fois en cours de lecture l'avancée de ce travail sur un roman, selon mon énergie et les besoins. Et je ne me contente pas de traces! Je leur fais sortir des mots de vocabulaire aussi.  Enfin, j'ajoute à l'occasion des travaux à la fin de ces lectures: portrait, critique, dissertations, résumés synthèses, etc. Évidemment, difficile d'être aussi contrôlant avec des romans au choix. Mais bon, au début de l'année, ce n'est pas le moment: je leur montre le résumé. Bref, je fais avec les séries disponibles ou je fais lire 2-3 romans, quand il manque de grosses séries et fais faire des cercles de lectures et je lis moi-même les 2-3 romans. Je fais même les résumés parfois pour sentir la difficulté. Enfin, quand on a moins le temps, on repère assez vite certains élèves doués qui font d'excellents résumés qui serviront de comparatif pour porter des jugements et intervenir avec certains élèves.

Défaisons un mythe: j'ai des jeunes en première secondaire qui l'ont fait l'an dernier avec 5 romans et ils sont pourtant tous sortis avec une impression plus positive de la lecture que celle qu'ils avaient au début de l'année. On peut supposer qu'après avoir été forcé de lire 700-800 pages, on commence à en prendre l'habitude. Aussi, pour apprécier la lecture de roman, il faut en avoir au moins lu un au complet un jour... Enfin, tous ces jeunes savent mieux résumer que beaucoup de mes 4e et 5e secondaires de cette année, ce qui montre aussi que ma fixation n'est pas partagée par mes confrères.

Autre utilité: pour travailler un texte, je leur demande, à l'occasion, un 10 lignes qui résume l'extrait. Par la suite, les échanges s'en trouvent passablement bonifiés.

La faculté de synthèse en est une qui se travaille. J'ai besoin parfois d'une intervention d'une heure pour rectifier les différentes déviances que l'on rencontre dans cet exercice. Je lis avec le jeune un extrait et on discute de ce qu'il faut noter avec un modèle très simple: en gros, qui fait quoi? Et après? Après on raffine, en leur faisant mettre des explications occasionnelles, en les rendant attentif au changement de temps et de lieu, à l'entrée de nouveaux personnages qu'il faut un peu caractériser, à l'emploi des pronoms, etc. En 5e secondaire, j'encourage le commentaire occasionnel pour amorcer le résumé critique.

De nos jours, on leur fait faire mille trucs pour n'en maitriser aucun. Je reste convaincu qu'une bonne formation de base devrait reposer sur quelques pratiques qui structurent et qui devraient être largement partagées par les enseignants pour permettre aux jeunes de faire de ces techniques et connaissances centrales des automatismes qui permettent ensuite de construire en soi une représentation des savoirs et de posséder des instruments d'acquisitions. La technique du résumé pourrait être une de ces pratiques. Évidemment, je conviens que dans le contexte de tâche normale avec 90 élèves (ou même 120), ce peut être un peu lourd à gérer, mais bon il y a longtemps aussi que je croie que, pour faire apprendre, il faut beaucoup contrôler, et qu'en français notamment, nous avons trop d'élèves à nos charges pour vraiment encadrer significativement leurs apprentissages.

samedi 7 novembre 2015

Ma thèse sur la purge budgétaire cyclique

Il y a 20 ans, pour trouver l'argent pour payer des profs (et probablement des fonctionnaires, je connais moins leur évolution), on en a mis à la retraite. Évidemment, les jeunes qui remplaçaient se retrouvaient au bas des échelles et ils coutaient moins cher. En ce temps-là, on favorisait les retraites... Bon, accessoirement, il y avait une réforme à tenir visant à faire prendre des vessies pour des lanternes l'intégration des élèves en classe ordinaire, la nouveauté de l'époque avec, en guise de poudre aux yeux, une réforme faussement présentée comme l'aboutissement de la recherche la plus avancée où il fallait tendre vers les compétences plutôt que la connaissance.

La stratégie marchait encore très bien en 2008 quand je suis revenu enseigner, après trois années d'«écoeurantite» aiguë de ce système qui s'imposait contre le sens commun et, on allait le découvrir, contre tout ce qu'une science digne de ce nom en éducation pouvait mettre en évidence. J'ai vu jusqu'à un concierge d'école prendre la charge d'élèves parce que nous étions soi-disant en pénurie de ressource. Je n'ai rien contre les concierges, mais évidemment ils ne montent pas vraiment les échelons. On doit avoir atteint des summums dans le dossier des dérogations de toute sorte dans ces années-là.

Enfin, je mesure mal cet aspect, mais les nombreuses jeunes et nouvelles enseignantes qui nourrissaient le baby-boom des années 2000 et qui ont été remplacées régulièrement par un bataillon d'enseignants de seconde zone, ces 40 et quelques pour cent à statut précaire, ne coutaient pas trop cher non plus.

Bref, tandis que tout ce beau monde n'avait pas grand-chose à dire parce que majoritairement à statut précaire et médusé par d'hypothétiques promesses de statut à temps plein un jour, parce que les autres profitaient de leurs congés parentaux ou étaient simplement en burn-out et tandis que les retraités coulaient des jours heureux, on pouvait continuer de faire avaler des couleuvres à qui le voulait bien et embaucher toute une batterie d'aide-enseignants et de spécialistes pour justifier le démantèlement des classes spéciales. En ce temps-là, on avait aussi des budgets pour des enseignants-ressources pour aider les directions à garder le cap et les enseignants à survivre dans tout ce joyeux foutoir.

Mais tout ce beau temps des économies de bas d'échelle salariale semble en voie d'être révolu. Des gars (ou des femmes) comme moi qui viennent d'atteindre, après un parcours de combattant, le haut de l'échelle salariale, et ce, dans  mon cas, en arrivant à la conclusion qu'il fallait que je m'exporte en des régions fort éloignées pour y arriver, il doit y en avoir de plus en plus, à l'heure où les ouvertures de poste se raréfient et la profession affichent complet!

Conséquemment, le coût de la masse salariale doit s'envoler ces dernières années dans le monde de l'enseignement. Surtout que les enfants du baby-boom des dernières années sont faits et que les enseignantes stabilisent un peu partout leur pratique tout en gagnant de l'expérience et des revenus qui ont motivé, j'imagine un peu, leur venue dans le métier.

Alors, si l'on n'a jamais eu les moyens de payer les enseignants quand ils arriveraient dans la haute courbe de la génération où plus de la majorité gagnera un plein salaire, on comprend qu'il faille maintenant parler de la réalité des choses budgétaires.

Cette analyse, qui n'est qu'un essai, arrive mal, à ce stade-ci,  à prendre en compte cette volonté obscure du gouvernement de garder les enseignants deux ans de plus. Mais peut-être, fait-on le calcul qu'à ces âges, ils seront rares ceux qui seront capables de durer encore 3, 4 ou 5 ans dans le dilemme de la grande tentation et dans le climat toujours plus exigeant de l'enseignement. Évidemment, les flammes s'éteignent quelque part dans le tournant de la cinquantaine dans la fatigue des adaptations délirantes que la profession a exigé dans les 15 dernières années. Nombreux vont tout de même s'amputer des quelques pour cent de leur retraite pour enfin se retirer de ce monstre assoiffé qui les siphonne jusqu'à la moelle depuis tant d'années. Enfin, avec cette annonce, j'allais manquer ce petit détail loin d'être anodin, il y en a plus d'un qui se prépare à lever les pattes prochainement pour profiter de moindres pénalités. Juste dans mon petit milieu, je vois plusieurs personnes très concernées par cet aspect de la chose. Elles vont très certainement prendre leur retraite plus tôt que prévu. L'effet est donc le même: des jeunes moins couteux pour l'état viendront prendre le relai et participer à l'équilibre budgétaire global. Comme quoi l'écriture réflexive permet de comprendre souvent ce qu'on ne fait que subodorer.

Enfin, brulé un peu (j'admets) par ce début d'année plus chargée que de coutume, je regarde cette joute à laquelle je n'ai pas d'autres choix que de me prêter parce que, parait-il, je ne pourrais même pas faire le choix d'entrer travailler en ces jours de grève, car je serais sous le joug d'une certaine loi anti-briseurs de grève. Moi, jeudi, j'en profiterai pour terminer mes corrections et parachever mes bulletins tout en peaufinant le départ de cette seconde étape de l'année en essayant de relaxer un peu pour garder mon équilibre...

Honnêtement, je gagne bien ma vie, si je regarde le milieu d'où je viens, si je me compare à tous ceux qui en arrachent avec beaucoup moins, même si oui je fais souvent du 60 heures par semaine à titre de prof de français au secondaire. Je fais déjà mes 40 heures par semaine à l'école depuis fort longtemps et, pour le reste, je les fais je vous laisse imaginer où! À cause des aléas de parcours qui sont les miens, je vais très certainement faire ce métier jusque dans ma soixantaine, pendant encore au moins 15 ans. Enfin, s'il fallait me vexer pour le manque de reconnaissance affichée à l'encontre de ma profession, il y a longtemps que j'aurais lâché ce métier de fous où il faut quelque chose comme une volonté un peu débile de faire front à l'adversité ou à l'hydre mythique pour d'obscures et, j'imagine, peut-être pathologiques motivations inconscientes!

Enfin, je fais partie de cette tranche d'âge parmi les moins favorisés par les cycles étatiques et encore une fois je ne serai pas là pour profiter de ce contexte et serai parti quand on en proposera un autre pour purger le système de ces «temps pleins» couteux. Encore une fois, cette grève, pour laquelle j'ai stupidement voté d'ailleurs, n'est pas la mienne.

Mais bon, on aime relever le défi de faire bouger des jeunes ou on n'aime pas!

vendredi 6 novembre 2015

Neuro Gym Tonic! Sans blague!

Alcoolique et mythique! Ici!

Exclusivité de Brainwash inc.

La répétition fixe la notion?

Deux journalistes à la télé, parlant du milieu de l'éducation:" Comme on dit dans le milieu, la répétition fixe la notion."

Et ben non, je ne l'ai même jamais entendue, celle-là. J'ai même entendu, lu et relu le contraire. Répéter, vous êtes malades? C'est plate, parait-il... 

jeudi 4 juin 2015

Entrevue à lire: cette dame démonte les mythes qui nous compliquent la vie en éducation

C'est ici.

http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/05/29/31003-20150529ARTFIG00340-ecole-l-idee-que-le-savoir-n-a-plus-d-importance-est-le-plus-grand-mythe-des-pedagogues.php

samedi 16 mai 2015

«Perroquetisme»

Sur son blogue, le 2 févier dernier, Normand Baillargeon publiait une traduction d'un texte d'un certain professeur Feynman qui s'étonnait du fait que des jeunes Brésiliens qui avaient toutes les connaissances voulues pour répondre à une question pratique sur le phénomène de lumière polarisée en physique ne pouvaient appliquer cette connaissance à une situation pratique qui semblait pour le savant professeur d'une évidence certaine.

Bon, j'avais manqué ce texte. Dans la suite des commentaires, personne ne soulève ici encore une fois (il est de ces fatalités modernes) une réalité de l'apprentissage. Sans cette mémorisation préalable, les jeunes, à ce moment précis où on les confronte à la réalité et à la possibilité d'appliquer leurs connaissances en physique, auraient-ils fait ces liens et acquis la connaissance pratique que nous décrit Feynman?


Non, tous ne voient dans cet exemple que l'évidence que l'école ne fait que du «perroquetisme», faire faire de l'apprentissage par coeur de notions que les jeunes ne peuvent appliquer ou utiliser.

Personne ne voit pourtant que tout ce texte tient dans cette petite précision pourtant fondamentale: «Je découvris un phénomène étrange. Je pouvais poser une question et les étudiants y répondaient immédiatement. Mais quand je posais la question une seconde fois — la même question, me semblait-il, et portant sur le même sujet — ils ne pouvaient plus y répondre!» (C'est moi qui mets le gras). Or, ce n'est pas du tout la même question. La seconde question concerne la généralisation d'un principe appris et qui a un statut de compréhension superficielle et inflexible pour les élèves.

Là où tout le monde voit un drame, je vois une étape dans le processus et je vois des jeunes enrichir leur compréhension du monde. Le fait que ces jeunes ont tissé en eux un certain réseau de connaissances par mémorisation de certains principes leur permet de faire la relation entre ces principes et l'expérience. Ils élargissent leur compréhension du monde.

Maintenant, imaginez faire faire l'expérience à des jeunes qui n'ont  aucune intériorisation même sommaire de ces principes. Il n'y aurait rien où «intégrer» cette nouvelle information pratique. L'exercice n'aurait sûrement pas eu plus d'impact qu'une conférence intelligente qui éblouit sur le coup le spectateur et qui, sur le long terme, s'oublie faute d'avoir vraiment une utilisation constante de ces principes dans la vie ou un réseau de connaissance intériorisée où repose cette information pour une utilisation ultérieure ou d'autres associations significatives.

Voilà pour l'essentiel le drame de tous les jours que je constate chez mes élèves du secondaire ici au Québec où une réforme a condamné l'apprentissage par cœur au profit d'une pédagogie de projet et de découverte. Ils n'ont aucune intériorisation, rien en mémoire, parce qu'on passe tout le temps de l'école à «varier» les présentations avec des projets, des trucs, 36 méthodes pour des calculs simples pour justement soi-disant leur faire développer vos fameuses «têtes qui pensent». Et franchement, le résultat est navrant. En fait, on a des jeunes qui attendent tout le temps qu'on leur indique quoi faire et qui apprennent la dépendance à l'adulte dans tout ce qu'ils font ou qui font n'importe quoi et se contentent d'un résultat absolument médiocre. De nos jours, au lieu d'apprendre, ils font ce qu'on leur demande sans aucun désir de s'approprier quoi que ce soit, même si on s'ingénie à leur faire faire des parcours riches d'enseignement. Ils font pour en finir leur exercice sans aucune perspective sur l'avenir. Au moins, quand ils sont devant la nécessité de mémoriser pour un test, ils apprennent la perspective d'un futur pour l'apprentissage. Et dans ce système, seuls les jeunes qui apprennent vite et, ils sont rares, finissent par arriver à des performances d'une certaine valeur.

L'étape de la mémorisation des concepts, des principes, des connaissances est incontournable. C'est probablement pourquoi elle était depuis si longtemps au menu des enseignements traditionnels. Je fais exactement cela en ce moment dans une  classe de français. Avec persistance, j'invite les élèves à mémoriser des connaissances en grammaire. Au bout de quelques mois, il est palpable maintenant que les jeunes commencent à tisser des relations entre ces connaissances et, tranquillement, je peux mener avec eux une certaine analyse de la phrase qui s'éclaire doucement des sens tissés dans un réseau complexe de connaissances de plus en plus intériorisées. C'est bien la première fois de ma vie que je mène ce genre d'analyse sans avoir l'impression profonde d'être en train de jouer au savant devant un groupe de jeunes complètement dépassés. J'ose à peine imaginer où je pourrais aller si mes prédécesseurs avaient mis plus d'insistance à faire mémoriser des concepts, des tableaux de conjugaison, des listes de prépositions ou de conjonctions. Qui enseigne encore le bijou, caillou, chou... ?? Personne! Et en plus, leur capacité de mémorisation, ce muscle atrophié, est nulle, car elle manque d'exercice.

Notre rôle consiste à aider les jeunes à construire du sens de plus en plus profond ou élaboré qui permet la généralisation des connaissances. Comme le souligne, les chercheurs en sciences cognitives, la connaissance est d'abord superficielle, peu flexible. C'est ensuite en offrant des situations permettant de les généraliser qu'on accroit la valeur de la connaissance. Encore faut-il transmettre d'abord la connaissance. Et oui, il faut tendre bien au-delà de ce «perroquetisme».

J'ai appartenu à une école qui faisait beaucoup mémoriser les connaissances et j'ai, dans ma vie, toujours et davantage continué de comprendre ce qu'on m'avait transmis. On semble souvent oublier tous notre point de départ très modeste en ce qui concerne la connaissance des choses. 

samedi 9 mai 2015

De la pensée critique (quelques réflexions)

Un article de Baillargeon du 15 avril, que je lisais un peu plus tôt cet après-midi, et sa suite de commentaires m'ont donné le goût de coucher quelques réflexions. http://voir.ca/chroniques/prise-de-tete/2015/04/15/denialisme-et-pensee-critique/

Je ne suis pas d'accord avec ce «dénialisme» ni vraiment convaincu non plus de la vision apocalyptique à laquelle elle s'oppose. Je constate chaque jour que la nature est encore très vive autour de moi, et je suis assez limité pour me faire une certitude sur la question, car une vie est courte et je ne passe pas mon temps à parcourir le monde pour vérifier cette thèse. Néanmoins, je fais mon recyclage, j'essaie de ne pas trop en ajouter, je comprends que la planète et sa santé nous sont précieuses, qu'il vaudrait mieux prendre des précautions et continuer de le faire. J'ai peu de pouvoir sur le processus humain et je vois mal comment on peut échapper à sa dynamique qui la pousse à grandir, à coloniser. Bon, la vision créationnisme de certains Américains me fait simplement sourire comme chaque fois que les témoins de Jéhovas débarquent sans prévenir sur mon perron. Qu'y puis-je?

Comment arriver à éduquer les gens d'une bonne façon pour qu'ils ne tombent pas dans certains travers de pensée, pour qu'ils ne succombent pas à certaines idéologies qui de l'extérieur paraissent tellement simplistes et erronées ?

Je travaille dans un monde complètement anéanti par la pression d'une idéologie farfelue et sans fondement qui dynamite mes efforts de faire acquérir les connaissances de base qui permettraient à un humain d'être seulement juste habité par quelques idées complexes pour espérer qu'ils puissent contribuer un peu plus que comme un enfant au dialogue des humains sur la vérité des choses. Bref, je crois que l'ambition de cette question est énorme!

 Si je me souviens bien, dans «L'identité» de Kundera, un personnage (ou l'auteur, je ne sais plus trop), en visite dans son pays  d'origine, s'étonnait que les gens aient changé comme d'une chemise d'un système de croyances communiste à celui des capitalistes. On y développait aussi l'idée que le système idéologique est un véhicule que tous empruntent pour canaliser une sorte de mouvement social avec ses idées-forces, ses codes, ses langages, ses interprétations qui permettaient aux membres d'une société de coordonner leurs actions et, à chacun, de trouver sa place au milieu de cet ordre imparfait, mais préférable au chaos. Enfin, pour être juste, je ne sais plus exactement si c'est la réflexion qui s'y trouvait ou les conclusions que j'avais tirées de cette observation du personnage. J'avais trouvé cette idée en tout cas fort pertinente pour décrire les grands mouvements des humains.

Au fond, nos systèmes de croyances permettent de nous associer avec des étrangers, ces autres avec qui il faut bien interagir. Je ne parle pas de l'étranger d'ailleurs, mais de l'étrangeté du voisin que je ne connais pas. On voit plein de gens se fondre dans des idéologies de toute sorte pour y trouver les autres, un sentiment d'appartenance, une ambiance, des opportunités, pour y calmer leurs angoisses existentielles. Houlebecq, récemment, avec sa vision d'une France qui plongerait dans un islamisme sans grands heurts reprend la même idée. Comme il est facile de faire abdiquer les gens quand on menace de les soustraire de ce qui donne à leur vie un certain sens! La menace de l'exil, l'exclusion, la mise à l'écart sont des formes de pression subtiles et pourtant très puissantes. Pour retrouver du sens à leur vie et retrouver l'occasion d'être utile, en faisant souvent la seule chose que l'on sache bien faire, combien sont prêts un jour à tout renier. La chose semble même d'autant plus facile quand la position sociale occupée est élevée. Évidemment, certains ont d'autres possibilités, des milieux et des appartenances,  encore prometteurs pour leur avenir. Mais si l'unilatéralité s'impose, à certains moments de l'histoire, même ceux-là qui supportent l'adversité, que feraient-ils?

On n'a pas à regarder si loin. Il m'apparait qu'on ne peut garder une position longtemps sans un certain nombre d'appuis, donc de concessions à une certaine façon d'envisager le réel qui ne nous semble pas forcément juste. La culture ambiante, de ce point de vue, nous traverse et nous ne pouvons pas, la plupart du temps, l'ignorer. Il faut aussi dans bien des milieux s’accommoder aux gens avec qui on partage l'espace. On doit s'en préoccuper, développer des relations harmonieuses, même si sans le besoin du job ou de la position qu'on occupe,  nous ne fréquenterions pas très certainement ces «étrangers».



Je décris le nécessaire opportunisme humain qui explique assez bien pourquoi il est difficile de faire en sorte que les gens ne se laissent pas «contaminés»par les ambiances qui leur donne un certain équilibre pour occuper la position qui leur donne une certaine raison de vivre et de se lever le matin.

Je ne suis pas forcément relativiste pour autant, je ne crois pas que tous les points de vue se valent et que la réalité ne peut pas trouver une représentation plus objective nous permettant de nous en faire une vue plus «juste».

Alors, la science (et la communauté qui s'en réclame) dans tout cela, certes elle a ses aspirations de trouver une certaine représentation juste des choses. Malheureusement, dans bien des cas, faire de la science demande de grands moyens. La contamination de son point de vue par des intérêts que certaines représentations «justes» prévalent sur d'autres est observable aisément pour quiconque s'approche de la sphère où elle se fait.

J'enseigne et j'avoue que franchement j'enseigne le crédo de la science, «la bonne base», et prends peu de risques de partager avec la jeunesse mes doutes sur de nombreux points de cet enseignement. J'ai compris depuis un moment que les jeunes adolescents sont encore trop immatures pour fonder un point de vue critique mature et que, de toute façon, il est bien difficile de nos jours de pouvoir se vanter de «connaitre» le monde. On peut au mieux partager que la réalité n'est pas aussi simple à connaitre. Les doutes, la perception des incohérences, tout cela traversent la vie d'un homme qui réfléchit à ce qui se passe autour de lui et qui prend parfois conscience que la connaissance est souvent insaisissable avec certitude. On observe que beaucoup de gens partagent des certitudes acquises à l'école et entretenues par divers médias par la suite et qu'ils fondent un grand nombre de leurs décisions sur ces conceptions du monde, notamment quand vient le temps de se laisser traiter par des médecins sans se poser de question, malgré ce qu'on peut aisément savoir de leur biais et de leur traitement.

Et le seul enseignement sur la pensée critique que j'ai reçue, et il ne venait pas de l'école, a été de suivre l'intérêt du porteur d'opinions. Par la suite, j'ai appris de nombreux pièges de langages et d'autres processus qui nous enferment dans des manières de penser souhaités par d'autres et comme beaucoup, j'ai vu les torsions dans des points de vue que je ne comprenais pas, auxquels je ne pouvais adhérer de par mon expérience du monde.

Je n'ai pas de solutions au fait que je suis comme la plupart des humains sans moyens pour faire les vérifications d'une manière scientifique de nombreuses idées que j'ai acquises avec l'âge sur les vérités probables du monde. Je dois me contenter d'une vision probabiliste personnelle que je tais, la plupart du temps, pour ne pas froisser la plupart des gens qui ne se posent pas ce genre de questions ou les autres qui sont conquis à certaines idées.

Bref, dans un monde ouvert comme il l'est maintenant qui ne laisse pas une chance à tous, la plupart des gens vont prioriser la vérité consensuelle qui permet de survivre matériellement et psychologiquement, celle qui permet de faire sa place auprès d'une communauté pour en retirer les bienfaits.

Je reste encore dans l'espérance qu'on puisse élargir la communauté d'un échange sain sur la vérité des choses, mais juste à voir comment il est difficile pour plusieurs de garder leur calme  devant l'évidence que d'autres ne pensent pas comme eux, je reste enclin à penser également que nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Pour le moment, je montre à des jeunes de 13-14 ans à simplement comprendre et exprimer les mobiles des personnages pour saisir les dessous du roman qu'ils lisent péniblement parce qu'ils sont déjà convaincus de détester lire et que c'est une activité inutile, qu'on peut facilement éviter. Honnêtement, je suis encore loin d'aborder avec eux le processus de pensée critique, j'ose espérer que par le genre d'attention que je leur impose un peu, ils découvriront un moment donné que la réalité et sa complexité sont fascinantes et infinies. Le pas suivant, apprendre à observer la perspective des autres et à juger de sa valeur, de son exactitude, ne sera pas grand à franchir par la suite, même s'ils peuvent mettre des années à le faire.

Je ne me fais pas d'illusions, ma contribution reste modeste!

mardi 14 avril 2015

Construire la représentation par la mémoire d'abord pour faire émerger le sens ensuite.

Pendant qu'on s'occupe de la structure des organisations, pendant qu'on attend une étude sur les ipad qui fait déjà jaser, pendant que la France revient aux constructivismes «as usual», moi, ben j'enseigne et mène mes expériences et observations.


J'ai choisi de rentrer dans les souliers d'un vieux de la vieille qui a monté une approche de l'enseignement du français assez traditionnelle bien installée dans ce milieu pour voir. Des revues de cycles régulières avec des objectifs de faire apprendre pas mal par coeur dans un premier temps bien des notions que de nos jours on se contente de débiter sans approfondissement pour un résultat la plupart du temps plus que nulle qui fait que de nos jours les jeunes ne pigent strictement rien à la grammaire ou si peu. Bref, je suis en train de passer le programme des notions de façon assez systématique. On fait en fait assez peu d'exercices bien que ma tendance soit d'en donner pour espérer consolider les apprentissages, mais je découvre en fait que c'est souvent une perte de temps si on ne fait pas vraiment cristalliser une mémoire des notions. Bref, je leur demande de mémoriser des définitions et d'apprendre des exemples par coeur ou presque. Évidemment je fournis des explications et on fait quelques exercices, mais l'objectif ultime est la mémorisation des concepts.

Ce  n'est pas évident. Comme ce prof l'observait, c'est souvent la première fois dans leur histoire que ces jeunes doivent apprendre un peu quelque chose par coeur. Évidemment, au début, ils ne comprennent pas où l'on veut en venir. Ils ne comprennent pas trop les notions ou de façon très très limitée. Mais, puisque le système des connaissances grammaticales est un réseau de connaissances complexes avec de multiples interrelations, je sens que tranquillement ils construisent une représentation d'ensemble. En revenant par tous les côtés sur les groupes et les fonctions, qu'on évoque aussi régulièrement dans les démarches de corrections des dictées et des textes, tranquillement s'élabore de la connaissance en eux. Puisque les mots, les concepts tranquillement se   cristallisent, s'associent, peu à peu les habitent, on peut tranquillement avancer vers des interactions où les jeunes font des liens de plus en plus compris et intégrés dans les analyses. On commence bref à faire de la grammaire avec eux au lieu de simplement en faire devant eux, alors qu'il n'y pigent absolument rien.


C'est encore loin de la perfection, mais bon l'exercice apparemment impossible à leur yeux de la semaine dernière où il fallait apprendre au moins 8 fonctions avec une phrase exemple où un groupe à identifier joue ce rôle s'est fait quand même avec un certain succès.


Bref, on progresse. L'idée dans tout ce processus est d'arriver au point où quand on fait une analyse, on peut parler de différents concepts qui prennent un sens parce que, en eux, la connaissance de base a de petites racines implantées au lieu du vide intersidéral habituel où rien ne colle.


Nous apprenions de cette façon avant la différenciation, le développement des compétences, les Ipad et les projets délirants.

Je pense que, malgré tous les grands discours, à la base quand on commence dans un domaine, on doit d'abord se faire une mémoire de concepts pas toujours clairs. Ensuite, en les utilisant, on acquiert peu à peu le sens de leur utilité.

Enfin, je continue cette expérience qui correspond quelque part à la première proposition  structurée de l'apprentissage de la grammaire avec de l'étude des concepts obligatoires que je rencontre dans mon parcours d'enseignant. Et les jeunes, ils finissent pas nous suivre quand on tient une barre fermement et qu'on leur dit c'est pas là qu'on va. Évidemment, une approche de ce genre doit être incarné par un enseignant qui accompagne ses élèves, les encourage, les outille pour relever le défi de cette façon d'apprendre. Bref, la stabilité favorise l'apprentissage véritable, car ça prend du temps.



vendredi 20 mars 2015

Y a franchement de quoi rire: aller chercher les meilleurs maintenant.

Ça va faire 20 ans que le corps enseignant se renouvelle au gré des vagues successives des retraites et, depuis quelques années, le milieu offre moins de possibilités de faire sa place, mais on ira chercher les meilleurs. Pour les mettre où? Ça va régler beaucoup de problèmes, ça!


Va-t-on changer le «brainwashing» aussi? Va-t-on réellement s'attarder à ce qui s'enseigne dans la formation des maîtres? Va-t-on lier cette formation à ce que nous révèlent les recherches en efficacité de l'enseignement? Va-t-on ouvrir les voies à des gens qui n'ont pas de prime abord choisi l'enseignement, mais qui, excellents dans leur domaine, souhaiteraient communiquer leur savoir aux jeunes? Voilà aussi 20 ans qu'on empêche aussi cette mobilité dans le réseau en leur imposant le bac de 4 ans en campus, ce qui en décourage la plupart.


Bonne nouvelle, une des indignées de la semaine s'est dit à la retraite. Celle-là même qui a fait de son essai sur la grammaire une révolution tranquille de la manière d'enseigner cet aspect ardu de la langue. Elle doit se dire, elle aussi, que sa nouvelle grammaire n'a pas été vraiment enseignée et c'est pourquoi sa méthode ne donne pas les résultats espérés.


Si autant de jeunes n'arrivent pas à réussir les examens de français d'entrée, c'est justement que cette méthode logique, séduisant pour l'adulte qui a atteint la capacité de raisonnement, mais trop logique pour un esprit qui se construit, n'a pas su laisser les traces nécessaires à la saisie du fonctionnement de la langue.


Cette saisie suppose l'exercice répété de procédures simples pour s'approprier les régularités et une capacité de mémorisation indispensable dans une langue qui s'ingénie à multiplier les défis pour la mémoire avec ses nombreuses exceptions.


La simplicité, la mémoire, la rigueur, voilà tout ce que ce mouvement d'idéologues patentés de l'éducation a rejeté il y a 20 ans... pour donner soi-disant du sens à l'éducation. Ils n'ont rien compris et continuent de ne rien comprendre à la construction des savoirs dans un esprit vierge, manifestement.

dimanche 22 février 2015

Pour commencer à nommer ce qui ne va pas: les petits génies ou l'école qui fait semblant

Avec la sortie de cette étude sur les effets de la réforme du projet ERES qui vient nous dire que les résultats sont même moins bons qu'avant, nous nous retrouvons encore dans la guerre de clocher habituelle.

Les uns rappellent que cette réforme s'est imposée sans discussion, comme une idéologie qui se mettait en forme lentement via des formations, des programmes arrivant en pièces détachées.Les autres trouvent matière à encore matraquer l'argument que la réforme n'a jamais eu lieu à cause des syndicats.

En tous cas sur le terrain, il y a eu un grand dérangement, une sorte de déportation de l'enseignement traditionnel et de ses développements modernes et en plus un effet d'évitement contrôlé des données de plus en plus nombreuses qui indiquent la marche à suivre pour augmenter l'efficacité de l'enseignement.

Mais franchement de quoi parlons-nous? La réforme a tellement charrié d'idées qu'il serait peut-être un moment donné opportun de faire le point sur ce qui a changé avec elle dans nos pratiques.

Pour le moment, même si la formule s'est assouplie depuis quelques années, les jeunes réussissent de moins en moins bien l'épreuve unique de 5e secondaire en français.  Cet examen trouve acceptable qu'un élève moyen fasse une douzaine de phrases syntaxiquement incorrectes dans un texte de 450 mots.

Il serait peut-être plus opportun de revoir attentivement ces changements au lieu de nous balancer du pour ou contre cette réforme. Je commence ici avec l'influence de la pédagogie de projets sur nos pratiques et le dicta de la transdisciplinarité.

D'ailleurs, à mon sens, des pratiques en place, depuis bien avant la réforme, continuent aussi d'avoir peu ou pas d'effet sur l'apprentissage de nos jeunes. Je pense à cette nouvelle grammaire, qui n'a jamais donné des preuves de son efficacité, qui repose sur l'argumentaire écrit au début des années 1990 par une linguiste de l'université Laval qui a depuis totalement dominé par son influence l'enseignement du français au Québec avec son programme mis en place en 1995. Je pense aussi à cette habitude de vouloir faire faire des textes très longs et structurés mimant les textes d'adultes depuis la réforme des années 1980 au lieu de viser pour nos jeunes une honnête maitrise de l'orthographe et de la syntaxe dans des textes courts, ce qui permettrait une régulation des apprentissages bien plus effective que ces monstres bourrés de fautes qu'on leur fait produire et que les enseignants mettent 2 semaines à corriger pour des rétroactions bien trop éloignées dans le temps.

On avait déjà commencé dans les années 90 à promouvoir l'idée que les problèmes en maths devaient avoir une application pratique et devenir le centre des apprentissages. Depuis la manie de vouloir faire des liens avec tout sans arrêt n'a jamais été remise en cause, même si on continue de dire dans les milieux que les jeunes ne savent pas lire quand vient le temps d'effectuer une résolution de problème. 

La manie de faire des liens avec tout est partout présente dans tous nos manuels depuis belles lurettes. La réforme venait sanctifier cette façon de faire mur à mur dans toutes les matières. La semaine dernière, avant de faire des activités de compréhension de texte en première secondaire, il a fallu expliquer le Moyen Âge à mes jeunes. C'est devenu banal de me faire demander si je ne suis pas un prof d'histoire ou de sciences dans mes cours de français. On pourrait voir le côté intéressant de l'affaire, en relevant que ces jeunes ont la chance de parler d'histoire ailleurs que dans leur cours, mais honnêtement pour mes objectifs d'objectiver des pratiques de lecture et de travailler des aspects de langue il s'agit d'un parasita majeur omniprésent de nos jours. Je connais parfaitement le volet des grands inventeurs, des grands découvreurs, les causes environnementales, l'écologie, la sociologie, la géographie, etc. Nous sommes constamment en train  de défricher à la dure des continents d'ignorance en plus de faire du français ou des maths si l'on suit l'état d'esprit utilitariste qu'a repris cette réforme en poussant la logique encore plus loin en voulant nous faire faire des projets en plus transdisciplinaires.

Effectivement, y sommes-nous parvenus? En tout cas, nous faisons un projet d'histoire relié à la culture locale cette année dans mon école. Transdisciplinarités indéniables avec les volets de l'évolution technique, des techniques de chasse et pêche et des moyens de transport. Tous les profs et jeunes de l'école s'improviseront vulgarisateurs d'histoire. Je trouve tout ça fort intéressant, mais est-ce ainsi pour les jeunes? Il faut travailler fort pour les motiver en tout cas et je suis loin d'apercevoir les effets si positifs d'une telle entreprise de copier-coller mis en pancartes associé à un discours rudimentaire sans profondeur dans une exposition pour épater la galerie.

Le problème de l'école en ce moment m'apparait résider exactement là dans cet immense désir de tout faire connaitre aux jeunes avant qu'ils n'aient fait leurs classes.  Dans cette école, les apprentissages de base sont devenus secondaires et la priorité est donnée à vouloir faire mimer la vie et les compétences des adultes spécialistes par des jeunes qui n'ont pas ce qu'il faut pour se mesurer à de tels défis. Résultat: les profs, sans arrêt, doivent se prêter à cette mascarade en arrangeant le film avec le gars des vues.

Je ne vois pas honnêtement comment on peut bien préparer notre jeunesse en leur faisant croire qu'ils ont la trempe d'un spécialiste déjà tout jeune, en les laissant constater que peu importe leur résultat un adulte va les aider à bien présenter, que finalement dans la vie on peut épater la galerie et se faire féliciter pour de faux efforts.




Voilà à l’œuvre toute la logique du changement de paradigme, du développement des compétences, de la pédagogie de projets, des programmes fourre-tout, des compétences transversales qui nous a conduit là en passant avec le résultat navrant que nos jeunes n'ont qu'une faible connaissance de leur base. On comprendra alors que des enseignants se donnent parfois l'objectif de faire bande un peu à part pour suppléer à cette ambiance si peu consistante pour nos jeunes et tentent de leur donner les outils que nous avons reçus de l'école dans un temps pré-réformes.

Mais ils peinent, car, malgré le discours de la réforme qui ne se serait pas faite, il est difficile de prioriser les bases dans nos classes de nos jours avec cette pression à faire faire à nos jeunes des activités pour épater la galerie des parents qui veulent voir leurs jeunes comme des petits génies.

dimanche 8 février 2015

L'opium des réformateurs

Ici on démonte la mécanique du discours du constructivisme qui séduit. Un petit texte éclairant. Il séduit et dope tant de gens qu'on ne peut plus repenser le système maintenant...

Système en perdition

Vous l'avez vu cette semaine. La réforme n'a pas donné les résultats attendus, même qu'on fait moins bien qu'avant, notamment chez les garçons et les élèves en difficulté qui ont augmenté en nombre dans le cadre de la réforme. Les élèves du renouveau ne réussissent pas en plus grand nombre qu'avant. Ils ne sont pas plus motivés qu'avant. Dans les médias, on parle d'échec.

Réponse du ministre dans le Devoir:

« Dans toutes les provinces, les filles réussissent mieux que les garçons au secondaire. Il faut s’attarder à ça pour offrir aux garçons des [programmes] plus adaptés à leur façon d’apprendre », a répondu le ministre. Il a toutefois défendu le Renouveau pédagogique, en minimisant l’étude et alléguant que l’échantillon n’est pas suffisamment grand et que les cohortes étudiées proviennent des débuts de la réforme. « Le chercheur le dit lui-même, il faut être prudent », a souligné M. Bolduc.

Y de quoi s'énerver avec cette mauvaise foi évidente.

L'échantillon, plus de 3724 élèves et 3913 parents, trois cohortes réparties dans le temps, avant la réforme et après qui montrent que les résultats empirent. 

D'ailleurs, on l'a vu à la télé, notre valeureux ministre trouve que c'est normal au début de rencontrer des difficultés. 15 ans, 10 ans pour le secondaire. Me semble...

Bref, comme d'habitude, nous aurons eu un vague espoir, vite perdu, vite oublié.

Examiner la pédagogie qui se pratique et ses résultats n'est pas dans les priorités ministérielles en ce moment. On ne veut que s'occuper de cette fusion des administrations qui va faire économiser le trésor public. On va annoncer des lieux communs, du rapiéçage.

J'ai lu en diagonale le rapport. Les écarts sont rarement significatifs, mais constamment en défaveur des jeunes qui ont subis la réforme pédagogique (RP). Les élèves de la dernière cohorte examinée ont terminé en 2013.

Le rapport développe longuement sur 3 théories motivationnelles sociocognitives. Je trouve ces théories assez nulles et on peine à trouver des fondements à ces théories qu'on ne peut valider qu'en lançant tout un système dans une RP alambiquée. Et on constate que les résultats ne changent pas, même qu'ils se détériorent. Pourtant, c'est l'évidence, on ne peut pas tant que ça faire s'autodéterminer un jeune, car c'est une injonction paradoxale.

Dans la réalité, plusieurs jeunes accumulent des déficits d'apprentissage que l'incitation à l'autodétermination ou l'automotivation ne va pas aider. Ces jeunes requièrent plus d'encadrement et de soutien sinon, on le sait, ils vont échouer, se laisser aller dans une structure qui les laisse trop libres d'errer et de ne pas réaliser les tâches.

On est au cœur de cette erreur monumentale de stratégie pédagogique. 

On travaille toujours sur des composantes à impact limité sur les facteurs de réussite.

Il faut intervenir jeune et surtout bien encadrer dans des tâches productives les jeunes pour les préparer à  accéder en secondaire avec une certaine force des acquis. L'apprentissage de la lecture est capital. En maths, on en parle peu, on devrait resserrer les objectifs pour permettre une fluidité du calcul mental qui semble sous-exercé. C'est une véritable limite à la compréhension et à la pratique des exercices au secondaire. En français, on devrait  ramener de la simplicité et de la répétition dans les apprentissages des composantes de la langue.

C'est tout le contraire de ce que fait cette école depuis 15 ans dans trop de milieux sous l'influence d'un PDF qui erre et ne cible pas les priorités.

Les jeunes arrivent au secondaire avec des lacunes en calcul mental qui sont franchement questionnant. L'incapacité de rapidement mémoriser de nouveaux termes clés servant de repères dans les apprentissages est aussi une observation banale. En français, ils ne distinguent pas grand-chose dans les classes de mots qui permettent d'aller plus loin dans la compréhension des mécanismes de la langue.

Je discutais avec le prof d'univers social, il serait périlleux de nos jours de tenter de faire mémoriser la carte du monde et le nom des 180 pays ou à peu près et de leur capitale comme nous le faisions naguère. Non, on se promène dans le monde sans cartes mentales dans les cours de géographie. On part de réalité d'ici pour observer la réalité d'ailleurs sans avoir d'abord une représentation intériorisée du monde qui soit assez solide pour permettre de se construire une représentation unifiée et intériorisée des réalités du monde que l'on observe à l'école. On fait du tourisme «fast-food» à l'école via des manuels, finalement. Et on le fait dans tous les cours: en français, j'aborde des textes qui portent sur les favélas de Rio de Janeiro avec des jeunes qui ne travaillent pas les cartes. Mes manuels sont remplis de textes pour faire des liens avec les autres matières. La difficulté est la même qu'en math: le dénominateur commun est difficilement discernable!

L'utilitarisme de cette RP détruit la possibilité de fonder l'apprentissage sur un socle stable de connaissances. On lance les jeunes constamment dans la complexité en espérant que l'exposition à cette diversité va enrichir leurs représentations. Malheureusement, pour la plupart des jeunes, l'apprentissage ne fonctionne pas de cette manière. On les perd, on les éloigne du cœur de ce que l'on veut enseigner dans nos cours en les plongeant dans la perplexité.

Paradoxalement, on leur montre davantage qu'avant dans ce système à apprendre dans l'instant présent au gré des tâches à accomplir qu'à se construire une représentation de base qui permet d'entrer en relation avec les nouveaux savoirs pour se développer une représentation riche des réalités du monde. Ils oublient tout rapidement parce qu'ils n'ont pas de repères intérieurs qu'on ne travaille plus de nos jours. D'ailleurs, cet oubli est normal quand on multiplie les tâches et les diversifie systématiquement pour répondre à l'exigence d'enrichir les représentations et d'offrir des parcours qui intéressent. On en voit  trop, tout simplement.

Malheureusement, on passe à côté de l'essentiel: le besoin d'un socle solide de représentations stables pour fonder l'activité intellectuelle qui se pratiquera plus tard chez ces jeunes. On ne peut réfléchir quand on n'a rien appris.

Car apprendre, c'est bien cela, acquérir des représentations stables pour les réutiliser plus tard. 

Bref, nous n'en avons pas terminé avec les «patchs», les trucs et les raccourcis qui ne marchent pas.