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lundi 30 avril 2012

Existe-t-il une science de la compréhension? (complété)

Dimanche, je soulevais mes questionnements face à ces précisions sur les compétences à faire développer aux jeunes en matière de compréhension de texte. Je fais une réflexion ouverte sur un domaine difficile de mon métier où le flou artistique est odieusement maintenu. J'aime peut-être trop les choses claires.

Je me demande souvent qui sont ces intellectuels obscurs cachés derrière les programmes et qui nous pondent ces systématisations théoriques et les attentes de programmes. On ne les voit jamais. De temps en temps, on reçoit des infos d'un prof de l'équipe qui est allé faire une formation au MELS et ça se présente comme des résumés de Powerpoint pas justifiés, à peine expliqués. Parfois, on nous fait une réunion pour nous donner le compte-rendu: à ce stade, il n'y a jamais de discussion. On a plutôt droit  à ce qui se présente comme des directives floues. Et on doit se débrouiller pour faire du sens avec tout ça. 


Mais où est la littérature, la discussion entre spécialistes, chercheurs, gens qui réfléchissent à ce genre de questions? Si les programmes et les précisions du ministère reposaient sur une quelconque vision objective et fouillée de l'éducation, il me semble que ça se saurait. On a plutôt l'impression qu'un obscur comité de fonctionnaires du Mels impose un ensemble d'idées pédagogiques sans se soucier de savoir si sur le terrain on arrive à les rendre opérationnelles.

Même à l'ère d'Internet, on peinera à trouver des précisions sur certaines de ces fameuses compétences que l'on est supposé développer chez nos jeunes.


Le problème dans ce genre de situation est simple pour l'enseignant sur le terrain:  comment préparer le jeune, comment le mettre en situation d'apprentissage dans des activités significatives pour qu'ils se préparent à répondre à ce genre de critères quand on est plus ou moins sûr, comme enseignant, du sens de ces critères? 


La compétence en lecture

J'avais bien lu ces sous-aspects, ces habiletés ou sous-compétences ou composantes de la compétence en lecture dans les programmes. Mais j'avoue que très souvent, sans définition, sans les exemples, les explications du sens de tous ces savants mots, il est souvent difficile de comprendre ce qui devrait l'être pour devenir un intervenant approprié dans mon métier d'enseignant.

Il y a  longtemps que j'ai fait la différence, en compréhension, entre des questions de repérage ou explicite et des questions qui demandent une certaine interprétation, qui demandent de faire la lecture de l'implicite du texte, de déduire ce qui n'est pas lu directement. Ce type de questions supposent souvent une connaissance du monde ou des référents qu'évoquent le texte. 


Mais ce genre de questions passeraient dans la catégorie des questions de compréhension (40%) et voilà qu'on nous propose de faire développer et d'évaluer dans une autre catégorie: l'interprétation. J'avoue que, faute d'aliments pour juger de la différence qu'on veut soulever, je m'y perds un peu. J'en suis souvent réduit à faire de vagues hypothèses.

Et cette précision, «une question d'interprétation suscite une réponse davantage subjective. Elle nécessite une bonne compréhension du texte mais va plus loin. Les réponses peuvent être multiples mais doivent demeurer logiques et en lien avec la compréhension du texte», ne m'aide que modérément. On devrait mettre dans nos évaluations 30% de points à ce genre de questions! Bon, je me dis qu'on doit ranger dans cette catégorie probablement: donner un titre à un paragraphe. J'imagine que des questions qui demandent de faire porter des jugements sur l'atmosphère des récits ou l'état émotif des personnages à partir de certains indices du texte aussi. Mais, vous voyez, je peine à garder en moi une représentation solide de l'objet à enseigner. Et je me dis que ce n'est pas normal. Et je me dis que si ces concepts étaient si évidents, il devrait être simple de fournir une définition et des exemples simples de questions, ainsi qu'une liste de situations permettant de rendre opérationnels concrètement des exercices pour faire développer cette composante de la compétence en lecture. Car, l'interprétation est, en passant, pour ce que j'en comprends actuellement, loin d'être la force des élèves au départ.

En ce qui concerne les réactions au texte, ça va toujours, mais bon, je me demande souvent ce qu'une capacité d'argumenter a à voir avec la lecture. On est nettement du côté de l'expression. Évidemment, on réutilise des éléments compris du texte pour appuyer le jugement. En passant, j'ai noté pour avoir passé derrière quelques autres profs par hasard, on tombe souvent sur des vieilles piles quand on entre en poste quelque part, que plusieurs donnent systématiquement tous les points aux jeunes à ce genre de questions. En autant que les lignes sont remplies peu importe de quoi il en retourne! Je ne dois pas être le seul à mal comprendre le ministère! 10 % boni... Pour ma part, j'enseigne à réutiliser les éléments du texte pour appuyer le point de vue développé. Et j'enseigne donc avec ce point de lecture, le paragraphe argumentatif de la fin du secondaire dès le secondaire 1. Doucement. C'est loin d'être de la tarte cependant, mais je vois des améliorations souvent dans la qualité des réponses après ces indications aux élèves.  

Enfin, pour ce qui est des questions concernant porter un jugement critique sur le texte, on sent que le Mels voudrait «utopiquement» que nos jeunes remarquent la différence de style entre différents textes, qu'ils puissent embrasser l'ensemble d'un corpus de textes et faire des comparaisons au niveau de la forme et des contenus. 20 % de la note devrait être attribué à ce genre de questions d'après les indications. Franchement, aux jeunes en général, il est difficile de faire apprécier les différences de style, car faire lire 2 ou 3 textes dans le cadre du cours sur un même sujet est déjà un bon défi. D'abord, il faut avoir des textes comparables. Ensuite, il faut de quoi les faire travailler dessus un peu, idéalement des questions parce que, même en se tuant à leur répéter d'utiliser des stratégies de soulignement et d'annotation, on obtient assez peu des jeunes à ce niveau. Enfin, on comprend que ce genre de situation risque de se développer sur plusieurs cours pour arriver enfin à ce qu'on veut travailler: leur passer qu'on peut apprécier le style des textes ou faire remarquer que les contenus ne sont pas traités de la même manière. Je vous le dis, ce n'est vraiment pas du gâteau avec des jeunes qui sont en train de développer leur capacité de représentation.

On a déjà bien du mal à leur faire souligner significativement dans les textes les idées principales  et secondaires, on a déjà du mal à les faire résumer le contenu d'un texte courant  ou faire faire des annotations (titre de paragraphe, tiens de l'interprétation?). Bref, ils maitrisent plutôt mal les outils qui permettent de se représenter des textes. Je crois même que la plupart n'ont pas ce qu'il faut pour passer à la représentation d'ensemble du texte et de ces référents. 


Ils ne remarquent pas trop non plus les détails dont l'appréciation est une composante nécessaire de la tâche. Bref, je résume souvent la notion de style au secondaire à distinguer entre les textes faciles à lire et ceux qui sont difficiles ou plus compliqués, puis j'entre dans le détail un peu: la longueur des phrases, des paragraphes, la présence de dialogue, de description, d'explication, etc. Mais tous ces concepts sont souvent flous dans la tête de mes grands marmots! Franchement, c'est rare que j'ai eu des élèves de qualité suffisante pour aborder significativement ces aspects complexes de la langue écrite. Évidemment, nous observons plein de petits phénomènes au travers de questions travaillées qui touchent ces aspects (ton, nuance, marques de modalité, séquences, etc.), mais en général ce ne sont pas les questions qui percutent dans l'esprit des jeunes. Non, il s'agit de ces questions qu'on fait souvent sauter ou auxquelles on avance l'explication et la réponse du coup avec une explication qui va entrer dans une oreille et sortir de l'autre. Franchement, dans mon cheminement de scripteur et de lecteur, je me suis éveillé à ces réalités plus tard, en écrivant surtout, et de manière très intuitive.

On le voit, porter un jugement critique n'est pas une compétence simple: elle requiert à mon sens une certaine maturité et un sens de l'observation affutée des textes. Il me semble encore que le Mels vise probablement trop haut pour nos jeunes du secondaire et pour une formation de base, car on est ici dans des rouages intellectuels d'une certaine finesse dont la saisie suppose la compréhension de bien des procédés de langage, une bonne capacité d'abstraction et un certain vocabulaire pour les nommer.  J'ai fait littérature pour m'initier à l'observation fine des détails de la forme, j'ai eu la vie pour observer sa dynamique et en voir les traces derrière les textes pour détecter la «poutine» et les salades à vendre et les mots qui nous l'indique. J'ai aussi fait psycho pour me donner des mots pour nommer et saisir la réalité humaine dans ses finesses. Je suis un peu équipé pour lire entre les lignes. 

Malheureusement, mes jeunes sont loin d'être équipés pour ce genre de défi. Ils n'ont pas mon bagage. A chaque fois que je me retrouve à essayer de faire voir des ressemblances et des différences souvent fines pour comparer des éléments de contenus ou de styles de différents textes, je me retrouve seul au milieu du désert ou tout comme. Enfin, dans ma réalité actuelle d'enseignement à des groupes multiniveaux, c'est absolument ingérable comme matière.


Qui a eu l'idée de faire des jeunes des analystes de styles et de fins observateurs des intentions d'auteur? Pour la masse des élèves normaux, une histoire est une histoire et quand elle est difficile à lire, c'est qu'ils leur manquent souvent un ensemble de référents pour bien apprécier. Porter un jugement critique valable est nettement au-dessus de leur force et à des années-lumières d'un quelconque intérêt pour eux, car c'est, à mon sens, la matière des études littéraires plus avancées pour des jeunes adultes qui ont développé les préalables à l'analyse et une certaine connaissance du monde et, bien évidemment, un goût pour l'approfondissement des choses. 


Combien de jeunes ont juste du mal à cerner les éléments significatifs d'une question et à apprécier un certain niveau de vocabulaire? Aucun d'entre eux n'a reçu la formation de base d'antan qui nous faisait régulièrement développer l'observation et l'analyse dans l'analyse grammaticale et logique de phrases qu'on ne fait plus de nos jours car révolue. Et on veut leur faire apprécier des textes dans leur complexité, dans leur nuance?


Bilan

Je suis très à l'aise avec le 40 % de questions de compréhension qui me semble la matière importante à développer en lecture. On travaille à ce niveau, le repérage d'information, la saisie des implicites, la structure des textes et tout ce qui est objectivement saisissable dans la compréhension. Ce n'est déjà pas simple cependant quand le jeune est confronté à de l'implicite. Et on se frappe ici à la méconnaissance des référents du texte très souvent ou à une capacité insuffisante de mobiliser les connaissances antérieures pour faire des déductions. On note ici aussi les limites de vocabulaire que nos jeunes sont à développer. Est-il besoin aussi d'évoquer les capacités mnémoniques atrophiées de nos jeunes par une philosophie éducative qui condamne la réduction de l'homme au perroquet? Rien ne colle et on a des jeunes qui pataugent dans le présent avec peu de référents, avec peu de cartes intériorisées de la réalité qui les entourent même à des niveaux avancés du secondaire. Ils sont sous-équipés pour juger des univers narratifs variés qu'on leur propose par exemple.

En interprétation, on est déjà dans des habiletés de bon niveau auquel un grand nombre de jeunes vont se buter. 30% de points alloués à ce genre de questions rend toute évaluation pondérée ainsi  assez corsée pour une majorité des jeunes. Je crois qu'on devrait se limiter à certain objectif précis et limité dans ce domaine avec des genres de questions typées à travailler.

Si on ajoute que la capacité de justifier un point de vue est sommaire au début du secondaire, on ne devrait pas voir de performances exceptionnelles au premier cycle du secondaire. Mais bon, par expérience, un peu de supervision permet d'aider les jeunes à offrir une meilleure performance dans les questions Réagir au texte. Ce 10 % est «travaillable».

Enfin, vraiment porter un jugement critique (20%) est, à mon sens, assez utopique avant les derniers échelons du 2e cycle et, pour une bonne partie des élèves, ce sera difficile. Les jeunes ont insuffisamment développé à ce stade leur sens de l'observation, leur capacité d'abstraction et leur connaissance du monde.  Enfin, comme enseignant, les activités qui permettent de travailler ces composantes sont lourdes et pas toujours disponibles dans le corpus à disposition. Pallier à  cette dernière difficulté demande un temps que nous n'avons pas pour produire des activités significatives. Bref, il est facile de perdre les élèves du secondaire quand on se met à évoquer des appréciations de détails qui concernent 2 ou 3 textes. Je salue les profs qui tirent leur épingle du jeu dans ce genre de situation où tout peut déraper en quelques secondes avec les aléas distrayants de la vie scolaire courante... La capacité cognitive sollicitée est trop grande pour la maturité globale des jeunes de ces âges et probablement de cette génération «fast-food» et multitâche. Je parie que cette dimension de la compréhension est peu travaillée.

Bref, nous sommes, si on reste dans ce genre de pondération, dans un terrain hautement miné de difficultés. Il ne devrait y avoir que 30% de questions assez faciles, et le reste commence déjà à mobiliser des capacités cognitives insuffisamment développés ou mûres et des connaissances encore parcellaires ou en acquisition balbutiante.

Conclusion:

La science de la compréhension selon le Mels est devenue assez compliquée: on est même dans un certain flou artistique. A l'analyse, il me semble qu'on est assez ambitieux pour nos jeunes. Je pense qu'une formation de base ne devrait pas viser une telle capacité ou sagacité dans les processus de compréhension et ce, dès le secondaire.  Pour avoir croisé des jeunes de milieux très différents, il m'apparait clairement qu'on est dans l'utopie.  J'ai même du mal à croire que certaines de ces composantes soient aisément «travaillables» en classe de surdoués. 


Je rappelle que, comme je le disais hier, les 10% pour la qualité de la langue sont révolues.  J'imagine que les questions de grammaire qui parsemaient naguère les questionnaires de compréhension de texte n'ont également plus cours. Ou le procédé de communication du MELs est inefficace. Mais, on en voit toujours plein dans nos manuels approuvés, ce qui me laisse pantois et dans l'incertitude! C'est assez dommage, car il y a là toujours beaucoup à faire au niveau de la maitrise de la base.

Bref, ces intellectuels obscurs, qu'on imagine à Québec, avec pour étalon, des jeunes issus de la classe des fonctionnaires de Québec probablement en bonne école privée, ne semblent pas trop en connaissance des jeunes d'aujourd'hui. Il est dommage qu'aucun dialogue entre les intervenants de terrains et ces législateurs d'objectifs éducatifs ne soient envisageables. On est même assez démonté devant leur salade complexe, faute d'une littérature explicite et claire qui nous éclairerait sur les enjeux éducatifs à relever ici. J'ai mis beaucoup trop d'énergie à méditer leurs directives pour simplement essayer de faire raisonnablement et professionnellement mon boulot.

Comme je l'ai dit ailleurs, la stratégie du nivellement par le bas ici est insidieuse. En exigeant l'impossible et en mettant les enseignants ainsi dans une situation intenable, on les pousse à laisser passer et à accepter n'importe quoi chez nos jeunes. Au lieu d'une formation de base convenable et utile vraiment acquise, nos jeunes vivent dans une tromperie et l'illusion de développer des capacités inexistantes au final. Et c'est un grand drame.

Enfin, à part quelques exemples de prototypes d'examen souvent d'un  niveau décalé, on remarque que le Mels a abandonné l'évaluation directe de la compréhension des jeunes. Il ne se préoccupe pas non plus de fournir régulièrement des épreuves étalons renouvelées et standardisées, comme les nombreux exemples du BIM de naguère le faisaient, pour mesurer de manière opérationnelle les nuances des attentes de programme. Il faudra un jour qu'on se penche sur cette difficile tâche de confronter ces doctes fantômes aux langages savants impénétrables où se cachent l'incommunicabilité et le pouvoir, si ce n'est la bêtise.

dimanche 29 avril 2012

Questions d'interprétation et autres joyeusetés scolaires

On m'informe via mail que le 10% de la note en lecture pour la qualité de la langue est révolu.

Bref, je me bats pour un peu de respect de la norme dans les réponses de mes élèves pour rien, parait-il. Je n'y peux rien. L'absence de majuscule et de point dans une réponse m'énerve l’œil. Et je ne parle pas de ce que j'observe entre les deux.

C'est une représentante enseignante de nos organisations qui est allée suivre une formation du ministère en lecture qui nous envoie ça avec un paquet d'autres précisions: on devrait tendre vers la pondération (...):40%  compréhension (objectives), 30% interprétation (subjectives, mais sur fond de compréhension objective du texte), 10 % réaction (d'opinion) et 20% porter un jugement critique (sur la valeur des textes). Les parenthèses sont des ajouts.


Suit ce mini-résumé:


Une question de compréhension entraîne une réponse objective. (il ne devrait y avoir qu'une possibilité de réponse pour l'élève). Elle peut toutefois porter tant sur le texte explicite qu'implicite.

Une question d'interprétation suscite une réponse davantage subjective. Elle nécessite une bonne compréhension du texte mais va plus loin. Les réponses peuvent être multiples mais doivent demeurer logiques et en lien avec la compréhension du texte.

Une question de réaction s'apparente à la question d'opinion. On ne jugera donc pas de l'aspect personnel de la réponse de l'élève; seule la justification sera évaluée dans sa réponse.

Une question de jugement critique porte sur l'écriture du texte. Même s'il y a un certain degré d'opinion dans la réponse attendue, celle-ci n'a rien d'aussi personnelle que la question de réaction. L'élève doit se distancer du texte pour juger de sa valeur. La réponse sera donc évaluée en entier.

Les questions de réaction et de jugement critique sont des questions à développement. Les questions de compréhension et d'interprétation peuvent être à réponses courtes, longues, à choix de réponses.

 

Ça vous parle? Oui, oui, on lit toute cette poutine avec quelques précisions en moins dans les programmes, Ça manque d'illustrations comme informations, vous ne trouvez pas? On comprend néanmoins un peu plus pourquoi on voit de plus en plus de questions tordues dans les compréhensions de textes prototypes.


Je ne sais pas pourquoi ces informations, qui sont souvent données à des représentants en formations, ne sont pas communiquées dans des lieux publics clairement. Quelqu'un pourrait avoir la chance de s'indigner du peu de cas que font nos décideurs de la qualité de la langue, par exemple. Et pour des gens qui développent la pensée critique de notre jeunesse, on remarquera que les formules Powerpoint des formations élaguent pas mal la justification et les illustrations des soporifiques présentations théoriques.

Dans les branches, par exemple, on a entendu que l'épreuve unique d'écriture en 5e secondaire du MELS est maintenant un examen «certificatif». Que, maintenant, les jeunes doivent  «démontrer le bien-fondé d'une certaine façon de penser» au lieu de suivre des recettes argumentatives classiques (révolues?) .  Comme dans le dossier pour les élèves qu'on a sous examen en ce moment. Les jeunes vont devoir démontrer qu'on peut réduire notre empreinte écologique parce que tout le dossier de préparation tend vers cette idée: un dossier qui démontre surtout à mon sens l'opportunisme écologique d'un paquet de gens: des stars, des organisations sportives, des organisations TIC et la naïveté de bien d'autres. Les jeunes n'ont pas vraiment de contre-thèse à évaluer, ou les facteurs qui font qu'on peut être assez dubitatif en ce qui concerne l'humanité sur cette question ne sont pas vraiment évoqués. Bonjour, la pensée critique. On leur fait écrire un pamphlet écologique jovialiste à l'ère des téléphones jetables. 

Et je vous jure, la recette est enseignée. Un texte est toujours là pour préparer son sujet amené (contexte). Le titre du document ou la page 3 où il y a d'écrit une formule-choc permet de détecter la question à répondre qui peut être formulée de différentes manières pour demander une réponse: oui ou non. Pour ou contre est révolue! Cette année: Des empreintes effaçables? 

Un coup la question détectée, l'enjeu cerné, il faut voir les exemples et points de vue qui vont dans le sens du point de vue idéologique qu'on tente de nous faire adopter pour collectionner des arguments. Ensuite, ils restent à organiser cela et à le codifier sous forme de mots-clés et de citations utiles dans la feuille de notes. J'ai une feuille qui a déjà eu bien du succès: Des trucs, des trucs, des trucs pour la structure et les formules appropriées à différents moments du texte à pondre. 

Non, les textes qu'on fait écrire maintenant sont tout aussi typés qu'avant, mais surtout plus orientés idéologiquement.


Pas de danger qu'on les aurait fait écrire sur l'accessibilité à l'éducation ou la grève étudiante. Nonon! Faut rester dans les grands domaines de formations de l'école québécoise. La très haute voltige. De toute manière, la modération des résultats ou de l'hécatombe va faire réussir autour de 82% des élèves à cette épreuve: on va retenir 80% des moins pires copies!

Mais bon, cette année, ma cuvée devrait  se planter - je ne suis même pas sûr, remarquez! Avec la constatation des 80% -, même avec toute ma science, parce qu'aucun d'entre eux n'a produit le moindre bout significatif de pensée argumentative à travailler cette année, malgré les multiples occasions que je leur ai données. C'est ça donner 71% de moyenne bonbon en sec.4 à un jeune et lui décerner un méritas académique quand ils ne sait pas écrire et comprend à peine ce qu'il lit. C'est ça faire passer systématiquement des jeunes chroniquement absents de l'école qui ne produisent jamais rien et ne font pas vraiment d'apprentissage. Mes jeunes ont des retards incurables et des habitudes de travail inexistantes. J'en ai pris mon parti. J'ai déjà fait mon deuil là-dessus. Ils s'attendent peut-être que je leur remette 3 textes à copier le jour de l'examen qui les feront passer comme l'a surement fait ma prédécesseur.


Mais revenons à Con entendu les moutons en lecture.


A titre d'illustration que j'ai pu voir, les questions d'interprétation donnent des questions du genre : Quelles solutions proposerais-tu au gouvernement mexicain pour améliorer son système éducatif? à des élèves de secondaire 1 qui se sont tapés la lecture de deux textes sur les systèmes scolaires du Japon et du Mexique.


Je ne sais pas vous, mais moi, j'en reste estomaqué. Évidemment, la meilleure de mes élèves n'arrivent pas à écrire quoi que ce soit de sensé à ce genre de questions. Je pose la question: ne vaudrait-il pas mieux travailler la qualité de la langue, révolue, à la place? Ne vaudrait-il pas travailler le vocabulaire? Et la compréhension objective du texte? Et garder ce genre de simagrées pour leur développement futur?

Le but de l'école est l'école

Plus j'avance dans la vie, plus je trouve que l'école, et les institutions, sont souvent «utilisées» comme source d'argent par des groupes d'individus. La mission et le sens de ces institutions sont assez indifférents à plein de gens. C'est une simple source de revenus et parfois, l'occasion de faire des coups d'argent. Prof masqué dénonce souvent et encore hier de telles utilisations du système.

Après, on s'étonne que des profs soient là juste pour la paye. Combien de gens dans ces systèmes n'ont que des positions. Comme cette formatrice, conseillère en adaptation scolaire, qui vient nous faire une présentation sur l'attachement après qu'elle-même ait eu une formation de 11 jours de je-ne-sais-qui et qui  confond la relation pédagogique et l'attachement qui n'est pas vraiment notre affaire. D'ailleurs, ça commençait mal: à quel prof m'étais-je attaché quand j'étais jeune? Euh! Ok, je veux bien au primaire. Mais le terme est fort. Stimuler la dépendance affective au secondaire me semble contre l'objectif d'autonomisation en tout cas. Parlons de modèles, de personnes significatives, de gens inspirants, je veux bien. Mais de figures d'attachement, là on mêle les cartes, clairement. De la psy  mal comprise...

 Du beau remplissage de journées pédagogiques à nous balancer des noms de chercheurs (Bowlby, Ainsworth, Anna Freud, Maslow, etc.) et des profils de jeunes et des solutions inapplicables. Et on doit écouter ça et se faire dire des énormités comme on doit refaire, développer des liens d'attachement avec les jeunes pour leur enseigner.

Au secondaire, c'est un peu tard en tous cas... et on ne va pas refaire ce que la famille n'a pas fourni au jeune. On n'est pas des centres de thérapie.

C'est fou comme des amateurs peuvent dire n'importe quoi. Et on les paie pour ça. Et d'autres amateurs les applaudissent. Belles formations!

Même ici, l'école est trop souvent qu'une façade, et surtout une source de revenus pour plein de gens de la communauté qui ne donnent pas, en échange de leur salaire, à l'institution ce que la fonction demande. Une machine qui roule pour se maintenir dont le sens se perd un peu comme «le message, c'est le médium» d'un MacLuhan.

On joue à l'autruche et on est tout surpris quand on montre la réalité: le retard scolaire généralisé des jeunes du coin.

On détourne des fonds de l'éducation pour construire des maisons et on se plaint que celle-ci est sous-financée à coup de pétitions...

Pendant ce temps, des profs venus d'ailleurs encore mus par certains idéaux dérangent. On a quand même le goût souvent de laisser ces gens imbéciles à leurs imbéciles sorts.