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mercredi 26 mai 2010

Un peu de polémique: des maudites notes et du niaisage

Une enseignante propose de bannir les notes sur la blogosphère, comme si c’était l’invention du siècle. Encore… Répéter ce cantique après 10 ans de réforme où on a traumatisé le système d’évaluation au Québec à coup de philosophie de SAE, continuation des situations d’évaluation formative nées probablement vers la fin des années 1980 quand des pédagogues sont venues s’arroger le droit de juger la petite gestion des évaluations des profs dans leur classe. Avec d’abord la belle idée  toute proprette: quand on apprend, on ne devrait pas être évalué… Ensuite, on a prétendu que l’apprentissage d’acquisitions complexes comme par exemple la lecture, l’écriture ou l’habileté à bien faire des algorithmes ou à résoudre des problèmes pouvait aisément se conceptualiser en terme de seuil de réussite. C’était, à mon sens, faire fi de la psychologie de l’apprenant et aussi du caractère assez irréductible de la complexité de l’acquisition de la variété des savoirs.

L’établissement d’un seuil de réussite dans un contexte de variétés de performances et de talents est des plus arbitraire et proprement assez difficile à soutenir dans ce contexte. Traditionnellement, on laissait au prof, passablement compétent dans son domaine de définir à peu près ce qui, dans le contexte de sa matière et de la qualité des apprenants en fonction de leurs efforts constituait un seuil de passage. Pour la forme, tout cela se figurait dans une note limite qui servait d’étalon, le prof tranchait, on ne l’emmerdait pas avec du niaisage.

Aujourd’hui, tout le monde se mêle de venir lui dire ce qui est une qualité minimale pour la réussite (factice) du plus grand nombre en essayant de discuter de manière tatillonne la qualité du seuil minimalement acceptable et c’est ridicule parce que, malgré ces mots jolis, le prof continue d’être le seul à pouvoir apprécier ce qui est un minimum acceptable qu’on ne peut pas toujours traduire avec une rigueur de mathématiciens. Le problème, c’est que le jugement autour d’une compilation  de notes synthétisées offre une certaine résistance au niaisage surtout si les pondérations sont fixées en équipe de profs, alors que les traces et le jugement professionnel exigent quand le minimalement pas acceptable est présent de faire une prestation de justification que j’appelle du «grand niaisage».

Enfin, avec cette tentative toujours décevante de décrire ces seuils, la rétroaction des apprentissages a perdu de sa simplicité parlante et, de plus en plus, on a l’impression qu’il faut avoir fait de longues études pour lire une évaluation des apprentissages de l’élève. Je précise que ce n'est qu'une impression devant l'opacité d'un processus obscur et mal foutu. Et depuis que ces brillantes idées font l’essentiel de la rhétorique des pédagogues modernes, on s’embrouille en éducation.

Il est assez difficile d'étudier pendant qu'on fait le métier d'enseignant surtout quand il faut faire des travaux d'équipe, ce qui est à la mode de nos jours dans les départements d'éducation... Mais bon, est-ce une raison suffisante pour vouloir bannir les notes systématiquement pour se soustraire de l'emmerdante évaluation?

Non mais… personne n’apprend de ses erreurs?

Mon observation est que les notes ont un effet moteur à peu de frais malgré les discours à la mode dans les facultés d'éducation. Dans un monde où tout devient monnayable, même les renforcements aux apprentissages dans certains discours, il y aurait lieu de se pencher sur ce moyen fort économique de favoriser des résultats, mis en place par la sagesse des âges. Et franchement, quand on ««««travaille»»»» à l’école, on a rarement affaire avec le spectre du 60 qui ne peut être atteint. Mais évidemment qu’on peut disserter des heures durant sur les cas de ceux qui n’y font pas  simplement leur boulot d’élèves, soit faire les exercices.

J'ai en mémoire des milliers de questions redondantes: «Ça compte?» des groupes du régulier. Quand j'ai eu le malheur de répondre que non, ça ne comptait pas, que c'était une pratique pour apprendre, j'ai observé des moitiés de classe ne pas bouger qui est une stratégie de dissimulation dans la nature en passant. J'ai pris la leçon. Ces dernières années, en plus, il était notoire chez les élèves que seul les SE des fins d’étape dans plein d’écoles comptaient. Bonjour la «fainéance» et les airs de grands seigneurs avec un «cause toujours tu ne m’intéresses pas». Faut vivre avec son temps! Et merde!

On peut facilement répliquer les résultats... (avis aux esprits scientifiques)

Par ailleurs, j'ai du mal à concevoir l'apprentissage de la langue avec une liste de contrôle d'objectifs dont il suffirait de cocher les items pour en contrôler l'atteinte. D'abord, les élèves dans une même classe ont des talents bien différents. Avant de commencer un niveau, on pourrait souvent rapidement établir ceux qui ont déjà un niveau minimal suffisant. Cette histoire de compétence minimalement acceptable est dans ce contexte de la foutaise ou de la thèse de fous. A brûler au coin du feu… Ne pas tenir compte de cette réalité fait qu'on peut parler d'hypocrisie en éducation. Mais elle est circonstancielle au fait qu'on essaie de nous faire croire que l'on évalue pour cocher des listes de vérifications de critères savants. L'école n'a rien à voir avec cette folie conceptuelle.

Les notes établies à partir d'un parcours de performance  et d'exercices donnent à tous un repère de performance peu importe le potentiel de chacun. Elles traduisent souvent l'investissement en effort aussi. Même les forts comparent leur performance. En plus, les notes stimulent une certaine émulation chez une partie des élèves.

Ensuite, on peut certainement savoir lire, mais avec quelle profondeur? Dans la réalité, on va confronter l'élève à différents textes, à différentes questions, utilisant une variété de vocabulaire qui, avec le temps, va accroître la perspicacité et les connaissances du jeune par un effet d'entrainement dans le sens de s’exercer. Noter, corriger, permet encore de fournir à l'élève une rétroaction sur sa performance, de lui faire prendre conscience de ses erreurs.

L’école est d’abord un endroit où l’on va entrainer des acquisitions par une exposition à des corpus d’activités réputés de niveau dont le travail va augmenter la qualité dans l’exercice de certaines compétences  et la solidité du bagage des connaissances variées nécessaire à l’accomplissement de cette qualité. En évaluation, il s’agit alors bien plus de suivre et de stimuler les performances de l’apprenant au quotidien dans les tâches permettant les acquisitions que de fournir une évaluation juste de sa compétence en un temps t. Car de toute façon, la compétence est un concept abstrait accessible qu’au travers l’expression de performances qui vont régulièrement présenter la caractéristique de ne pas être toujours constantes. Prétendre évaluer des compétences, sans voir clairement qu’on les apprécie au travers des performances de l’élève, est une erreur conceptuelle qu’il faut dépasser.

En écriture aussi, il y a de multiples contextes à maîtriser et à maintenir dans une certaine constance ou amélioration (on le souhaite aussi) de performance. Les notes fournissent des indications au sujet des aspects du travail qui pourraient être améliorés. L’exercice de l’évaluation de la performance en fonction de critères permet d’ailleurs au enseignant de tenter d’analyser plus en profondeur la qualité des productions de l’élève et d’en révéler les forces et les faiblesses. Il fut un temps où l’on admettait le caractère perfectible de toute production, aujourd’hui on peine à communiquer de bonne foi une erreur à l’apprenant sans devoir gérer les drames de l’évaluation et des estimes de soi! Niaisage.

Enfin, on peut avoir en mémoire une connaissance, une compréhension un jour, mais l'oublier si on ne la revisite pas régulièrement. A quoi peut bien servir le fait de cocher l'atteinte d'un objectif qui peut être perdu, faute d'exercices. Comme j’aime à le répéter à des élèves qui se prennent pour d’autres parce qu’ils prétendent comprendre ce qu’on vient de leur expliquer et qui donc peuvent se passer d’exercices : c’est bien que tu comprennes, mais je peux gager sur le fait que tu ne te souviendras pas ce que tu as compris maintenant dans deux semaines, parole d’un gars qui a oublié des millions de choses qu’il a comprises. Sans répétition, à part certains apprentissages bien magnifiés par des circonstances émotionnelles particulières, y a pas grand-chose qui restent pour la simple bonne raison qu’un réseau neuronal qui n’est pas réutilisé n’est pas renforcé et disparait dans l’infini des petites connections temporaires que le cerveau fait. Temporary files!

Dans un certain sens, les acquisitions sont au départ toujours un peu fragile, c'est la réutilisation des connaissances qui va permettre leur solidité dans la mémoire à long terme. Bref, une école qui ne déconne pas trop a le souci de faire exercer souvent les mêmes choses importantes pour permettre la construction du cerveau des jeunes. L’apprentissage est donc pour une bonne part un exercise d’acquisition toutjours à refaire en complexifiant l’exigence doucement qu’un «checklist» de comportements attendus à cocher pendant le parcours. En fin de formation, on peut bien s’amuser à faire une liste de vérifications, mais pendant, on a besoin pour un souci d’économie de salive de notes basées sur des critères pertinents (pas trop nombreux en fait) qui  guident et des pondérations permettent de renseigner sur le sérieux des efforts d’acquisitions des jeunes. Pour le reste, c’est le niveau qui augmente ou la complexité des tâches demandées qui se ressent plus qu’elle ne se décrit en maniaque comme on se plait à le faire dans un langage de pelleteux de nuages au ministère. De toute façon, quand le texte n’est pas de niveau, les élèves le sentent aussi et les notes s’en ressentent! Quand le prof a de l’expérience un peu, il le voit bien vite. De toute façon, le matériel didactique constitue des corpus de références dont on peut aisément s’inspirer.

En fournissant un système de régulation des performances variées nécessaire pour constituer un réseau de connaissances solide utilisable en situation pratique, le système des notes est un moyen économique de gérer l'interaction de rétroaction nécessaire des apprentissages surtout en grand groupe. Personnellement, même si parfois certaines évaluations m’ont surpris, dans mon parcours d’étudiant, en général, les notes traduisaient quelque chose : mon investissement, le fait de plus ou moins maîtriser la tâche, etc. Elles ont pratiquement toujours eu un effet motivant. Je n’ai jamais aimé contre-performer. Mon amie étudie et la plupart du temps, ce qui la motive pour une bonne part, c’est de tenter d’aller chercher son A pour sa satisfaction personnelle.

Bref, la note en éducation doit bien servir à quelque chose… Avant de tout jeter, il faudrait à mon sens donc se poser quelques questions.

Et, au final, à quand le certificat en éducation pour donner un brevet à des gens avec un bacc qui seront moins amochés par la poutine doctrinaire des facultés des sciences de l’éducation qui n’ont aucune espèce d’idées de ce qu’est la réalité de terrain de l’apprentissage chez les jeunes. Quand on arrêtera d’écouter les mots de ces sots, on pourra peut-être redécouvrir l’art millénaire de la transmission du bagage intellectuel au plus grand nombre.

lundi 24 mai 2010

J'achève...

Drôle d'année. C'est un peu l'heure des bilans.

Je me suis retrouvé dans un autre monde cette année où j'ai finalement plus passé de temps à trouver des façons d'interagir pour arriver à mieux le saisir qu'à y intervenir utilement faute d'une fréquentation déterminée par la clientèle adulte d'ici.

Un automne suroccupé, un hiver quasi désertique en comparaison. J'avais ceux dont les chances de persévérer étaient les moins évidentes... Enfin, évidemment, avec la connaissance que j'ai d'eux aujourd'hui, je m'y prendrais sûrement autrement. Aurais-je réussi à les retenir plus à l'école pour raccrocher dans leur longue histoire de décrochage? J'en sais rien. Sans doute non, ça ne dépend pas juste des enseignants. L'expérience des 20 dernières années a répété le même genre de cycle. Je n'ai pas fait mieux ni pire... «Au début, y a plein de gens qui y vont; pis ils décrochent» me résumait un gars de la communauté impliqué.

Ça a été très intéressant en tout cas. Et ce n'est pas fini. L'an prochain, je travaille avec des jeunes qui ont les meilleures chances de réussir. L'opposé. Bon, je les connais déjà un peu: la collègue en suivait plusieurs qui venaient terminer aux adultes quelques cours qui manquaient.

Peut-on cerner en une année la culture autochtone dans sa complexité? Oui, si on prend des raccourcis et des lieux communs en guise de jugements ou de conclusions... En fait, leur culture est subtilement insaisissable et, en même temps, édulcorée dans le confort et l'indifférence de la modernité comme nous d'ailleurs. D'un côté, souvent, je ne les trouve pas si différents de nous.

Ma capacité à rester zen m'aide à suivre leur rythme. Dans la lenteur, on voit beaucoup de choses quand on ouvre les yeux et les oreilles. Ils ont souvent tout leur temps, ça change des énervés de nos grandes villes!

Ils sont des nomades sédentarisés, avec des rôles encore très marqués en fonction des sexes, dans une culture globale et androgyne développée par des sédentaires. La nécessaire structure dans les civilisations complexes leur échappe pas mal. Ils n'ont pas collectivement nos habitudes.

Je partage avec eux le besoin régulier d'aller plus loin changer l'air...

Ces communautés avec leurs grandes contradictions se cherchent. Entrer dans la modernité relègue presque de facto leur culture aux oubliettes. Déjà, elle s'érode inexorablement... Et l'éducation des autres pour eux? L'éducation structurée par un système est de la culture des sédentaires. Nomades, on apprend les gestes dans le mouvement dans la nature, pas les mécanismes d'un système humain global. Les registres, les règles, l'écriture ne sont pas dans leurs traditions. A part quelques-uns d'entre eux, surdoués d'adaptation, tout ça c'est assez inaccessible encore... On n'a pas idées comment en fait nous sommes pétris d'habitudes entretenues collectivement.

Je fais des boîtes, je déménage dans le même village. Les vacances dont une majorité de temps en Europe débute dans une semaine. Drôle de vacances avec l'année prochaine pleine de défis qui s'annonce. Une nouvelle tâche en septembre, donc des soucis! Peut-on se libérer la tête complètement des responsabilités à venir quand on les connait d'avance? Restons zen!

Bref, aujourd'hui, je commence mon sac à dos pour un mouvement nomade sur le vieux continent où plus qu'ailleurs la nature a été domptée. Après un an ici, le Québec et l'Europe risquent de m'apparaître bien différents encore. Le «rush» de surstimulation va me submerger comme sur ce boulevard à Sept-Îles un soir en décembre. Et en quelques jours, ça va passer... C'est assez fascinants, on est des bêtes d'habitudes.

Voyager longuement ou vivre ailleurs un certain temps fait relativiser bien des évidences! Je sais un peu à quoi m'attendre, maintenant. C'est toujours intéressant de voir les choses avec de nouvelles lunettes.

dimanche 16 mai 2010

Conseils demandés aux profs de français: manuels et romans 3e, 4e, 5e sec.

Bon, l'an prochain, j'en ai une bonne à mettre en place! 3e, 4e, 5e secondaire en français plus des broutilles pour 30 périodes. Bref, de la préparation! Bon, on ne s'emballe pas, je serai dans une école où il y a moins de deux groupes de français normaux pour tout le secondaire (60 élèves?) et on a la chance d'y enseigner sans s'emmêler dans le multi-niveau. Ce n'est pas la correction qui va engorger mes urgences!

Bon, il y a un bon moment que je n'ai pas eu une année à prévoir. Normalement, dans mes remplacements des dernières années, j'entrais dans les patins des autres avec au moins un collègue pour me guider. Là, j'ai totalement le champ libre. Trois niveaux, ce n'est pas que... Bref, je suis preneur de vos avis!

Côté manuel ou méthode didactique, il n'y a rien en place de récent, mais j'aurai peut-être mon mot à dire pour en faire acheter. Bref, qu'utilisez-vous? Tout a changé dans les dernières années. Je connais Forum en 3e qui est potable. Portail en 5e avec ses ressources en ligne et son contenu «retravaillable» me semble intéressant. En 4, ????? Il y a deux ans, on était dans l'ancien programme. La série Forum a-t-elle de l'allure?

Enfin, je prends aussi des suggestions pour des romans à lire avec les jeunes.

Je travaille avec une clientèle dont le français est une seconde langue, bref, je ne m'adresse pas vraiment à des «bolles»!

Merci d'avance!

mercredi 12 mai 2010

L'illusion du virtuel

(Une petite réflexion faite à la suite du visionnement d'un documentaire sur la génération numérique le mois dernier que j'avais mis de côté.)

Admettons qu'on mette nos enfants devant des ordis toute la journée à l'école et qu'ils continuent de le faire en soirée.

Pendant des années! N'a-t-on pas documenté des problématiques de santé oculaire? Le corps n’a-t-il pas besoin de bouger, de danser, de jouer aussi. Pense-t-on aux conséquences de tels choix de société?

L'écriture en action mobilise très probablement. Évidemment, on n'écrit plus des lettres manuscrites. En même temps, je n'écrivais pas de lettres quand j'étais jeune à l'école, mais je m'exerçais à faire de bonnes phrases en apprenant à respecter la grammaire française et puis, on bricolait quelques textes de temps en temps. Des exercices d'écriture. Pas des lettres... rien de fonctionnel ou à peine. Cette approche du prêt à servir tout de suite est une idée nouvelle discutable indiscutable. Et pourtant... j'apprenais... Le sens ne venait pas de ce que je produisais, mais du regard de ma mère qui valorisait ces apprentissages simplement. La valeur de bien écrire en soi. On ne me faisait pas croire que j'étais déjà un scripteur, un écrivain. J'avais des croutes à manger. Je découvrais les romans, les journaux, l'écrit qu'utilisent les adultes, ce monde si complexe auquel j'aspirais.

Où est ce lieu de préparation, de patientes préparations? Faire de soi une fiche Facebook à partager avec des amis est une mode qu'un groupe a réussi à rendre populaire. Est-ce franchement ça l'humanité de demain? Je sais pour le vivre de plus en plus que cette relation avec le virtuel fait négliger la réalité des relations humaines. Permet aussi parfois d'éviter la vie et ses rigueurs. Je crois que pour le moment devant ces nouveaux supports de l'expression personnelle, nous sommes tous des novices, des humains qui expérimentons et nous nous adaptons à ces changements. Personne n'est en mesure encore de juger de la portée et de la valeur de ces outils. On prétend connaître l'avenir. Vraiment?

Je veux bien que le marketing, la vente, le c.v. ou le portfolio, le Facebook qui vend la personnalité soient des réalités qui font vivre bien des gens qui nécessitent le développement de compétences. Pourquoi faudrait-il que moi, simple enseignant d'habiletés de base en écriture, je supervise des activités dont la portée me dépasse, voire questionne mes propres valeurs?

Je n'ai pas de page Facebook, mon médium virtuel est autre et pis quoi? Ai-je à vendre une vision de l'existence ou simplement outiller un jeune à exprimer par écrit sa pensée ou communiquer des informations de manières claires en respectant le code linguistique pour qu'il en fasse ce qui lui plait ou l'utilise dans sa vie?

Depuis longtemps l'approche fonctionnelle domine la matière que j'enseigne et n'offre pas de résultats vraiment probants. Les nouvelles technologies offrent toujours plus de la même chose avec une illusoire assistance qui n'a pas été démontrée.

A valoriser le faire pour le faire, peut-on vraiment travailler le bien faire, la patience de bien faire? Nous ne sommes pas dans le même cadre de valorisation.

Moi-même, je suis aspiré par ce désir dévorant de tout faire bien tout de suite. Cet élan dévorant me questionne.

Je me demande si certaines valeurs du passé que la sagesse des âges a reconnu n'ont pas à retrouver leur place raisonnable dans nos agitations modernes.

Je résiste oui, certainement, devant le fait que je ne suis pas ce surhomme, qui sait tout et maîtrise tout et qui peut s'adapter à tout, qu'exige ce monde frénétique et je me questionne plus simplement sur le besoin simplement humain d'être aussi en équilibre. Je me demande si nous ne sommes pas inconscients un peu de lancer nos jeunes sans savoir dans ces servitudes nouvelles sans en avoir pleinement reconnu les conséquences pour l'humain.

Je me suis perdu plus d'une fois dans l'homme numérisé. Pour vous, tout est si clair?

Dans la vie, on peut se briser sur les obstacles ou apprendre à faire attention à la réalité et à certaines de nos limites. L'illusion virtuelle nous donne l'impression d'être des dieux, mais ce n'est qu'une illusion. Apprécier, accepter la résistance en soi, c'est souvent apprendre à se respecter.

samedi 8 mai 2010

Père-sévérance ou révérance des pères

Un colloque, combien ça coûte?

On tient un colloque sur la persévérance scolaire organisé par la Fédération des commissions scolaires ce weekend. Quand j'ai vu que 800 personnes s'étaient réunis pour discuter sur ce thème dans un congrès, je me suis demandé ce que pouvait bien coûter au réseau tout ce cinéma en libérations  de tâche, en hébergement, etc.

Un colloque sur la persévérance informatique ou scolaire?

Et de quoi parlera-t-on dans ce beau colloque? Bien ce matin, on en a une idée dans cet article de Daphné Dion-Viens. Dès l'ouverture du fameux colloque, on a peinturé épais sur la génération C qui nous dépasse: «Mais plutôt que de se borner à se dire qu'on n'y comprend rien, il faut faire preuve d'ouverture et faire confiance aux jeunes de la génération C, a affirmé le professeur Réal Jacob, lors de la conférence d'ouverture. Une plus grande collaboration - qui passe forcément par les nouvelles technologies - devient une façon de lutter contre le décrochage scolaire, affirme-t-il.»

Je dois être un ignare qui s'ignore

D'abord, je crois qu'il est assez faux de dire qu'on n' y comprend rien. La plupart des enseignants de nos jours se sont développés dans un univers qui a vu apparaître et se déployer la réalité du Web. Nous ne sommes pas des analphabètes du Web, loin de là. En fait, nous avons aussi la plupart exploré différentes facettes de ces nouveaux médias dans un âge adulte qui pourrait nous permettre de relativiser justement  un peu la valeur de cette nouvelle façon d'entrer en relation avec le monde. Pour ma part, j'ai connu les forums, les échanges de mails, les profils à RéseauContact, les blogues, les sites Web, l'auto-publication, la manière de se publiciser sur le web, une certaine efficacité de s'informer sur le WEb, etc.

Évidemment, je ne connais pas tout, mais je crois en savoir un bout sur ce monde, probablement autant sinon plus que la soi-disant génération C ou numérique. Sur le terrain de la vie, on découvre souvent qu'à part leurs sites de jeu justement, les jeunes en connaissent souvent fort peu.

Peut-être que pour certains professeurs d'université plus vieux qui ne connaissent pas en plus la réalité scolaire des jeunes et ne vivent pas avec eux vraiment comme la plupart des enseignants du milieu, ces réalités ont de quoi les étonner. Les autres, chers enseignants, franchement, sans connaître tout, vous êtes certainement outillés pour comprendre rapidement de quoi il en retourne quand un jeune se met à vous parler de la dernière mode, non?

Je n'ai pas besoin d'être sur Facebook ou sur  Twitter, ou de prendre part à tous jeux en ligne, à ces My space ou Second World, à toutes les sous-cultures du Web par exemple, pour comprendre de quoi il s'agit. Si chaque fois qu'on entend parler d'une sous-culture du Web, on doit se sentir dépassés, franchement, je m'interroge sur le jugement global d'intervenants qui devraient avoir, à titre d'éducateur de leur temps, une réflexion sérieuse sur de nombreuses réalités virtuelles. Il faudrait être sérieusement handicapés pour ne pas en connaître un peu, et même suffisamment, sur ces univers pour ne pas être capable de s'en distancer un peu et discerner justement les dangers et les dérives d'une telle orientation systématique des conduites humaines dans la médiatisation de leur rapport avec les autres.

Les fossés générationnels datent d'hier évidemment!

La question des décalages culturels entre les générations est loin d'être une nouveauté. Qu'elle emprunte de nos jours les voies de l'univers virtuel pour se déployer ne change pas fondamentalement la réalité du nécessaire dialogue intergénérationnel visant à transmettre un certain héritage de l'humanité et à se l'approprier au travers de nouvelles formes pour une certaine évolution. Notre rôle n'est pas de les accompagner là où ils veulent aller, mais bien leur donner les outils pour discerner dans tout ce foisonnement une certaine capacité de recul, de jugement à partir de balises, de repères, qui ne sont pas nés hier. Or, pour ce faire, pour voir la forêt, il faut souvent sortir du bois et aussi, pourquoi pas, comprendre l'héritage scientifique des écologistes.

Mais bon, on ne veut pas qu'on se trouve compétents, on pourrait réfléchir, c'est dangereux:
On pourrait manquer leur solution

On s'imagine pourtant assez aisément - quand on a appris à voir le monde à travers certaines connaissances stables au sujet de la nature humaine, quand on s'est cultivé suffisamment pour ne pas être servilement déstabilisé par le premier manipulateur venu ou par  la marionnette imbécile qui le représente - qui sponsorise ce colloque sur la persévérance scolaire: l'industrie du numérique doit bien avoir donné de ses billes et elle a chargé ses envoyés spéciaux de répandre la bonne nouvelle pour déployer SA solution à la démobilisation des jeunes. On croirait une grande publicité de l'industrie informatique pour nous préparer à investir collectivement dans le pc mur à mur pour nos écoles. Et, je note qu'il n'y a personne pour s'opposer à cette cyberdépendance instaurée à l'école.

S'adapter aux jeunes ou confronter le jeune à l'expérience du monde, aux savoirs, au bagage culturel?

Je le concède, on ne va pas changer notre siècle et la culture de l'informatique entrera certainement bientôt dans nos écoles, il reste que cet enthousiasme me questionne quand même pas mal. Quand je lis les phrases triomphantes de ces jeunes de 15-16 ans en fin de cet article, je reste, je dois dire médusé: «Étienne Petitclerc (étonnant nom!), un élève de 16 ans de quatrième secondaire, voit davantage l'enseignant comme un guide. «Il est là pour nous guider à travers ce qu'on apprend. Il agit plus comme un médiateur qu'un informateur en nous aidant à utiliser le Web intelligemment», lance-t-il. (...) C'est à eux [les profs] de s'adapter à nous et non l'inverse», lance-t-il. Son camarade de classe Charles Brien renchérit: «Si les adultes s'adaptent à nous, ils vont nous permettre d'apprendre plus et c'est ce qu'on veut.» 

On remarque que finalement notre fonction enseignante deviendrait  celui d'initiateurs au WEB, comme si le monde se résumait à ce dernier. Facebook, Twitter, voilà vraiment le monde. Enfin, nous devenons les accompagnateur de la volonté des jeunes, des médiateurs de ce qu'ils veulent apprendre. Je ne me souviens pas pourtant qu'aucun prof n'ait joué avec moi, à jour de paye, au Meccano ou quelque autre jeu de mon enfance...

C'est assez curieux de lire cela, car justement cette semaine j'ai eu une discussion avec une apprenante des communautés autochtones sur l'idée que je devais constamment m'adapter à eux, faire des efforts incroyables pour me mettre à leur place, pour découvrir comment il fonctionne et comprendre leur représentation du monde pour justement trouver une manière de les faire apprendre. Moi, je dois m'adapter à eux, eux n'essaye pas trop. En fait, ils ne connaissent pas trop le monde et ne s'y intéresse pas plus qu'il ne faut. Et s'il y a une chose que je trouve défaillant en eux, c'est bien leur capacité à persévérer.

Qu'on s'entende, je ne remets pas en question l'idée qu'il faille comme éducateur avoir une certaine capacité de se mettre à la place de l'autre, de déployer une interactivité avec l'apprenant pour comprendre son fonctionnement et mieux l'aider dans ses difficultés d'apprentissage quand il en a. J'ai travaillé assez dans l'adaptation scolaire pour comprendre la nécessité d'user de ces mécanismes pour communiquer avec l'apprenant. N'empêche que dépassé un certain stade, cette faculté de s'adapter de l'éducateur aux caprices de l'apprenant a quelques choses de pervers qui s'éloigne de ce que l'on pourrait appeler justement de la persévérance.

Voyons un peu l'idée de la persévérance à travers des outils classique qu'on peut trouver bien sûr en ligne.

Persévérance:

Étymol. et Hist.1. Ca 1175 «continuité d'un état de chose» (Benoit, Ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 8610); 2. ca 1225 «qualité de celui qui demeure ferme dans une résolution» (Gautier de Coinci, Miracles de Nostre Dame, II, Mir. 25, 284, éd. V. F. Koenig, t.4, p.255); 3. xiiies. «qualité morale qui consiste à poursuivre une tâche» ici personnification de Perseverance (Raoul de Houdenc, La Voie de Paradis, éd. P. Lebesgue, 283); 4. 1559 «action de persévérer» (Amyot, Marius, 8 ds Littré). Empr. au lat. perseverantia «constance, persistance».(http://www.cnrtl.fr/etymologie/pers%C3%A9v%C3%A9rance)

Et curieusement: on retrouve dans la liste des antonymes de ce mot justement les mots caprice et changement.

Père-sévérance

Pour moi, la persévérance est une qualité qui m'a curieusement été transmise par mes parents. Je me souviens de cette phrase répétée dans mon enfance qui était un slogan de persévérance: «Pas capable est mort, son petit frère s'appelle essaye.»  Je me souviens donc de la pression accompagnant un apprentissage de mon père ou ma mère qui m'ont appris à persister dans des tâches ou des jeux. Ils m'ont appris en plus à valoriser justement l'effort et à  le préférer souvent à un repli de défaite, à un désir de retourner faire ce que je voulais: jouer ou faire autre chose. Il n'y avait pas là-dedans de négociation possible, mais la fermeté d'un père sévère qui transmet quelque chose d'important, qui veut faire comprendre l'importance de bien faire, de ne pas se contenter de peu dans les résultats.

Mais il ne faut plus faire pression, c'est le règne de la manipulation

Nous vivons à une époque où ce sentiment de légitimité de l'adulte de faire pression sur l'enfant pour qu'il apprenne quelque chose qu'on juge important a été complètement évacué. On soutient depuis maintenant un quart de siècle que la persévérance, l'opiniâtreté, la persistance émanerait de l'être sans aucun besoin de secours ou d'apprentissage, de pression par une sorte de motivation interne chez l'enfant qui sait ce qu'il veut faire. Et l'adulte éducateur n'est que celui qui utilise cette force intérieure pour l'orienter vers l'apprentissage.

Certainement que certains enfants ont un certain caractère qui les incitent à suivre assez naturellement un mouvement déterminé. Il reste que la plupart du temps, l'effort soutenu dans l'acquisition de certains apprentissages ou dans la réalisation de certaines activités a toujours eu besoin de s'appuyer chez beaucoup d'humain d'une certaine contrainte qui les amène à persévérer dans l'effort pour pouvoir réaliser que cette attitude a ses côtés gratifiants. La question se pose franchement de savoir en vertu de quelle clairvoyance un enfant peut-il reconnaître de lui-même ce que l'humanité a tenu pour important pour le développement des hommes.

Des bons travailleurs ont souvent eu un père sévère sur leur chemin. Aujourd'hui, ils ont intériorisé la valeur de l'effort et la satisfaction d'avoir accompli. Alors penser qu'une machine peut avoir le même effet me fait l'effet d'un grande manipulation...

jeudi 6 mai 2010

La passoire est-elle plus poreuse ce matin?

Je vois les collègues dubitatifs face à la nouvelle formule que le MELS introduit cette année pour l’examen du ministère qui se fait ce matin partout au Québec. J'ai une opinion différente sur ce changement. J’ai déjà fait un commentaire chez le Professeur Masqué, je développe plus abondamment ici quelques idées sur la question.

Évidemment, on change la formule juste au bout de la cuvée réforme. Et on peut rire un peu de la chose!

Cependant, pour moi, la valeur d'un texte argumentatif n'est pas toujours simplement tributaire de l'art d'y inclure des sources précises. On peut fonder un raisonnement certainement valable sur des connaissances généralement admises, des faits notoirement connus en les évoquant sans toujours devoir préciser des sources. Le texte argumentatif vise à convaincre, il s'appuie souvent sur un ensemble de procédés de persuasion. On peut certainement observer dans les «littératies» toute une gamme de textes visant à convaincre qui va du sophisme habile écrit dans une langue remarquable à la thèse rigoureuse la plus appuyée par des « preuves» citées en passant par l'opinion justifiée et fondée par des observations simples et des connaissances générales. Encore là, l'intelligence du propos ne découlent pas forcément des preuves comme telles, de ces faits précis dont on est capable de citer des sources, mais bien de la qualité du raisonnement, de la cohérence du propos et de l'appréciation de «preuves» dans la stratégie argumentative.

Je me demande depuis des années pourquoi on utilise cette formule un peu sotte de faire lire des textes pour une tâche d'écriture non précisée où il faut préparer sa petite banque de citations avec leurs sources sur une page ou deux. En plus d’être stupide sur le plan de la préparation, puisque la tâche à accomplir demeure vague, le procédé comporte une faille remarquable en évaluation. Il fournit notamment une banque de vocabulaire et une joyeuse occasion de faire du collage d'idées sans queue ni tête avec moins de fautes notamment d'usage. En fait, si on élimine ce genre de préparation qui permet des bricolages ou décalquages sur des notes prises antérieurement permises à l'examen, je serai le premier à féliciter le Mels. La compétence en écriture doit pouvoir se donner spontanément sans préparation et même sans outils de référence comme dans la plupart des examens d'embauche ou qui qualifient. Je ne crois pas que le Céfranc ou le Sel n'aient exigé la moindre source dans leur texte argumentatif pour évaluer la compétence en rédaction des enseignants... Y accepte-t-on n'importe quoi?

De toute façon, l'enjeu se passe moins dans la forme de l'examen ou dans le genre de texte demandé qu'au moment de la correction. Selon ce qu'on sait depuis longtemps, les correcteurs engagés par le MELS ont pour mandat de laisser passer un maximum de gens peu importe la qualité des productions depuis belles lurettes. Je ne prends pas la peine de citer une source comme vous pouvez le constater! Je me souviens fort bien néanmoins de l’image tout à fait rigolote des mères Thérésa du Mels d’une certaine partie d’un collectif de profs paru en 2006 au sujet d’un certain «grand mensonge de l’éducation».

De toute façon, franchement, on va toujours passer à côté de l'essentiel de ce que devrait donner une formation de base, c'est-à-dire une certaine maîtrise de l'utilisation des connaissances de la langue en situation d'écriture en ce qui a trait à la syntaxe, à l'orthographe et au vocabulaire. Quant à la maîtrise du raisonnement, on peut penser que le cégep et l'université jusqu'aux études supérieures vont se charger de peaufiner chez certains élèves l'habilité d'écrire des textes rigoureux. Du reste, pour évaluer la compétence en écriture, on pourrait tout aussi bien leur faire écrire une narration puisque cette dernière est aussi l'objet d'un enseignement systématique au secondaire.

Enfin, même si des jeunes de 1ère secondaire pourraient certainement en raison de leur «douance» déjà atteindre les seuils minimaux de cet examen de 5e secondaire, il ne faudrait pas perdre de vue que l'examen sert à valider un diplôme de base dans nos sociétés. Ce n'est pas un concours pour l'Éducation Nationale en France! Le cours de français n'est pas une matière comme les maths, à ce qui me semble, avec un nombre appréciable de connaissances précises et nouvelles dans chaque cours. Non, la maîtrise de la langue se rapproche davantage d'un art de mettre en mots sa pensée qui demande du temps à développer et qui, de plus, demande de l’entretien, de la pratique pour se maintenir.

Tout jeune peut profiter des 5 ans du secondaire en français si l'école fournit des filières en fonction des talents spécifiques - au lieu de bêtement former l'esprit grégaire de troupeau ordinaire qui est à la source à mon sens du nivellement par le bas des valeurs intellectuelles - tandis qu’il acquiert d’autres connaissances générales dans d’autres matières. D’ailleurs, c’est bien là que le jeune peut améliorer ses productions en les bonifiant d’une meilleure connaissance du monde qui l’entoure et en utilisant un vocabulaire plus précis qu’il s’approprie avec les années.

Enfin, l’école forme au Québec des gens dont le français est une langue seconde, voire une troisième langue, et il faut permettre je crois une certaine flexibilité permettant à ses gens de se qualifier dans certain domaine où la qualité de la langue élaborée et précise peut s’avérer secondaire. Le système et sa sanction doit tenir compte de ces réalités aussi. L'examen vise à s'assurer normalement une compétence de base pour le citoyen ordinaire. Déjà, de se prêter à la discipline scolaire et de réussir un certain nombre de cours dans différentes matières témoignent d'une certaine capacité de s'astreindre à une certain rigueur. Après, la qualité des préalables développés est à apprécier dans les exigences de formations ultérieures. Bref, dans l’école, cheminent des jeunes bien différents aux horizons de formation variés.

Pour le reste, il appartient aux cégeps de fixer leurs critères pour l’accès à leur différents programmes… Mais bon, tant que, pour faire tourner la boîte, il faut faire entrer bon an mal an un nombre appréciable de jeunes même s’ils n’ont pas les qualités suffisantes pour réussir, on pourra toujours se plaindre des limites de l’école secondaire. Il faut parfois développer le bon sens de l’appréciation en fonction d’un contexte global très diversifié. Il faut aussi le courage de l’exigence là où elle est requise.

En somme, la formule importe peu. Il s’agit toujours de définir clairement les exigences de base et de les apprécier rigoureusement avec des critères précis. Pour le moment, le flou demeure artistique en ce domaine avec des résultats bon an mal an tout à fait discutables. Si on ne relève pas à la correction dans un texte des phrases complètement stupides et des raisonnements qui n'en sont pas, c'est qu'on accepte de telles insignifiances. On a alors un problème de critères ou de rigueur dans l'évaluation peu importe le genre de texte qu'on exigerait.

La passoire globale n'est donc pas née hier!

mercredi 5 mai 2010

Parce qu'il faut bien voir ce qui se passe autour pour voir où l'on va...

«Les chiffres sont imparables: la désindustrialisation s'accélère dans les pays riches, qui font désormais moins de la moitié de la production manufacturière mondiale.»

Un article sur une tendance qui risque de changer un peu notre vie doucement: Le centre du monde a bougé  de Richard Dupaul.


La Chine deviendrait-elle le centre du monde?



lundi 3 mai 2010

Twitt and shout! Ou de l'homme connecté en permanence

Hier, j'ai vu comme tout le monde à TMLEP, Denis Coderre nous parler de sa passion pour le hochey et de sa nouvelle et franchement étrange relation  avec ce nouveau média social Twitter.C'est juste comme un email pour des messages de 160 caractères qu'on envoie à un compte twitter. Les gens peuvent s'y abonner et suivre nos messages. Quelques réflexions sur la twittude...

Monsieur Coderre peut écrire jusqu'à 43 «One liner» de 160 caractères pour alimenter les abonnés de son compte Twitter. Il s'est même arrêté le long de la route pour écrire «Et c'est le but!» tandis qu'il se rendait en Beauce. Et tout le monde en disait du bien de Twitter: heille, merci de nous tenir au courant. Twitter serait la source d'information  première de bien des gens.

Bon, je note aussi le comportement de notre gouverneure général Michaëlle Jean qui twitterait à toutes les 15 minutes son petit commentaire pendant ses voyages, ce qui est une moyenne juste un peu meilleure que celle de Denis Coderre avec sa journée de 43 twits. Bientôt, on va inventer un poste d'attaché politique au compte Twitter chargé de recueillir et texter toutes les 10 minutes les impressions de nos chers politiciens.

C'est le gros «must» technologique des relations publiques. On veut montrer aux gens d'affaires à s'en servir. Aux enfants à l'école, à tout le monde...

Je ne sais pas, franchement, pour moi Twitter, c'est le summum de la cyberdépendance. Quand tu te mets à vivre pour ton fan club d'abonnés toute la journée, je ne sais pas trop comment on arrive encore à être attentif au réel, aux gens vraiment là en face de soi. Déjà, le cellulaire, qui interrompait constamment depuis des années la conversation, accommodait bien les gens qui aiment entretenir un rapport superficiel avec les autres. Avec Twitter, on atteint un sommet.

Et imaginez, de l'autre côté, il y a les gens qui s'abonnent à des comptes qui suivent tout cela. Personne ne se demande si les gens intelligents ne s'arrangent pas finalement leur compte que pour présenter le beau côté de leur médaille et passer leur petit message dans leurs charmantes lignes...

Enfin, pour ce que ça a d'intéressant de lire des petits commentaires d'une ligne... Surtout que le carton pâte qui fait figure de discours politique ne s'améliore pas vraiment avec le temps.

Ce qui m'a frappé à TLMEP, c'est que personne n'a trop remis en question ce vedettariat maladif hier et que tout cela devient une norme, sans qu'on se questionne, qu'on va répandre  et encourager.

Mais bon, les gens peuvent bien faire ce qu'ils veulent, il reste que je me pose de sérieuses questions, vais-je devoir bientôt twitter mes états d'âmes toute les 5 minutes pour  devenir le bon citoyen transparent qu'on est en train de fabriquer? Vais-je en plus devoir apprivoiser ce média pour accompagner en tant qu'éducateur les jeunes dans cette infernale machine addictive à illusionner l'ego à tenter la popularité? Vais-je devoir sans fin décortiquer ou m'adapter toujours au dernier bidule de vie virtuelle à la mode qui fait de nous des êtres obsédés par la diffusion de soi à l'univers pour éduquer à une utilisation raisonnable le citoyen de demain?

Je l'ai dit ailleurs: on vend de nos jours de la technologie qui tend à modeler nos comportements dans une direction allant vers la valorisation d'une relation sociale permanente sans recul. Les gens deviendront des courroies de transmission de message sans jamais prendre le temps de réfléchir un peu. On donne aussi l'habitude de faire confiance à n'importe quelle source, sans trop se soucier de valider les informations. Les dérives d'une telle habitude sont assez faciles à imaginer. On peut lancer de la rumeur dans le temps de l'écrire.

Je trouve toujours la tendance quelque peu inquiétante.

dimanche 2 mai 2010

Chicanes d'enfants, éducation et autres facettes

Hier, je discutais avec M autour du feu. Une petite bande, des profs du coin, s'est improvisée autour du feu que F a fait dans un tambour de sèche-linge en plein après-midi. Il veut essayer son cadeau: une grille pour tenir des steaks au-dessus d'un feu. Il coupe du pin à la hache en Blanc par le dessus de la bûche. M fait remarquer que les gens d'ici s'y prennent autrement, ils couchent la bûche. On en vient à conclure que c'est franchement moins dangereux pour les doigts!

Autour de nous, des enfants du village sont là, des filles en fait. M a trois appareils photos dans le cou et se plaint des nuages. Il passe régulièrement ses appareils à un enfant en lui suggérant un sujet à poser. C'est la grosse affaire de M ça la photo avec les enfants. Ça fait dix ans qu'il est par ici comme un missionnaire à animer la vie des jeunes avec ses différents talents artistiques et bricoleurs. Il a fait notamment 4 livres de photos avec les jeunes qui ont été publiés. Il m'en a donné un l'autre jour. J'ai aimé l'inventivité riche de leurs photos. Le produit est intéressant à feuilleter. Enfin, j'aime bien regarder des albums du genre à observer le travail et la recherche du photographe qui sélectionne des photos intéressantes.

Mais bon, je fréquente M depuis peu, je ne travaille pas dans la même école.  J'ai été surpris, M traîne une espèce de lassitude avec lui. Il part bientôt d'ici: il a manifestement fait le tour du jardin, il est allé au bout de ses ressources et est à l'heure des bilans. Il est un peu amer. Il a donné beaucoup, il voit peu de résultats et aussi: bien des jeunes qui auraient tout de même mal tournés.

Je l'écoute souvent quand je le croise, je ne sais pas s'il dit tout ça juste à moi! Je pense pas... Peut-être quand même un peu, je suis de la sphère extérieure un peu de l'univers de l'école autochtone pour les jeunes où il y a de bonnes chances que je migre bientôt pour de nouveaux défis. Quand ma conjointe est allée à une des projections de films de M (il en fait avec les jeunes aussi), dès qu'elle a parlé de moi, il s'est mis à lui parler autrement. Enfin, je ne sais pas, je l'avais croisé depuis des mois comme ça au village sans lui adresser la parole. C'est peut-être mes cheveux longs, ma blague de Drums avec mes rouleuses,  ma bagnole. Enfin, des mois à se croiser dans un village sans se parler, comme c'est très possible de le faire ici, finissent par créer des conditions propices à la projection: on imagine ce qu'est l'autre, on s'en fait un personnage. J'ai l'impression qu'il fait de moi un artiste avec peut-être l'espoir d'une relève pour son œuvre ici. Je l'ai recadré l'autre jour un peu. Euh, j'ai de modestes aptitudes en ce domaine et très certainement moins de patience que lui avec les enfants. Mais bon, j'ai été franchement captivé par l'univers qu'il a construit dans cette école. Il y a là de l'équipement audio-visuel de grandes qualités pour faire bien des projets.

On a bavardé comme ça, F a disparu avec ses steaks, les enfants tournant toujours autour jusqu'au moment où ils se sont chicanés. Une petite s'est retrouvée en larme près du feu, les autres fillettes sont parties avec leur chef avec une attitude de défi. M réagit à l'exclusion de la jeune. Il me dit qu'il n'aime pas la chicane. On parle des enfants qui ont pour modèle les rivalités de leurs parents. Moi, je pense à mes jeunes années et à cette réalité quotidienne des tensions entre enfants, de ces chicanes. M demande à la petite si elle est triste, elle hoche un non-oui, comme pour ne pas admettre complètement sa peine. Je me dis que c'est assez temporaire, les enfants se chicanent et, une demi-heure après, ils se retrouvent souvent à partir pour d'autres aventures. Mais M est en train de me parler de ces moments de tension où des bandes d'enfants se réunissent pour faire passer un mauvais quart d'heure à une jeune. Les adultes, les profs, sont souvent autour des enfants, mais ils ne savent pas toujours toutes ces tensions, que les jeunes ramènent de la communauté ou rejouent pour vrai entre eux. Il y a des meneurs comme la petite qui est partie avec les 3 autres. Je pense à cette vie enfantine où certains expérimentent le leadership pas toujours avec de très belles réalisations. Tout de même, ils se développent d'eux-mêmes souvent sans notre aide. Parfois, on peut calmer le jeu. Mais, on ne peut pas vraiment s'interposer trop. Ils ont leur place à découvrir parmi les autres aussi. Et si on ne faisait pas un peu trop de morale avec tout ça.

M continue: on ne voit pas ici les parents jouer avec les enfants (comme lui le fait j'imagine). Ils ne construisent pas de jeux pour enfants. M généralise, moi je vois souvent des parents avec leurs enfants dans le bois et il y a des balançoires sur la réserve faites de troncs d'arbres dans une manière très amérindienne. Enfin, jouer avec les enfants comme une prescription me dérange un peu. La plupart des parents vont jouer à des moments ou un autre avec leurs enfants, mais bon un adulte n'est pas le jouet de ses enfants non plus, ni un enfant. Garder un œil, donner de l'information, nourrir, prendre soin, pousser aussi en bas du nid, voilà la matière.

Je ne l'ai pas dit à M, mais bon, je regarde autrement tout ça. Dans la vie, on peut voir les nuages, les chicanes, le manque de cohérence culturelle ou certaines ignorances, on peut aussi voir une certaine beauté dans tout ça. Je me rends compte au contact de M que je réagis intérieurement au négativisme courant. Je veux toujours contre-argumenter. Proposer l'autre face de la réalité. Mais bon, c'est peut-être ma façon de réagir: s'il était Jovialiste, je serais peut-être en train de montrer les nuances de gris que je vois aussi pour  compléter la vision des choses ou l'enrichir ou simplement pour parler.

Hier, encore, un peu plus tard, parti me perdre avec ma douce sur une plage inconnue, j'étais fasciné de voir que, pendant un temps, elle ne voyait que les déchets qui trainaient et en parlait avec de grands jugements. Ah, ces autres si insouciants... Oui ,oui, certes, certes... Mais la vue est superbe, le sable avec ses rouges de fer est magnifique pourtant et la mer tout aussi majestueuse. Et par rapport à l'autre plage plus près du village aussi riche en tessons de bouteille polis qu'en cailloux, on est ici près de la pureté!

On a parlé de M. Il me semble devoir se donner des raisons de partir, car certes il lui faut partir. S'il avait fait ici finalement une (trop?) longue rencontre et un échange dans lequel il a mis beaucoup de lui-même... Nous venons souvent ici en éducateur montrer le bien agir, le bien créer, le bien qu'on croit. Mais en bout de ligne, l'autre prend bien ce qui lui convient et ça, il faut quelque part l'accepter.

On a marché longtemps, finalement tout était bien sans tout à fait l'être...