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mercredi 24 octobre 2012

La gestion de classe de Bob (pour vrai là!)

Bon, désolé pour les 8 visites dans ce canular qui n'en était pas un, mais simplement une intention.

Allons-y, j'ai rencontré Bob dans un colloque la semaine dernière. Mon premier colloque! Je n'étais pas resté assez longtemps quelque part pour pouvoir vivre cette expérience normalement réservée à la garde rapprochée de certaine direction d'école. Ici, pas de ce genre de simagrées réservées à la caste, non tout le monde y va. Bref, cette année, c'était celle du colloque, alors l'école s'est arrêtée et je me suis envolé avec des collègues pour un trois jours de ressourcement.

Vous vous doutez que j'étais quelque peu dubitatif et pourtant j'ai fortement apprécié 2 des trois conférenciers, et les 4 ateliers auxquels j'ai participé. Bon, un des conférenciers m'a tombé sur les nerfs avec sa PPLP et  sa tentative d'humour à mon sens raté sur fond de caricature manichéenne: le monde se divise en «bitches» fouteuses de merde, insupportables, tendance syndicat, avec de gros problèmes personnels qui ne comprennent pas ce que tous les autres comprendraient: du moment que t'es payé, ton devoir premier est d'être cool. Dans ce paradigme, la compétence est une variable négligeable en comparaison de ses talents d'humoriste au point où on se demande si le conférencier n'a pas des parts dans la compagnie de l'École de l'humour. Comme d'autres collègues l'ont dit, sur le fond, il y certainement du vrai, que le savoir-être y fait pour beaucoup dans notre intégration à une équipe, mais bon il n'y a pas que cela. Moi qui me sent patauger parfois au milieu d'un manque de compétence hilare, j'ai quelques réserves. La performance par le plaisir, bref, semble par moment une belle récupération de la droite genre Wal-Mart et de ses associés. Et son présentateur «réfléchit» parfois sur scène de manière complaisante dans son show fabriqué et mal joué qui a le culot de nous dire que la routine est quelque chose comme une plaie. Il n'a pas étudié l'économie, ce mec!

Mais bon, je ne vais pas m'apesantir sur le néant et revenir au bon moment, un des bons a été celui passé avec Bob.

Un atelier de 90 minutes que Bob aurait voulu plus longs.

Qui est Bob? Je mettrai le lien avec son site plus bas.

Moi, je ne le connaissais pas. C'est un prof de 28 ans d'expérience ou à peu près qui en a surement bavé dans son champ d'intervention en adaptation scolaire à ses débuts et qui est allé se chercher des outils qui marchent pour lui et qu'il vient nous proposer simplement et humblement.

Il a le tour de prendre le plancher avec sa présence athlétique et aussi de nous laisser des moments pour digérer ce qu'il vient de nous lancer.

D'entrée de jeu, Bob aime nous rappeler quelque chose comme une vérité profonde dont il faut certainement mesurer la portée comme éducateur: on est la seule personne qui a du contrôle sur notre vie. On peut juste se changer soi-même et c'est valable pour nous et pour nos élèves aussi. On est libre.

Bref, Bob présente surtout une approche qu'il a raffinée dans sa pratique dans un langage simple certainement né de son interaction avec les jeunes. Il s'agit de celle d'un psychiatre américain Glasser et Thérapie de la réalité qui a connu du succès dans le milieu carcéral et qu'il a  adapté au monde scolaire: la théorie du choix. Bob est «calé» dans cette approche.

Bon, sans entrer dans les détails, je trouvais que cette rencontre tombait à point, car je me posais des questions pour tenter d'aller rejoindre cette petite frange insaisissable de jeunes qui restaient hors de portée de mon influence. Comme j'ai dit dans l'entrée précédente de ce blogue, ça va très bien en ce moment, mais il y a toujours des zones du relationnel humain qui nous échappe, des jeunes que notre palette habituelle d'intervention ne semblent pas atteindre.

Comme le présentateur de la PPLP d'en haut, Bob parle d'attitude, qui donne de l'altitude plus que l'aptitude. Mais il en parle plus adroitement je dirais avec en bonus une panoplie de moyens concrets qu'il nous propose généreusement. Bref, il nous invite à moins de contrôle, et à un certain dialogue d'éducateur qui laisse le jeune libre tout en lui montrant constamment et, avec patience, les conséquences de ses choix.

Bref, Bob nous invite à développer des relations plus harmonieuses avec les jeunes et à collaborer, à partager ce qui marche pour nous avec les collègues.

En tous cas, je ne sais pas, cette rencontre m'a dynamisé et m'a amené à faire quelques petits changements dans mes habitudes d'interventions. En trois jours, je note déjà des gains, sans vraiment me casser la tête. Je me suis mis dans la tête de faire le contact direct avec tous mes élèves gratuitement, simplement, et de formuler mes demandes différemment à partir des quelques exemples que Bob a donné. J'ai changé mon focus un tout petit peu et  j'ai intégré à ce que je fais déjà quelques petits conseils. Je me suis vite rendu compte que mes journées sont encore meilleures.

Je vous invite donc à aller rencontrer Bob, sur son site où on peut trouver 9 vidéos pas trop longues qui auront certainement quelques bonnes idées pour vous.

J'ai dans ma poche la petite pierre qu'il nous a donnée pour se rappeler un peu de faire attention à nous et aussi j'imagine de son intervention dans nos vies pour nous influencer et nous aider à relever nos défis éducatifs. Cette ancrage (il doit avoir étudié la PNL, le Bob!) et un autre sur mon bureau me rappellent ma responsabilité dans l'histoire que je vis au jour le jour!

En allant chercher le lien, je me rends compte que j'avais déjà vu ce site et que je n'avais pas fouillé plus avant. Je n'étais peut-être pas mûr pour cette rencontre.

En tous cas, merci Bob!

Passages à gué

Enseigner en région a son lot de petites misères, ici on a nos particularités en plus : pas de cloches depuis janvier, pénurie de 81/2 x 11 dans les dernières semaines, les commandes qui n'arrivent jamais, vraiment jamais, la salle informatique qui se déglingue, de la bande passante limitée (pour ceux qui ne savent pas ce que c'est: disons que l'internet n'est pas aussi fluide que dans le sud à fibre optique), 5 niveaux de français à gérer, des élèves absents, un après l'autre, des conflits avec des élèves la première année assez chiants, des accusations infondées, enfin la liste est longue.

En passant pour ceux qui me lisent, l'accusation n'a pas été retenue: celle d'avoir «pogné» le postérieur d'une jeune fille en plein corridor avec plein de monde autour... Et la jeune fille est revenue dans mes cours et la vie continue, je suis passé à autre chose et elle aussi. J'ai même eu la visite de la grand-mère lors de la première rencontre de parents. Comme quoi, faire la relation avec certains jeunes, dans ce métier, tient du rodéo de haute voltige! Faut avoir un peu les nerfs solides... moi, qui les ai eu fragiles en d'autres circonstances!

Mais bon, dans une deuxième année au même endroit, une chose change, et radicalement, c'est la qualité de la relation avec les jeunes. Celle-là, dans mon cas et dans celui de plusieurs, on la gagne à l'arraché!

L'enseignement est un métier de patience. Comme le jardinage. L'effet est lent, très lent et c'est la trame du quotidien qui le nourrit doucement, imperceptiblement.

Je choisis et rechoisis finalement d'être ici pour cette possibilité de construire quelque chose avec ces jeunes qui partent de loin dans le contexte d'un peuple qui se relève encore d'un énorme cataclysme culturel qui a eu lieu il y a une grosse cinquantaine d'années pour réussir le 2e plan Nord, car ce n'était pas le premier, en passant,  il y a eu celui de Lesage après celui du fameux Duplessis. Et, comme on sait, il y a eu celui de Bourassa, etc. , etc. Notre bouclé national n'a rien inventé. Du moment qu'on a commencé à voir ce qu'on pouvait tirer du territoire du Nord, le sort de nos étranges indigènes du coin étaient scellé, eux qui avaient coexisté pendant un bon 350 ans avec nous sans changer leur mode de vie.

Trois ans que je partage leurs vies, dans deux endroits, sans les comprendre, à tranquillement raboter mes préjugés et à sortir du jugement, à apprendre notre histoire et à réfléchir à notre avenir.

J'imagine aussi que ce cheminement permet aussi quelque chose.

Toujours est-il que cette année, il y a, par moment, comme une magie qui s'opère, un changement de perspective. Moins de chocs, plus de rencontres et d'attention réciproque et d'ouvertures pour l'apprentissage. Peu à peu, je trouve des passerelles, des passages à gué nouveaux!

Au final, malgré les nombreuses frustrations d'un milieu désarçonnant qui n'a jamais la fiabilité et la constance de ceux du sud, comme on dit par ici, quelque chose émerge et certaines ouvertures deviennent possibles.

On a toujours besoin d'enseignants par ici en passant! Si la vie vous intéresse!

mardi 23 octobre 2012

Lu dans Le Devoir: une affirmation à documenter, vous avez quelque chose?

«De plus, il ne favoriserait pas la réussite de tous puisque, selon les experts, les systèmes éducatifs les plus efficaces en matière de performance et d’équité sont ceux qui adoptent une approche inclusive plutôt que sélective dans l’organisation de leurs services.» Le Devoir  (Écoles publiques et privées - Plaidoyer pour un système plus juste. Pierre Lapointe - Professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, 23 octobre 2012 )
 

Étonnamment, ce type qu'on pourrait mettre dans la catégorie des gens bien informés nous  épargne la précision.

Quand formule privée = formule publique, on sait que les conditions de travail vont aller en baissant

Hier, j'ai oublié de dire que, dans les quelques milieux privés que j'ai eu la chance d'approcher, il n'est pas rare qu'on fasse un drôle de petit chantage sur les profs pour qu'ils troquent une partie de leur salaire contre leur sécurité de rester dans un milieu privé avec de bons élèves, moins pires en tous cas que ceux du public. Les DG de ces établissements laissent toujours planer à des syndicats plus qu'amateurs que l'école est au bord de l'abîme. Bref, pour l'échantillon que j'ai examiné, ce sont des milieux qui aiment se dire chanceux de ne pas connaître les affres des classes ordinaires du public. Voilà nos bons profs du privé si compétents en réalité apeurés de se retrouver avec les défis de l'école publique. Cette peur entretenue leur coute 3,4, 5, j'ai vu jusqu'à 8% de leur salaire comparé au public. Tout le monde chiale un temps et la concession est finalement donnée.

Je ne sais pas exactement les conséquences à tirer de ces observations. Mais bon si le privé sait déjà comment moins payer les gens pour enseigner, si on lui propose d'étendre sa compétence dans des secteurs gérés par le public, il va certainement trouver le moyen de capitaliser sur une autre faille pour que ça coûte moins cher.

Diviser pour régner, a déjà dit un certain sage. Le privé, c'est exactement cela pour les conditions de travail de l'enseignant à long terme.

lundi 22 octobre 2012

Chant du cygne pour le modèle de l'école à classe ordinaire?


Je viens de lire le texte de M. Saint-Pierre sur lequel je viens de tomber en passant par chez le professeur masqué.

D'abord, j'espère ne pas avoir mal lu, mais j'y décèle quelque chose comme une contradiction: les écoles privées ne peuvent se vanter de leurs résultats parce qu'ils n'ont pas les élèves des milieux défavorisés dans leur rang, mais ils ont les meilleurs profs qui devraient être capables de mieux s'occuper des élèves en difficulté.

Euf! Franchement, je ne vois pas nécessairement un prof heureux et compétent qui  travaille en milieu privé avoir ce qu'il faut pour travailler avec la dynamique particulière des enfants en difficulté ou dans la classe ordinaire inclusive. Chacun sa tasse de thé, comme on dit. Et puis, j'ai vu des pourris comme des bons dans les deux milieux pour y avoir fait des passages.

Je me demande aussi franchement comment entendre une quelconque intelligence à ce principe de l'inclusion qui dans mon oreille ou à mes yeux propose une vision de l'école où le jeune doué se retrouve dans la même classe que l'élève qui a un rythme d'apprentissage très lent et qui attend tout le temps qu'il se passe quelque chose pour lui dans cette classe. Je ne parle pas du bruit. Je me parle pas de ce trop grand nombre d'élèves lâchés sans soutien dans cette dynamique de classe improductive pour faire économiser le système des classes adaptées qu'on a rejeté aux oubliettes. J'ai en tête ce jeune en difficulté qui décroche si le prof s'occupe des forts ou juste des moyens, ce fort qui décroche presque tout le temps. Je me vois comme tant de collègues impuissants à répondre à tous ces besoins dans un même espace-temps. Et la coopération, et cette pédagogie différentiée, toute cette soupe théorique non démontrée  commencent à me donner la nausée. Je me tiens loin de cette mélasse, ce n'est pas ma tasse de thé!

Je suis sensible à la cause des élèves en difficulté puisque j'ai surtout travaillé avec eux dans ma carrière. J'ai rarement vu que l'école inclusive leur donnait vraiment une chance. Mais j'ai vu des petits miracles dans des écoles spéciales ou dans des ailes particulières de certaines écoles avec de bonnes équipes d'enseignants passionnés par ce défi .

Je me pose vraiment la question de savoir si le fait d'imposer à l'école privée de s'occuper de son lot des difficultés de l'école publique va franchement faire avancer les choses. On ne changera pas la réalité qu'un élève en difficulté, que ses difficultés soient passagères ou stables, pour une organisation, draine plus de ressources qu'un élève qui n'a pas ces difficultés si on veut bien s'en occuper, ce qui commence souvent par un ratio approprié qui permet une relation plus approfondie avec l'enseignant et des cheminements plus longs sans compter d'autres types d'interventions plus fréquentes. L'école privée n'est pas compétente en ce domaine si ce n'est que de façon très limitée. On va lui demander de faire autre chose que ce qu'elle sait faire? Ne serait-il pas plus logique de simplement baisser un peu la contribution publique du privé et d'aller mettre ces sous là où on en a besoin, dans des milieux déjà compétents mais en manquent de certains moyens ou vivant avec des ratios ingérables?

L'école n'a pas pour rôle de fournir des ascenseurs socials, ordinaires, super ou turbos, des escaliers de service ou d'appliquer une philosophie  non-démontrée d'inclusion à tout prix, mais d'éduquer et d'instruire au mieux chaque élève au prix de mettre plus d'énergie pour certains qui en ont besoin dans un souci d'équité sociale. La seule chose qui m'importe est une école juste à ce niveau: permettre à chaque jeune d'aller aussi loin que possible dans son potentiel. Et ce ne doit pas se faire au détriment des autres en demandant à de bons élèves, par exemple, d'être à tout bout de champ les enseignants des autres. Car ces formules coopératives vont 5 minutes, quand elles fonctionnent...


Enfin, si on veut faire des comptabilités, rapatrier cette clientèle d'élèves moins couteux en terme d'énergie partis au privé pour mieux répartir les argents est une option peut-être, mais nous devrions mettre des comptables sur la question et non des idéologues. Dans le moment, ils coutent 60% du cout des autres.

On reproche aux écoles privées de ne pas donner le choix à certains élèves doués qui viennent de milieux défavorisés qui sont confinés à l'école publique. Là, je suis solidaire certainement, car j'étais de ces jeunes doués à l'école, issus de la classe ouvrière d'hier, qui ont pu profiter de l'école publique des années 80 pour aller à l'université et, en même temps, je me demande pourquoi ce jeune rêverait aujourd'hui d'aller au privé et si l'école n'a pas une certaine autre option à lui offrir qui pour l'instant manque et enfin, si ce choix ne lui est pas enlevé depuis qu'on a voulu faire une école renouvelée avec inclusions à tout prix, à moindre cout!

J'ai déjà développé le sujet: l'argent d'hier n'est plus là pour l'éducation. En plus, l'industrie de l'informatique tire en bien ou en mal son bout de couverture maintenant. Et finalement, on constate toujours un peu plus que  le modèle de l'école de la classe ordinaire est rien qu'ordinaire, comme dirait un collègue. Serait-ce le chant du cygne de cette expérience?


samedi 13 octobre 2012

Financement du privé ou la faute des autres

La nouvelle ministre de l'Éducation, Mme Marie Malavoy, menace ces jours-ci de retirer le financement aux écoles privées qui font de la sélection. Voilà une mesure qui provient d'une plate-forme de parti discutée dans un congrès avec laquelle la ministre se dit à  l'aise. Encore une fois, il m'apparait qu'on veut régler les gros problèmes de l'éducation à coup de raccourcis. Essayons d'y voir clair.

On peut lire dans Le Devoir son analyse  qui rejoint bien des gens et qui se traduit de manière évidente dans les résultats des examens du Mels:

«L’école publique a hérité de tous les enfants en difficulté. Notre régime privé, avec les modes de sélection qu’il a, fait en sorte que les élèves qui aboutissent dans le privé sont ceux qui ont de grandes capacités et peu de problèmes. Le poids sur le réseau public de tous ces élèves qui ne passeraient pas ce genre de sélection est énorme», a-t-elle noté.

Ce serait presque une vérité de La Palice si ce n'était que, franchement, l'école publique n'hérite en rien des enfants en difficultés, ce sont les autres qui la quittent depuis une bonne dizaine d'années.

Mais bon, les école privées peuvent dormir tranquille, car la révolution sera tranquille.

Déjà, dans l'article du Devoir, elle temporise ces propos: On souhaite d’abord les consulter. « Il faut être capable de mesurer l’impact [d’une telle mesure] et ce serait discuté avec les écoles privées. Mais elles le savent, a souligné la ministre. Dans la mesure où on donne 60 % de notre financement aux écoles privées, c’est un financement important, celles-ci doivent accepter tout le monde. Sinon, on paye d’un côté pour les meilleurs élèves et ceux qui ont des difficultés, on les a tous dans notre secteur [public]. »

Après 12 ans d'intégration massive des EHDAA dans la classe ordinaire et d'une réforme inadaptée pour les aptitudes moyennes des jeunes dans un cadre de groupe d'une taille qui ne permet pas de mener la pédagogie de projets quelque part, après une évolution des normes d'évaluation permettant de faire le déni général de la difficulté de la classe hétérogène, on veut s'en prendre à l'école privée qui a émergé pour répondre à un besoin des gens d'offrir à leur enfant une éducation correcte malgré les inconséquences du système public.

Tout cela a été assez voulu: intégrer les élèves en difficulté et nier autant que faire se peut les difficultés pour ne pas payer des services adaptés couteux. Faire une réforme pédagogique ingérable en classe hétérogène pour pousser les parents à se tourner  vers le privé pour donner à leurs enfants une éducation adéquate, même au prix de plusieurs milliers  de dollars supplémentaires alors que tous ces gens paient leurs taxes et que l'éducation est un droit reconnu dans notre société. Car, on aime oublier le fait que l'État sauve 40% de financement à ces élèves «qui ont de grandes capacités et peu de problèmes.»

Même les écoles publiques multiplient les programmes spéciaux, sous la pression de ces parents d'élèves qui croupissent autrement dans des classes ordinairement difficiles, pour se détourner de la fatalité et sélectionner les jeunes et offrir par exemple, le PEI (Programme d'études internationales) , des concentrations musique ou art, etc. J'ai fait des contrats dans deux écoles de filles, publiques, à Montréal. Si ce n'est pas de la sélection.

Malheureusement, l'école de quartier n'offre pas toujours l'alternative souhaitable pour nos jeunes dans le réseau public, et je suis de ceux qui se sont résolus à payer  le supplément nécessaire pour mon jeune doué qui passait son temps à lire des romans en classe parce que le rythme et la cacophonie ambiante ne le stimulait absolument pas. Pourquoi ai-je pu bénéficier en un autre temps d'une classe convenable dans le réseau public au début des années 80 gratuite et que je doive aujourd'hui payer pour offrir un environnement comparable à mon jeune?

Il faudra se rendre à l'évidence que l'on veut occulter à tous, à coup de drapeau idéologique, la nécessité de classement en éducation pour offrir de la qualité. La sélection pour faire des classes relativement homogènes qui permettent à l'enseignant d'humainement organiser des activités appropriées pour un niveau moyen de classe ne pourra être contournée. On en ajoute une couche, en reprenant le tabou de la sélection, quand  on reproche encore une fois à des organisations scolaires de faire un certain tri rationnel pour permettre d'offrir des services de manière intelligente. Tant qu'on s'acharnera contre l'intelligence au nom de beaux principes indiscutables comme ceux de l'inclusion à tout prix, on ne pourra pas régler les problèmes multiples qui inondent le réseau scolaire public et privé.

Avec toutes les pressions nouvelles qui s'exercent sur ce réseau, dont celle d'informatiser les pratiques, on n'est pas prêt de trouver un financement adéquat pour assumer intelligemment tous ces idéaux de société.

Non, ce n'est pas que le réseau privé soit subventionné à 60% qui est inacceptable ni qu'il fasse un tri dans la clientèle, c'est qu'une part de plus en plus grande des parents, d'une société qui a choisi d'offrir un service public et gratuit d'éducation à ses enfants, se voient encore obligés de payer d'importants suppléments pour permettre à leur enfant de se développer dans un environnement acceptable. Ce recours au privé rendu nécessaire pour tant de gens est le véritable scandale.

Mais bon, toujours plus de la même chose nous enferme dans une logique circulaire et ne résoudra rien.

Car, imposer une telle mesure aura l'impact prévisible suivant: comme mes parents n'auraient pas eu les moyens de couvrir les dépenses de 4000$ annuels pour m'envoyer dans une bonne école si l'école publique de naguère s'était avérée inadéquate, je ne pourrais pas , comme des milliers de parents qui ont fait ce choix de nos jours, payer la tranche de 60% supplémentaire qu'il sera nécessaire d'assumer pour garder mon enfant dans un réseau qui, pour le moment, lui offre une éducation convenable. Si l'école privée se doit d'arrêter la sélection, il n'y aura plus d'intérêt pour cette clientèle de débourser ce genre de surplus. Si le privé s'encombre des problème du réseau public, il deviendra bête de débourser pour y envoyer son enfant. Et ce sera la fatalité. Il n'y aura plus d'options et on maintiendra dorénavant la plupart des enfants dans le réseau public à charge de l'état à 100%. Bref, on peut prévoir une augmentation nécessaire et conséquente du réseau public de 40% pour cette frange d'élèves qui reviendront au public ou plus précisément resteront au public. Cette situation incitera, on peut déjà le prévoir, bien des gens à la «consultation»!

Mais  ne paniquons pas, pour ceux qui y sont déjà, rien ne va changer. On ne va pas les renvoyer pour faire de la place aux élèves en difficulté. Ce n'est qu'avec le temps que la composition pourrait en souffrir. Et que tranquillement, le réseau privé en croissance ces dernières années, qui est venu compenser les ratés du réseau public, va s'étioler.

Ainsi, pour le moment, on contente les critiques, on laisse à tous le temps de voir venir et à l'eau de couler sous les ponts et rien, encore une fois, ne va changer.

Au lieu de regarder l'ensemble du système public et de comprendre pourquoi tant de gens s'en détournent, on se contente donc de dire que c'est la faute des autres. Il y aurait davantage de maturité à bien réfléchir pour trouver comment rendre notre école publique plus attrayante ou simplement plus adéquate, car il me parait évident que personne ne paie 4000$/enfant chaque année pour rien!

Franchement, on n'est pas sorti de l'auberge!


mardi 2 octobre 2012

Bon, je chiale contre les TiC, mais j'explore l'avenue tout de même! Et sans virer fou!

 Car je ne suis pas borné, mais j'ai horreur de l'angélisme surtout quand il farde un mercantilisme évident.

De ce temps-ci, donc, je magasine des portables. Non, je ne suis pas assez branché pour me lancer dans les projets de Ipad. Je ne suis pas «tweet» du tout en plus. Pour ma part, je crois qu'on peut enseigner ce qu'on connait. S'ils veulent que je la connaisse leur tablette touch machin, qu'il m'en donne une. Je verrai bien ce que je peux en tirer en classe. Pour le moment, ça me parait de loin qu'un méga gadget d'applications bidules dont l'utilisation pour l'apprentissage du français me semble assez accessoire. Je pense franchement renouveler mon portable vieillissant avant de penser m'acheter ce truc.

Non, j'ai eu une bonne subvention pour mon cours de français dans la petite école où j'enseigne. Le tout est prévu par étape, d'abord un projet pour travailler l'écriture, notamment la syntaxe. Et initier aux correcteurs aussi... Oui, oui, pourquoi pas dans un cours de français, justement?

Ensuite, on verra, tranquillement, si on peut informatiser d'autres aspects de l'enseignement. Après un an dans l'apprentissage ou l'apprivoisement du TBI, avec bien des détours pour en arriver à des raccourcis d'organisation fabuleux, c'était dans l'ordre des choses.

D'ailleurs, si j'avais une recommandation à faire dans l'apprivoisement des TIC, c'est justement de prendre son temps. De se garder comme moi, par exemple, un bout de tableau noir à côté de celui qui va changer nos vies. Certains jours de vacances, je les décrète moi-même, je n'ouvre pas le TBI. C'est bien!

Je plains franchement ces profs des écoles privées où on a fait acheter aux parents des appareils qu'il faut rentabiliser à leurs yeux. Une classe de Ipad du jour au lendemain, il y a de quoi devenir fou.

Bon, enfin, en terminant, pour ceux qui n'ouvrent pas un mail sans aide ou qui ne savent pas faire un copier-coller, vous pouvez oublier cela tout de suite... Malheureusement, il y en a plus qu'on pense dans une école: ils me font perdre un temps précieux à leur expliquer des trucs que j'apprenais il y a plus de 20 ans...

Le déni des idéologues de gauche en éducation- ajout et rectification

Je lis depuis quelques temps le retour en force du pédagogisme en France avec le même discours auquel on nous a habitué au début de la réforme. Le retour des socialistes ouvre la voie aux vendeurs de TIC et à la pédagogie différenciée qui les justifie, cette belle utopie qui anime toute cette mouvance.

Cette phrase trouvée ici, d'une porte-parole de cette vision, m'interpelle car c'est un concentré de présuppositions et de décalages avec la réalité: « Car nier les différences, imposer les mêmes apprentissages à tous les élèves en même temps en utilisant les mêmes démarches pédagogiques, c’est bien transformer les différences en inégalités. Celui qui n’entre pas dans la norme collective est déclaré en échec et bénéficiera au mieux d’un soutien, au pire d’un redoublement, première forme d’exclusion, puisqu’il sépare celui qui redouble de sa classe d’âge, de son groupe d’appartenance.» (Claire Krepper. En fait, cette dame pose la problématique que je soulève ici quelque part, si on lit l'article au complet)

Dans cette appréciation, il y a ici une accusation et bien des présuppositions qui mériteraient d'être démontrées. Et en plus, une réalité de l'éducation ou de la société qui est justement niée.

Relisons: Imposer les mêmes apprentissages en utilisant les mêmes démarches pédagogiques en même temps serait nier les différences des élèves. 

Et c'est aussi transformer les différences en inégalités sociales.

Bref, en enseignant un contenu commun, j'engendre les inégalités sociales. Comme enseignant, je suis complice des inégalités, de l'échec et de l'exclusion qui sont un mal. Rien de moins.

Euh, d'abord je connais peu d'enseignants qui nient les différences, mais nous les constatons à chaque jour. Les différences de motivation, différences d'investissement, différences d'habiletés, de capacités, on les apprécie tous les jours. On les affronte aussi, on essaie à force de bras et d'interventions de les amoindrir. Tous les jours.

Je me pose franchement la question de savoir ce qui reste de la transmission d'un bagage commun quand on se lance dans la différenciation pédagogique. 

Je me demande comment enseigner différentes démarches pédagogiques en même temps sans faire perdre le temps de tous.

Je me demande aussi comment allons-nous affronter cette réalité: ce n'est pas tout le monde qui a le potentiel pour faire n'importe quelle formation. Je n'ai pas inventé les qualités prisées et nécessaires au développement de nos sociétés. Il arrive un moment, où nous devons évaluer le potentiel d'un jeune et l'orienter dans les filières  qui lui correspondent. Je dois dire un moment donné à cette jeune que son rêve de devenir vétérinaire n'a pas de bon sens. La compétition va la bouffer. Elle n'a malheureusement pas ce qu'il faut pour aller faire les études de ses rêves. Et c'est pourtant une de mes bonnes élèves, mais nous sommes dans une école qui peine à élever le niveau pour des raisons culturelles. C'est une réalité, je ne peux rien y changer.

Comment tenir une barre des exigences minimales dans un contexte où tout est permis, où aucune norme de réussite n'est fixée? Ne crée-t-on pas justement une situation pire quand on instaure le régime de la pédagogie différenciée?

Je veux bien l'utopie, mais franchement il y a des réalités et ne pas en tenir compte est justement le déni le plus regrettable. 

J'enseigne un contenu commun que j'adapte à une groupe selon mon appréciation  de sa capacité de groupe et j'apporte mes encouragements et une différenciation de mes interventions en fonction des difficultés individuelles rencontrées avec des petits soutiens particuliers. La plupart des profs modulent ainsi leur enseignement. Nous fixons aussi un objectif, une norme pour favoriser un certain investissement, une certaine concentration vers des apprentissages. 

Les jeunes ne naissent malheureusement pas autonome et égaux devant l'apprentissage. Il faut leur montrer bien des choses. Et le temps groupe ne permet pas franchement d'individualiser les démarches. Sinon, c'est tout le monde qui attend, c'est le temps de tous qui est perdu.

Quand on abandonne le groupe, la norme, le travail et les objectifs communs, l'éducation devient le plus souvent malheureusement une errance individuelle, du coq-à-l'âne, la préparation à des crédulités populaires par manque de connaissance comme ceux qu'on dénonce dans nos journaux en ce moment.

Révisé ce soir le 2 octobre 2012