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mercredi 22 décembre 2010

Résultats désastreux en orthographe, réfléchissons un peu...

Je suis à préparer un peu mon enseignement de cet hiver pour aider des jeunes à affronter l'épreuve unique de français de secondaire 5 en mai prochain quand je suis tombé en «gogglant»  sur  des données intéressantes. Le journal de Montréal a publié hier un article qui nous apprend  que, même si nos jeunes réussissent l'examen de français de secondaire 5 à des taux de 80%, les résultats en orthographe ne sont franchement pas à la hauteur, malgré qu'on soit parmi les meilleurs au Pisa international. L'article dévie notre attention en se préoccupant des résultats plus faibles chez les gars. Cependant, le détail des résultats présentés  me permet de soutenir un point de vue déjà abordé ici, mais auquel personne ne s'intéresse vraiment dans les médias. Pour moi, la piètre performance des jeunes en orthographe s'expliquent par le manque de valorisation, dans les évaluations, des connaissances grammaticales et aussi par la faiblesse des méthodes utilisées pour les faire apprendre. Désolé pour la dame Longpré qui parle au travers son chapeau, le faible intérêt des garçons pour la lecture n'explique pas vraiment grand chose. Son propos a des allures de gros cliché de grosse poudre aux yeux à saveur d'idées reçues qui reposent sur une corrélation dont la relation de cause à effet demeure à démontrer.

Mais voyons un peu ces données:

Les gars toujours plus faibles que les filles

Fin du 2e cycle du primaire

Taux de réussite global
75,3 % chez les gars
86,5 % chez les filles


Fin du 3e cycle du primaire

Taux de réussite global
69,6 % chez les gars
81,1 % chez les filles


Fin du 1er cycle du secondaire


Taux de réussite global
61,0 % chez les gars
75,1 % chez les filles


Orthographe et grammaire
Taux de réussite
48,9 % chez les gars
66,5 % chez les filles


5e secondaire


Taux de réussite global
78,8 % chez les gars
85,9 % chez les filles


Orthographe
Taux de réussite
46,5 % chez les gars
62,9 % chez les filles

Bon, comme je l'ai annoncé, je ne m'intéresse pas à ce qu'on sait déjà: les gars sont plus faibles que les filles. D'ailleurs, franchement, je ne vois pas comment changer la grammaire pour la rendre «plus gars» ni les objectifs du cours de français d'ailleurs.

Quoique! Redonner le qualificatif de principale à la proposition (phrase syntaxique) qu'on a rebaptisée phrase matrice! Ouin, en fait, faire faire une grammaire par un gars, tsé avec un souci d'efficacité pédagogique, comme un Grevisse en son temps qui a peaufiné son truc dans plus de 32 versions de son Précis. Je ne sais pas une grammaire reposant moins sur les manipulations, mais plus sur une systémique où on apprend une carte avec de la «drill» sans s'enfarger  dans les fleurs du tapis. Un gars n'aime pas trop qu'on parle pendant des heures: «on veut pas le sawouère, on veut le Wouère...» J'ai comme l'impression qu'une grammaire plus gars est trop dépassée pour notre temps et pourtant...

Non, ce qui frappe surtout au premier regard, c'est que les gars, par contre, passe de 71% et 69% au primaire pour le global à 61% fin du premier cycle secondaire (2e secondaire) pour finir avec une remontée spectaculaire à 78% de réussite en fin de parcours...


 D'accord, on peut supposer que les décrocheurs nombreux entre la 2e et la 5e secondaire peuvent expliquer la différence. Les taux de décrochage avoisinent les 30% ces dernières années. Tout de même, dans ce cas, en mettant dans la balance tous ces décrocheurs, le vrai taux de réussite du système avoisinerait sûrement comme à la fin de la 2e secondaire les 60% de réussite. Mais est-ce que ça explique la variance?

Ensuite, on  pourra dira que les deux dernières évaluations ne sont pas tout à fait du même type et qu'on pourrait aussi expliquer la différence entre les deux résultats ainsi. Mais bon, pour avoir préparé des jeunes de secondaire 2 à cette évaluation, il y a 2 ans, j'ai observé qu'il faut plancher dans le même secteur de la structuration de texte qui s'apparente déjà à celle du texte qui doit être produit en secondaire 5. Je travaillais avec de jeunes filles assez brillantes et il n'a pas été difficile de leur faire canaliser leurs productions dans des formes acceptables.

Mais, je pense aussi, plus directement dit, à de la manipulation à la hausse de la réalité. On sait que les correcteurs ont tendance à forcer la note des premiers critères qui concernent la qualité du texte pour compenser les difficultés en maîtrise de la langue. Décrochage ou pas, il est curieux de constater qu'en sec 2, l'écart entre la note en orthographe et le résultat global est moins prononcé (12 % pour les gars; 8,5 % pour les filles), alors qu'en secondaire 5, un grand écart de 32% (gars) et de 23% (fille) caractérise les résultats.

Ainsi, on peut faire pas mal de fautes en orthographe et passer l'épreuve unique comme le démontre ce matin ces données. 46,5% des gars par exemple ne réussissent pas ce critère, et il s'en tire 78,8% au total dans la note globale. 32%  n'ont pas fait le 35 fautes qui conduit à l'analyse approfondie pour voir si l'élève de 5e secondaire démontre une maîtrise inacceptable de la langue comme me l'explique les documents officiels à l'intention des profs. Mais combien, dans un texte de 500 mots, en ont fait 30 quand même... Chez les filles, l'écart est de 23 points, ce n'est pas trop brillant non plus. Enfin, j'ai remarqué que, depuis quelques années, on donne plus d'importance à la syntaxe où les élèves s'en sortent mieux avec quelques trucs qu'en orthographe.

En tout cas, ou on fait des miracles entre la fin du 1er cycle et la fin du secondaire en structuration de texte,  ou quelque chose se passe d'assez bizarre au moment de corriger l'épreuve unique de fin de parcours.

Pourtant, si l'on examine les deux grilles de correction, celle de l'épreuve en secondaire 5 est nettement plus exigeante. Mais étonnamment, les scores en orthographe des deux groupes de comparaisons (élèves de secondaire 2 et de 5) demeurent assez constants si ce n'est qu'il présente une légère baisse dans le désastre et franchement les 30% de décrocheurs n'y changent pas grand chose dans ce cas...

Je passe assez rapidement sur le commentaire banale de la dame Longpré qui attribue au faible intérêt des gars pour la lecture. Tant qu'à parler de ce qu'on ne connait pas, on pourrait bien se taire. Enfin, tant qu'à faire du journalisme, il serait intéressant de se poser les bonnes questions et de trouver des gens qui enseignent le français pour savoir ce qu'ils pensent de ces résultats.

Pour moi, il ne fait aucun doute que la piètre performance en orthographe s'explique parce que, depuis 1981, et même avant, les programmes de français n'attribuent pas d'importance suffisante à cette dimension dans les programmes. En 1968, déjà, des gens sur des comités qui se croyaient autorisés à décider pour tout le monde des orientations de l'école ont jugé que la maîtrise de l'orthographe était dépassée, que ça sentait l'eau bénite et l'encens et le maniérisme clérical de l'école de jadis et que, ce qui comptait, c'était l'expression orale et les idées. On a eu donc l'accent sur l'oral dans les années 70 et, dans les années 1980, un programme qui faisait de la grammaire une dimension utilitaire de la production écrite qu'on allait évaluer qu'en situation d'écriture. Il n'y a pas d'évaluation des connaissances grammaticales depuis belles lurettes. Comme si on formait les médecins sans leur faire apprendre les 1000 maladies par cœur avant de les lancer en pratique pour évaluer leur compétence.

Or, à mon sens, ce qu'on n'évalue pas se déprécie toujours. On aura beau parler de l'intérêt des jeunes pour cette rébarbative matière qu'est la grammaire en un jeune âge, car elle impose un ensemble d'exercices assez répétitifs et un ensemble de règles complexes qui supposent d'utiliser un métalangage sur la langue, ça ne changera pas grandement les résultats en maîtrise de l'orthographe. La lecture, si elle peut à l'occasion permettre de renforcer ce travail d'acquisition, n'est pas une panacée comme on aime à le répéter. Ce n'est pas en lisant le dernier Harry Potter en vogue qu'on apprend à maîtriser les éléments importants de la grammaire. Toutefois, on observera chez ceux qui aiment la langue et qui s'intéressent à son fonctionnement très jeune, un attrait plus marqué pour la lecture que la moyenne. Ceux-là, déjà équipés en orthographe et motivés à s'améliorer s'arrête probablement de temps en temps en cours de lecture et remarque l'orthographe de certains mots. Mais ce n'est même pas forcé. Comme lecteur, je suis souvent surpris en relisant de remarquer que j'ai zappé des mots que je ne connaissais pas du tout, car il n'avait pas troublé ma compréhension du texte. On ne passe pas son temps à se dire en regardant un film: «tiens, un travelling avant!» On connait tous des illettrés qui ont toujours un roman dans les mains surtout depuis les tchats qui dévoilent bien des choses!

Mais je m'égare, revenons au fil conducteur: les erreurs dans notre stratégie d'enseignement.

C'est en 1995 qu'on a enfoncé le clou du désastre en maîtrise de l'orthographe. Oubliant qu'on avait un peu sorti des priorités l'enseignement systématique de la grammaire, tout de même insatisfait des résultats, on a ménagé une porte à la théorie d'une dame de Québec. Cette dame hautement cultivée j'imagine, toujours en train de nous concocter des solutions, qui en passant travaillent sur la progression des apprentissages en français qui tardent à sortir des fourneaux ministériels, avaient sûrement fondé son approche sur un courant présent dans les autres universités francophones dans le réseau des universitaires qui, du haut de leur savoir de Cogitors, revendiquait l'émergence d'une nouvelle grammaire dans un bouquin publié au début des années 1990 que j'ai eu la chance de parcourir à l'université par curiosité.

D'abord, en changeant la terminologie, pour marquer idéologiquement sa différence avec un passé soi disant révolu, ce nouvel enseignement a opéré une coupure avec les aidants naturels que sont les parents dans la vie du jeune, qui ne pouvaient plus franchement s'impliquer activement dans les acquisitions de leurs enfants à ce niveau, en les aidant directement. On ne mesure pas l'impact encore de cette erreur stratégique majeure. Un parent qui peut aider un jeune en expliquant ce qu'il comprend de la langue ne valorisait-il pas ainsi de façon significative cette dimension aux yeux de son enfant? On a voulu faire de la grammaire une science moderne en oubliant tous les enjeux pédagogiques les plus fondamentaux.  L'enfant n'a pourtant pas à maîtriser les subtilités des grands grammairiens. Même Grevisse, ce vieux dinosaure pourtant et très versé dans sa science, avait compris cela.

Mais bon, pire que ça, on a balayé dans cette fameuse tabula rasa de la grammaire, toute la mécanique d'analyse un peu plate et répétitive qui forgeait solidement les connaissances de la langue. On s'est ingénié à essayer de décrire aux enfants encore en formation de leur appareil intellectuel la fabuleuse logique de cette grammaire des manipulations syntaxiques, lourde, complexe et transmise superficiellement. Et ça ne marche pas, mais pas du tout, selon mon expérience. On rencontre trop de jeunes qui, à la fin du secondaire, ne sont même pas capables de repérer les éléments syntaxiques dans la phrase de base. Peut-on m'expliquer en quoi présenter toutes les formes de compléments du nom (adjectif, groupe prépositionnel qui en fait contient un groupe nominal, un groupe nominal, une subordonnée relative, etc) qui charrient un ensemble de concepts abstraits sans vision d'ensemble a fait gagner en syntaxe quoi que ce soit? Tout cela pour faire enrichir les textes des jeunes à un moment où ils sont trop jeunes pour de toute façon entrer dans ces subtilités.

Même si l'intention était bonne, je suis obligé de penser que l'ancienne approche était supérieure sans être parfaite.

On travaillait la nature des mots en y mettant le plus de «sens» possible au risque de ne pas tenir compte de toute les situations («Un nom est un mot qui désigne un animal, une personne ou une chose») et les diverses fonctions d'une manière mécanique dans la phrase simple en analyse grammaticale. On associait des questions à des notions de grammaire (fonctions)  dans des phrases choisies pour ne pas complexifier à outrance et déséquilibrer le jeune apprenant et on le faisait idéalement maîtriser cette mécanique avant de le jeter dans les rouages de la phrase complexe. On transférait ainsi la plupart de ces apprentissages bien rodés dans l'analyse logique. On présentait aussi toutes ces connaissances dans une systématique de l'ensemble des formes à distinguer avant de passer à ces nuances d'application ou à la stylistique. Un jeune de ma génération savait distinguer entre une relative et des circonstanciels parce qu'ils les voyaient plusieurs années d'affilée dans l'ensemble des subordonnées revues et revues dans une mécanique stable que tous les profs sortis des écoles normales avaient apprises et transmettaient avec une certaine et plate constance. En même temps, il sautait aux yeux que la relative était complément du nom à force de répéter cette association, car le jeune l'écrivait dans ses analyses et pouvait ainsi remarquer en se rappelant son analyse grammaticale de la phrase simple que les subordonnées pouvaient remplir les mêmes fonctions qu'un mot peut remplir. Avec la disparition du complément circonstanciel  de la phrase simple pour des raisons de cohérence soi disant dans la nouvelle grammaire, on a perdu une clé de l'appropriation de la logique des subordonnées. Personne ne semble se préoccuper de ces détails. L'approche d'alors ne se souciait pas de faire comprendre le monstre mais faisait apprendre une carte, une vue d'ensemble en parcourant un trajet d'apprentissage qui se complexifiait doucement. Le sens venait plus tard.

On respectait des étapes d'acquisitions dans cette approche classique. Et on en sortait avec une certaine conception assez claire de la grammaire qui nous faisait prendre un précis de grammaire et retrouver tout à coup une logique qu'on avait acquise et maîtrisée d'abord sans en comprendre toutes les raisons, mais qui devenait utile dans l'approfondissement des nuances de la langue plus tard dans le parcours scolaire.

Pourtant, maîtriser cette discipline qu'est la grammaire permet de comprendre ou de donner du sens à plusieurs règles difficiles de la langue et, éventuellement, cette même connaissance permet de faire des transferts dans l'écriture qui s'appuient sur quelque chose d'un peu plus sérieux que des listes de vérifications et trucs qu'on tente de faire apprendre sans les fonder comme il est devenu populaire de le faire dans les approches pédagogiques modernes que je qualifierais de superficielles.

Et toute cette poutine pour obtenir quoi? Un résultat toujours aussi désastreux! Encore que je n'ai pas de données de comparaison... On parle de la réforme qui a été passée sans avoir fait d'abord ses preuves de validités pédagogiques. La nouvelle grammaire appliquée à l'école l'avait pourtant précédée dans l'absurde. Imaginez des enseignants, et j'en étais, assez solide dans leur connaissance en grammaire pour oser se prétendre enseigner le français se sont retrouvés en difficulté d'apprentissage des notions nouvelles à enseigner aux jeunes pendant de trop longues années, coincés dans des manuels et des cahiers d'exercices qui présentaient des parcours tout à fait déroutant pour faire acquérir cette nouvelle science logique de la grammaire. J'ai répondu il y a deux ans à plusieurs de mes questions avec une enseignante qui se battait avec le bête depuis 13 ans et qui avouaient avoir mis 11 ans à maîtriser ce monstre, à bien le cerner. Combien à l'heure actuelle cernent cette bête vraiment? Elle soutenait être contente de ces changements, au milieu de ses élèves brillants d'un milieu privé... Pour ma part, mon esprit demeure convaincu, même si je comprends bien mieux qu'au début cette nouvelle grammaire, que cette révolution, qui a bénéficié conjoncturellement d'une mise à la retraite massive des enseignants de la génération de l'école normale, n'a toujours pas reçu les critiques qu'elle mérite.

Et puis, le sujet est ardue, comment critiquer une approche complexe nouvelle quand on doit l'apprendre comme un enfant et qu'on est déstabilisé dans ses connaissances par ces arguments ronflants répétés ad nauseam pour nous faire douter de ce qu'on sait.

Ces dernières années, on voit revenir des approches d'analyses semblables aux des analyses grammaticales et logiques de l'époque dans les formations du ministère. Comme si le désespoir des enseignants de français faisaient redécouvrir l'importance de faire faire des analyses répétitives pour permettre l'appropriation des savoirs. Je privilégie moi aussi ce genre d'approche en essayant d'utiliser la nouvelle terminologie pour ne pas ajouter à la confusion, mais en revenant à un enseignement systématique, mais ce n'est pas simple et autour de moi, peu d'enseignants travaillent dans ce sens. On continue de faire la poutine inefficace des parcours des manuels depuis 15 ans.

Bref, tant qu'on ne remettra pas dans les programmes et dans les évaluations le souci de faire acquérir une connaissance bien organisée et accessible, parce que maîtrisée, pour la situation d'écriture, on va tourner en rond longtemps et mesurer des désastres. Il importerait de faire le ménage dans cette nouvelle  grammaire et de recentrer l'école et ses intervenants dans des pratiques reposant sur des routines allant du simple vers le complexe, bref de revenir à ces deux forges des connaissances grammaticales que sont l'analyse grammaticale et logique. Il faut arrêter de se mettre la tête dans le sable en répétant des autrucheries imbéciles du genre qu'il faut avoir des connaissances pour être compétents ou qu'une personne compétente est une personne connaissante. Quand on regarde les résultats, on comprend surtout qu'on peut être compétent tout en ayant de graves lacunes dans des aspects assez fondamentaux d'un savoir et que des imbéciles répètent  idéologiquement des âneries sans jamais s'interroger sur la vérité des choses.

Pour être compétent, il faut développer des ressources qui souvent consistent en des systèmes de connaissances mobilisables en situation de performance. Pour être capable de mobiliser ces connaissances, il faut se les approprier et cela peut demander pas mal d'effort et de répétition. Il est difficile de mobiliser le néant ou la confusion. On devrait s'en souvenir.

On devrait aussi arrêter de dire des niaiseries comme celle de répéter que la lecture est importante pour l'acquisition de l'orthographe ou que l'école n'est pas assez faite pour les gars, ce qu'il faut c'est revaloriser, dans notre stratégie d'enseignement,  un enseignement systématique de la grammaire qui soutiendra plus que tout autre chose le développement de la mobilisation des connaissances pour assurer la compétence en écriture. Enfin, si on élaguait des programmes les ambitions démesurées en stylistique et en théorie du texte, quand ce n'est pas les affabulations des lobby de la culture, des médias et de l'industrie informatique, peut-être qu'on permettra à nos jeunes de régler leur difficulté en langue avant d'entrer aux études supérieures au lieu de se retrouver à faire des cours de rattrapage en français.





dimanche 19 décembre 2010

La fiction et la vie

J'ai le goût d'écrire quelque chose: on a toujours le choix. Personne ne va nous sauver, chacun a son affaire à mener, tout le monde est malheureux de temps en temps, certains le sont peut-être plus que d'autres mais bon chacun son trip aussi. Y en a qui l'aime un peu plus noir, parfois on dirait.  Et on a chacun notre liberté et notre responsabilité. Celle de suivre ce qui nous tient en vie, malgré les dégâts ou les vagues que parfois on crée.


Je parle de la responsabilité, pas celle des culpabilités, pas celle qui se met au pluriel. On a notre grosse, plate et fascinante liberté d'expérimenter la vie. Vu de loin, que de malheurs. A y regarder de plus près, c'est peut-être une chance. Dans la vie aussi , la plate vie, il y en a qui crèvent et d'autres qui vivent malgré des tonnes de vacheries de la vie. D'ailleurs, la vache, elle rit; zen en fait, elle s'en tape. Mais bon la vache, elle rit parce que elle sait trouver son fourrage aussi et son confort, malgré ses limites. Évidemment, les comiques parleront du Moulinex aussi. Ha!ha!ha! ou LOLLLLLLLL!

Une des grandes richesses dans ma vie a été la capacité de me mettre à la place des autres. Quand on y pense, l'affaire a des allures de science. Dans une certaine manière de voir les choses, c'est presque une clé des secrets. Se mettre à la place des autres est comme un exercice de créativité, c'est en tout cas une expérience de l'imaginaire qui conduit souvent à l'expérience de l'Autre, de sa variété, de son infinité de formes ou d'incarnations, c'est en même temps imaginer tout ce qu'on pourrait être.  C'est quelque chose entre la fiction et la réalité qu'on croit de l'autre. Pourtant, c'est souvent nous en résonance aussi. Comme le projecteur d'un film inconscient qui a souvent autant à voir avec l'autre qu'avec notre propre existence. Des parties de soi qu'on aime voir dans l'autre, parce qu'en soi, elle fissure la belle image, elle égratigne Narcisse et le miroir. 


Et la déformation de mon miroir, c'est de voir de la résilience. Cette capacité à trouver du bonheur dans ma punition, dans le contexte de ma punition au lieu de continuer de me battre ou de me révolter. Que faire avec cette situation désespérée ou plate, que viendra-t-il au bout de l'ennui ou cet anomalie du réel imaginé par la NORME.


Comme éducateur, cette expérience fictive est une grande source d'inspiration pour l'action que j'ai souvent à mener au milieu des autres pour créer l'événement éducatif ou la situation significative où l'on sent un certain courant qui passe avec les gens qu'on a sous notre responsabilité dans le rôle que l'on a choisi de jouer pour gagner sa vie, pour faire aussi du sens dans son existence. Le prix: certain jour le courant ne passe pas, certain jour je me souviens de ATLAS et je me retire. Je m'accorde cela. Et je fais confiance, j'en suis toujours revenu  tellement de fois et je m'imagine que d'autres en reviennent.

Une chose est sûre, personne ne sauvera personne. Au mieux, on s'entraide un peu à avancer ensemble, à vivre ce quotidien incertain dans le court intervalle que sont nos vies, à vibrer dans l'expérience qu'on aime reproduire ou dans celle qui est enivrante de la nouveauté.


Non, la peine du monde ne m'appartient pas. Même si des fois, pour sortir du drame, je me grouille le cul pour créer un peu de joie autour de moi avec ceux qui en veulent. Pour au moins, moi, avoir un certain fun à communiquer et à créer des contagions. Ça n'a pas vraiment l'air tout le temps de Robin William dans La société des poètes disparus, ce conte éducatif qui anime tant de stress. C'est pourtant parfois plus simple que cela. 

Des cas perdus, des âmes en déroute encore enfants, on en croise quand on est dans ce métier. Dans mon expérience au front des chocs entre la société dominante et de l'«autochtonomie» ou «autochtonitude», il y en a peut-être plus qu'ailleurs même si ce n'est pas certain. Et des gens qui se grouillent le cul à leur manière pour chercher du sens avec ces amochés qui se cherchent une sortie de secours parfois, il  y en a aussi. Pis d'autres qui, en apparence, se le grouille un peu moins peut-être, mais ce n'est pas sûr non plus. 


De toute façon, jouer aux sauveurs ne nous sauvent pas de notre propre angoisse. Et jouer aux championnats des sauveurs non plus... 

Et pis bon, rien qu'un instant, il est bon de se souvenir que nos fictions au sujet de la réalité de l'autre peuvent ne pas exactement être la meilleure perspective sur la situation qu'on puisse avoir. Qui sait si cet apparent irresponsable n'est pas en train de trouver le chemin de sa propre régénération. S'il n'est pas en train de trouver sa voie de salut. 


Juger les gens à partir DU MODÈLE, ou de L'IDÉAL, peut être trompeur, surtout si on a oublié de se demander si LE MODÈLE ou L'IDÉAL sont si efficaces pour assurer le bonheur, ou la réalisation de soi, ou enfin le sens qui en fait pour une vie.


On a perdu la gouverne des âmes et du sens prescrit pour tous une fois par semaine dans la grande maison de cette déité si connue dans notre monde. Les marchands depuis en profitent à coup de TIC et de TAC ou de TACTIC pour nous faire voir la vie en rose, comme de s'acheter des hélicos miniatures pour tenter d'amuser l'enfant en soi un peu pourtant tanné des bébelles dont on se tanne!


Dans le monde de l'Instant tanné, il y a pourtant dans l'ombre, l'Enthousiasme qui sommeille et qui attend son heure... Et juste pour cet instant de grâce, personne ne voudrait revenir à la Parole qui peint le Parfait.


En somme, quand on prend un certain recul, on arrête l'action, ou quand on le survole, il peut apparaître la perspective et finalement il devient possible d'apercevoir le miracle de la vie qui fait son chemin malgré tout à chaque instant... Et on a le choix de s'ouvrir à cette perspective ou de gémir un bon coup avant que ça passe. Car, aussi incroyable que cela puisse paraître, globalement, ça passe toujours.

lundi 13 décembre 2010

Quand on utilise les bonnes données pour intervenir...

Dernièrement, un article a attiré mon attention dans le tintamarre de PISA toute garnie de l'Haussé Déus. Il y est question d'une explication sur les meilleurs résultats de l'Ontario au Pisa que le Québec. Là-bas, depuis 2003, on intervient de façon musclé sur un des indicateurs connus de la réussite scolaire depuis longtemps dans le monde de la recherche en éducation: la lecture. Vous irez lire, c'est assez intéressant: en gros, on met le paquet pour intervenir au niveau des matières de base très tôt, dès la maternelle et notamment en lecture. Et l'intervention a un impact non seulement sur le classement au Pisa, mais sur une amélioration sensible de tous les indicateurs de réussite et sur le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires qui a augmenté de 11% en 5 ans là-bas. 


Comme quoi, quand on se donne les moyens, on peut intervenir dans des directions très connues où l'on sait que ça va marcher. 


Je me demande pourquoi au Québec, on a fait juste la moitié du chemin. On a mis des épreuves nationales en 5e année en français, en 2e secondaire qu'on passe pour analyser le progrès des jeunes, mais qu'a-t-on fait par la suite? On a mis de l'argent pour intervenir en milieu défavorisé montréalais, mais qu'a-t-on fait ailleurs? Un gros rien. Aux dernières nouvelles, on a encore trop de jeunes au secondaire qui ne savent pas vraiment lire et franchement, on n'a pas à chercher bien plus loin les raisons du décrochage. 


Bon, évidemment, le lobby des sciences de l'éducation craint pour son steak. Ainsi, la «professeure au département des sciences de l'éducation à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Louise Lafortune croit que même si l'Ontario a obtenu de bons résultats au PISA, le Québec ne devrait aucunement tout mettre en oeuvre pour l'imiter. Selon elle, les résultats du Québec sont tout à fait louables.» (toujours dans cet article)

«Ça fait 10 ans qu'on tape sur le système de l'éducation québécois. Mais on est parmi les meilleurs au monde! Pourquoi ne pas regarder nos bons coups?» demande-t-elle.

En 2000, Madame Lafortune, le Québec était encore plus en avant dans le peloton de tête. Il y a vingt ans, nous l'aurions été si ce genre de test aurait existé. A regarder la constance des résultats, on a du mal à ne pas voir un certain biais culturel dans ces résultats. Les résultats au PISA dans l'ensemble du Canada sont en plus assez semblables. On voit bien plus un effet Canada dans ses résultats que celui des réformes des dix dernières années parce que ce test n'évalue qu'un aspect fort limité des enjeux de l'éducation.

Par contre, Madame Lafortune, le programme en Ontario avait une cible et il semble l'atteindre après 7 ans d'interventions concertées pour accroître la réussite des jeunes et je comprends mal que vous ne vous intéressiez pas, ne serait qu'un tantinet à la chose, quand on connait la réalité du décrochage scolaire au Québec et les études sérieuses hautement documentées démontrant l'impact de la lecture sur la réussite scolaire que l'Ontario vient en plus de démontrer par un mise en application pratique de cette connaissance.

Non, certains professeurs des sciences de l'éducation préfèrent la prospérité de leur département à la réussite scolaire. Mettre l'accent sur les matières de base comme on l'a fait en Ontario et parvenir à des résultats est une réfutation manifeste des idées de la réforme qu'on a implantée au Québec qui prétend qu'on doit plonger les jeunes dans des projets complexes pour leur faire développer la maîtrise des compétences de bases. Évidemment, ne restons pas dans ce genre de réflexions trop longtemps, cela pourrait nuire à la fortune de certains... Les départements des sciences de l'éducation s'en tapent comme dans l'an quarante de ce genre de réussite et c'est pour le moins suspect. L'important, pour eux, comme on les voit bêler en coeur, ces derniers temps, c'est d'intervenir avec des spécialistes, des orthos, des «patchs», des conseillers pédagogiques, des hyperspécialistes en pédagogie, des conseillers en TICE, que leur département vont former (endoctriner en fait ) pour la prospérité de leur pouvoir sur le monde de l'éducation. Même si c'est inefficace et contraire au bon sens et aux conclusions de recherche.

S'il fallait réussir à vraiment faire décoller la réussite de nos jeunes, comment ferait-on tourner les départements des sciences de l'éducation qui cherchent sans trouver depuis longtemps à même les fonds publics et les subventions généreuses des compagnies de patentes informatiques qui s'occupent de leur marché?

Tous les gens que je connais qui suivent actuellement des études en éducation, au bac, à la maîtrise, discutent sans fin dans leur travaux de textes portant sur des approches théoriques en pédagogie qui sont des décalqués ou à peu près de celles de la psychologie théorique (behaviorisme, cognitivisme, constructivisme et leurs justificatifs) pour une prise de tête inutile à monter sur des powerpoints, des diagrammes à bulles qui donnent un semblant d'intelligence à une potion magique imbuvable et même inappropriée aux enjeux de l'éducation sur le terrain. Tout cela, au lieu de réfléchir à ce que des résultats de recherche très précis nous indiquent au sujet de la direction à prendre pour atteindre des objectifs de scolarisation efficace de nos jeunes.

En 1993, avant le bac de 4 ans en éducation, mon superviseur de stage, un fameux formateur me parlait de ces recherches sur les enseignants efficaces: sur les points communs dans leur pratique qui faisaient que les élèves apprenaient vraiment. Toute ma carrière, j'ai été étonné de ne voir l'écho de ces éclairages fascinants que dans des livres marginalisés par la clique du ministère et des sciences de l'éducation.

Plus j'avance dans ma réflexion en éducation, plus je me dis que des  gens ont intérêt à ce que rien n'aille trop bien dans les écoles, ils ont leurs solutions à vendre.

Heureusement, pour nous, le luxe de tourner en rond, que nous nous sommes payés pendant une période prospère de nos sociétés, tire à sa fin. A voir, les institutions gratter les fond de tiroirs ici et là pour garder le navire à flot, on risque d'être bientôt forcé de regarder la réalité en face et d'éliminer ces parasites de l'activité éducative, tout comme on devra pour survivre éliminer ces spéculateurs qui parasitent l'économie mondiale au point de tuer son hôte.

samedi 11 décembre 2010

PISA ou être dans le peloton de tête de la production de pas trop nuls pour les petits boulots...

Quand j'ai lu les résultats aux tests PISA et les réactions qu'ils ont suscitées, je me suis demandé pourquoi des tests internationaux semblent invalider 15 ans d'observations de terrain à sentir franchement une dégradation dans la capacité de l'école à faire apprendre une matière scolaire d'une façon un tant soit peu consistante. Comment, dans le bordel régulier des classes, où l'on doit tenter de passer à des élèves qui n'ont pas les préalables un programme trop ambitieux souvent juste inapproprié, peut-on tout de même se démarquer dans des études internationales? Comment un système qui envoient plus de 50% des effectifs qui passent aux études post-secondaires dans des cours de rattrapage en français peut franchement croire qu'il fait le boulot pour lequel il est prévu?

Certains ont parlé de l'échantillonnage au Québec qui n'a réussi qu'à obtenir que 69% de répondants, ce qui pose certaines questions au sujet d'un biais probable dû à l'impact de sujets volontaires sur l'ensemble des données. En effet, au niveau de l'interprétation, on ne pourra pas ne pas discuter de la possibilité que certains sujets ne veuillent pas compléter un test qu'ils ne croit pas capable de faire. Enfin, comme le souligne Prof Masqué dans son dernier et excellent billet, si on met dans la balance les décrocheurs, nos résultats pourraient être assez dopés.

Mais  bon, c'est en France où on n'a pas obtenu des résultats qui satisfont qu'on finit par comprendre un peu mieux ce show de boucane un peu ésotérique de l'OCDE qui s'appelle PISA. Je vous invite à lire cette analyse de Nico Hirtt.

D'abord, Hirtt discute la nature des résultats: pourquoi parler de 529 points ou 479 points? 12 points de recul veulent dire quoi au juste? Au Québec, personne ne s'est proposée pour remettre ses scores en perspective. Les PISA sont des moyennes de tests où l'on peut faire 1000 points au maximum. Remis en  pourcentage, le Québec obtient 52,2 % en lecture de moyenne comparé avec d'autres provinces qui ont à peine un peu plus de 53% de moyenne. 12 points de recul est baisser de 1,2% de moyenne depuis 2000. Quand on regarde la distribution des données, on trouvera que près de la moitié des élèves ont un niveau tout juste minimal en lecture pour participer «à la vie productive», «dans un monde mondialisé», ce que prétend mesurer ce test:

«Il y a dix ans, l’OCDE a donc lancé l’initiative PISA, dans le double but d’encadrer et d’encourager la réforme de l’enseignement dans ce sens. PISA c’est une batterie de tests standardisés qui mesurent à quel point les élèves de 15 ans ont atteint ces compétences de base et rien d’autre. Comme l’explique clairement le rapport que vient de publier l’unité de l’Université de Liège, qui coordonne l’étude PISA en Communauté française : « La question est moins de savoir ce que les élèves de telle année peuvent faire, mais bien comment les élèves de 15 ans sont préparés à entrer dans la vie adulte. C’est pour cette raison que PISA évalue la culture mathématique ou scientifique, et pas les mathématiques ou les sciences. Ce qui pourrait sembler être un détail terminologique traduit la volonté de l’OCDE de voir si la culture des jeunes en mathématiques et sciences est suffisante par rapport aux demandes des sociétés industrialisées ». En langue maternelle, par exemple, on n’évalue ni les techniques de base, ni l’orthographe, ni la vitesse de lecture, ni la maîtrise d’un vaste vocabulaire, ni bien sûr le plaisir que l’on prend à lire, ni la qualité de ce qu’on lit, ni l’imagination dont on fait preuve dans la rédaction d’un texte... mais principalement la capacité de comprendre un texte dans un contexte directement opérationnel. Car c’est cela qui est demandé par les marchés du travail, particulièrement dans les emplois à faible niveau de qualification.»

Quand on comprend ce que mesure PISA, ce test tout sérieux qu'il soit, on se demande si mesurer des minimas de débrouillardises pour une adaptation au milieu du travail sans grande qualification à l'échelle internationale pour comparer des systèmes scolaires a une quelconque signification dans la perception de la qualité de notre système scolaire. Un système scolaire a d'autres enjeux à s'occuper: socialisation, instruction, préparation à des études post-secondaires, préparation à des formations professionnelles beaucoup plus poussées, transmettre des connaissances sur le monde pour participer comme citoyen aux débats publics,etc.

Être dans les meilleurs à comprendre les minimums de la «culture» des math ou des sciences requis pour être vendeur, je ne sais pas, vous, mais moi j'attends un peu plus du système scolaire.

Le problème de  PISA est de mesurer une seule finalité de l'école, alors que tous système scolaire en vise bien davantage. Ce n'est qu'une mesure parmi bien d'autres qui nous disent souvent tout à fait autre chose. Et c'est justement dans sa manière de se structurer pour rester compétente dans l'atteinte de ces finalités que nos critiques se déploient notamment concernant cette réforme et la concomitante intégration des élèves en difficulté à la classe ordinaire. Si notre but est de former des ignares fonctionnels en emploi, évidemment PISA a de quoi conforter! Car Pisa n'évalue que ça: la productivité du futur employé dans le monde mondialisé. Pas trop besoin de comprendre le monde pour ça... Même qu'avec la mobilité docile (et consommatrice) de la main d'oeuvre qu'on souhaite, il y a de quoi se méfier d'une étude qui est orchestrée par un organisme voué à la promotion du capitalisme mondial  et qui est devenue la bible pour juger les systèmes éducatifs depuis 10 ans. 

Bref, on peut être fier: avec 52,2% de moyenne dans les premiers au monde, après un biais d'échantillonnage, en lecture de textes fonctionnels, une bonne partie de nos jeunes  pourront peut-être lire les commentateurs des médias et avoir juste assez de culture mathématique pour comprendre que nous sommes dans le peloton de tête des systèmes scolaires et faire que le business des sociétés informatiques et l'expansion des facultés des sciences de l'éducation continuent de prospérer dans le meilleur des mondes.  Un bémol dans cette apothéose des auto-congratulations, comme l'a bien souligné Prof Masqué hier, après 10 ans d'école des compétences, les élèves actuels seraient devancés par ceux de 2000 éduqués dans les «méthodes d'arriérés» qu'on pratiquait dans les années 90 et avant.




samedi 4 décembre 2010

Apprendre à résumer

Il y a deux semaines, j'ai fait le projet de faire pratiquer un résumé de 15 lignes à mes jeunes de 3e secondaire.

Le texte à résumer comptait 4 bonnes pages de texte: un chapitre de roman. J'envisage d'aborder avec eux un peu la manière de s'y prendre: segmenter le texte en ses parties importantes, repérer en surlignant les éléments essentiels du chapitre. Rédiger le résumé avec des phrases courtes et claires. Puis je prévois aussi rappeler les éléments du schéma narratif qu'on leur répète année après année et qui constitue, je dirais, la structure la plus simple pour saisir l'important de l'accessoire dans un texte narratif. Puis, bref, je leur pointe un texte où faire l'exercice.


Ben, ça n'a pas été de la tarte!


Pourtant, l'extrait d'une vingtaine de paragraphes n'était pas d'une complexité fabuleuse. Huit paragraphes présentent le contexte: un petit village dans les années 50 où on installe une patinoire municipale pour la première fois par un hiver mordant, puis un personnage féminin tente de faire apprendre à patiner son ami, un Français râleur, avec trois moments: avant, pendant, après. Assez simple quoi.

Ben, les filles, je n'ai que des filles dans ce groupe, n'avaient encore jamais fait de résumés. Bref, on a fini par lire le texte ensemble, faire les questions, puis j'ai dû passer en revue les 20 paragraphes avec elles  pour en extraire les idées principales, discuter de ce qui était essentiel, de ce qui l'était moins et enfin, elles ont pu se mettre à écrire quelque chose qui ressemblait à un bon résumé. Puis, avec chacune, je dois prendre le 25 lignes débordantes qui ont été produites et discuter de ce qui pourrait être reformulé, des détails qui pourraient être coupés pour garder l'essentiel à une compréhension globale du chapitre.


Heille, toute une aventure!



Depuis le début de l'année, j'essaie souvent de faire extraire les idées principales des paragraphes à mes élèves de deuxième cycle dans des textes courants. Et, franchement, ce n'est pas une mince affaire. Dans les trois niveaux, ils s'accrochent à des détails, arrivent rarement à avoir une vue d'ensemble. Reformuler pour eux-mêmes la compréhension du paragraphe en un petit titre semble tenir d'une magie dont ils n'ont pas la science. 


J'ai suggéré avant-hier à ma collègue du premier cycle de commencer un peu à les initier au résumé et j'ai trouvé intéressante sa réponse: «Je pense leur faire faire le résumé du livre qu'ils sont en train de lire».  J'avais exactement le même projet cette étape-ci avec les miens. 


Je lui ai expliqué toute la peine qu'a représenté ce petit 15 lignes et on a convenu que, peut-être, on assume trop souvent que nos élèves savent résumer. On se contente souvent en guise de stratégie de leur demander de résumer les chapitres par 2-3 phrases pour pouvoir en fin de parcours résumer l'ensemble. Bien, franchement, après mon expérience, je me demande si on prend vraiment au sérieux l'enseignement du résumé, si on mesure la complexité de l'acte de synthèse qui est requis dans ce genre de production devenue banale pour quiconque est passé par le cégep et l'université.


Enfin, je me propose à l'avenir de faire faire cet exercice plus souvent. Je considère la capacité de faire un bon résumé comme un outil assez important dans la suite des études d'un jeune. On a toujours plus tendance à leur faire produire des textes où ils doivent communiquer des informations en respectant une certaine structure, rarement on s'attache à développer au préalable l'extraction juste des informations qu'ils récoltent. On s'étonne après de voir de nombreuses informations importantes sur le sujet manquer dans les productions finales.

vendredi 3 décembre 2010

Élargir les perspectives avec l'enseignement du texte argumentatif

Depuis deux semaines, je commence vraiment à m'amuser dans cette année scolaire où j'ai le privilège de jouer le prof complet et non celui qui passe deux mois à combler le vide laissé par un enseignant qui prend congé. Privilège oui, après cette longue traversée du désert de la précarité, c'est bien d'enfin pouvoir mener les choses à ma façon et de dépasser enfin le stade des conflits d'adaptation pour développer enfin une histoire pédagogique. Dire que j'avais connu ça dès le départ au début de ma carrière pendant 2-3 ans. Enfin, indéniablement, me retrouver au secondaire les mains libres, côté pédagogique, est franchement plus intéressant que mon année en éducation aux adultes où le manuel se chargeait trop et maladroitement de tout. 

C'est aussi, une responsabilité. L'avantage de la précarité, car il y en a, c'est qu'on n' a pas à assumer la durée. Dans une année, on ne peut pas compter sur l'adrénaline du remplaçant. On doit rester en équilibre et c'est une fameuse discipline à respecter. Enfin, le beau de l'histoire, c'est que, dans le 3e et 4e mois, commence à se tisser dans la relation pédagogique la confiance qui permet le développement d'une influence qui monte d'un cran.


C'est dans ce contexte que je retrouve à mon programme un aspect de la matière qui m'a mené à ce métier: enseigner l'art d'argumenter aux élèves de deuxième cycle. Je ne suis pas un grand poète, je ne suis pas tellement un bon compteur d'histoires bien que j'aime assez en lire, mais j'ai toujours eu une intérêt vif pour l'analyse, la réflexion, la compréhension des enjeux de société et aussi pour les outils de la communication qui permettent de régler des conflits, d'élargir nos perspectives. Transmettre cette passion de jeunesse qui m'a suivi toute ma vie a été probablement une des raisons majeures qui m'a attiré vers le métier d'enseignant de français.


Il y a une siècle de cela, je me souviens avoir cassé la glace avec l'enseignement de la lettre d'opinion lors de mes stages qui, à l'époque, ne duraient que 6 semaines dont 3 de prise en charge véritable. Il y a un peu plus de deux ans, j'ai aussi pu renouer avec cette matière fascinante par les éclosions qu'elle produit dans la maturation de nombreux élèves. 


C'est connu, les ados aiment bien donner leurs opinions. C'est un vecteur d'affirmation assez important à leur âge. Ils découvrent que donner son opinion déclenche des réactions dans leur entourage. Ils se positionnent petit à petit face au monde, s'identifient à des groupes et se donnent une place dans leur petit monde en affirmant leurs valeurs.


Évidemment, au début, leurs essais sont assez sommaires, ils répètent souvent ce que des adultes ou des amis affirment sans franchement entrevoir les perspectives adverses et leurs raisons. Ils le font avec beaucoup d'émotions et aussi en prenant bien des raccourcis. 


Bref, introduire les notions d'arguments, de raisons qui appuient un point de vue, de preuves qui les soutiennent, de contre-thèses, de contre-arguments à réfuter les place devant une perspective plus vaste qui les sort de leur tendance à simplifier.


Il y a quelque chose de magique à observer quand un jeune, après avoir exprimé un jugement que l'humeur du moment face à un événement désagréable a suscité en lui, se fait demander: «c'est quoi tes arguments?» Soudain, il s'arrête un moment capté par une réflexion qui naît en lui. On sent se déployer en lui une recherche inattendue dans une contrée nouvelle qui s'ouvre à lui: le raisonnement. Intéressante aussi est la réaction de son entourage qui attend dans ce moment suspendu de réflexion.


Soudain, le chaos habituel des interactions verbales impressionnistes devient un échange de perspectives dans un monde plus vaste où le raisonnement prend part aussi au mouvement spontanée de la vie. L'être pensant se déploie dans une réflexion sur ce qui a fait naître ce réflexe de protection, cette phrase lancée à l'auditoire pour exprimer une émotion devant une situation qu'il saisit dans une perspective limitée pour le moment. Puis, bizarrement, quand on ouvre la discussion sur une perspective nouvelle, celle de l'autre, qui l'a fait réagir, qui a la sienne propre, le jeune se met à l'écoute, il s'ouvre un peu à l'idée que le monde de l'autre a des raisons qu'il ignore. Il découvre aussi l'effet calmant d'exprimer, d'écouter, d'échanger et de comprendre.


Enfin, aborder le monde en le prenant par le bout des sujets controversés et des différentes positions qui s'y expriment permet d'entrer avec les jeunes aussi dans l'univers d'une dynamique sociétaire plus vaste. En plus, l'analyse des sujets controversés les place devant l'importance de connaître les sujets eux-mêmes. Par exemple, découvrir que des gens s'opposent à la mondialisation et que d'autres la promeuvent plonge un jeune dans un monde où se déploie la mondialisation. Tout à coup, la mondialisation est un mot qui prend du sens. Considérer les raisonnements qui soutiennent les différentes perspectives les propulsent hors d'eux-mêmes et de leur petit monde habituel pour les mettre en relation avec cette humanité qui discute, qui évolue, qui défend des valeurs contradictoires. Tout à coup, il devient possible pour eux de se voir devenir, dans les débats de société, des acteurs engagés . 
 

mercredi 1 décembre 2010

L'art d'improviser en fonction des circonstances

Hier, je suis tombé sur un blogue (Monsieur Caron, je crois) qui s'offusquait du manque de planification d'un prof qu'il remplaçait. Il écrivait qu'on lui avait appris à  toujours préparer six périodes d'avance dans le cas où il devrait s'absenter. Les planifs devraient en plus être lisibles pour un suppléant. Et à la suite de son billet, on pouvait lire toute une série d'interventions sur les pertes de temps, le droit à l'éducation des jeunes, l'horreur des activités récompenses et de l'occupationnel. Je dois dire que tout cela m'a faire sourire, moi qui est plutôt un adepte de la planif sur un bout de papier, assez à la dernière minute. Parfois, j'entre dans des cours, surtout dans les périodes de transition, et je ne suis tout simplement pas décidé sur ce que je vais faire avec les élèves.

En même temps, je vois un stagiaire passer des heures à planifier, réfléchir, anticiper, se questionner dans ses préparations avec un certain amusement. J'ai dû comme tous les autres passer par là. Au début, enseigner est tellement un acte inconcevable qui fait peur qu'on doit pour surmonter cette dernière passer beaucoup de temps en préparation. Enfin, à l'université, on doit communiquer ses préparations, en faire état. Ce milieu est celui du travail long alors que la planif au secondaire, au quotidien, est quelque chose d'assez différent. C'est plus un outil pour faire de la classe où c'est là qu'on va mettre 90% de son énergie.

Qu'y aurait-il à dire de tout cela? La première pensée qui m'a traversé a été: « Il y a la pratique et la théorie». Peut-être est-ce parce que j'ai d'abord passé trois ans dans une école à travailler avec des élèves en difficulté. J'ai l'habitude de l'adaptation scolaire. Probablement aussi, un peu parce que j'enseigne le français qui n'a pas des contenus aussi précis que dans un cours de maths ou un cours de science.


Avec le temps, j'ai appris une chose fondamentale dans mon métier. Ce n'est pas parce qu'on passe nécessairement beaucoup de temps à planifier qu'on est plus efficace en classe. Quand on arrive avec de belles séquences toutes bien pensées et minutées, il se trouve souvent, quasiment toujours, un petit drôle d'imprévu pour vous la défaire.


Bref, mes planifs ont un style très flexible. J'ai une ligne de conduite, bref, je connais mes objectifs dans les prochaines semaines. Je sélectionne des activités, chaque semaine, variées. Je passe plus de temps à trouver de bonnes activités, de bons exercices. Puis,  je demeure en mode écoute de mes groupes car, avec le temps, on apprend à utiliser l'état d'esprit du milieu, des élèves, de la journée pour passer des activités appropriées. Bref, la planif d'une période se conclut souvent dans les 5 minutes avant le cours et les 5 premières minutes de ce cours dans la «jasette» de départ. Parfois, même elle se décide dans une négociation ouverte avec les élèves.


Évidemment, ça ne se planifie pas 6 périodes d'avance ce genre de méthode de travail assez flexible pour, qui plus est, un suppléant qui ne connait pas nos élèves.



mercredi 24 novembre 2010

Tenir la barre de la décence

Prof masqué a compilé et analysé un peu quelques articles intéressants qui en disent long sur l'esprit du monde d'en haut en éducation, ceux qui n'enseignent pas bien évidemment.

La dernière trouvaille de ces beaux gardiens de l'éducation du MELS est «la convention de partenariat» qu'on va voir «métastaser» bientôt en «conventions de gestions» urgentes qui visent à augmenter le nombre de diplômés dans un avenir rapproché. On a défini ainsi fort arbitrairement des taux de réussite à atteindre. Comment s'y prend-on? Simple, on rencontre les enseignants, ces gens englués dans de vieux paradigmes dépassés, pour «les aider» à assouplir leurs exigences. On va leur faire rencontrer des conseillers pédagogiques, ces entités à la disposition des directions pour faire atteindre les objectifs en utilisant la poutine habituelle pour engluer les récalcitrants dans des raisonnements de sauce-fromage-frites.

L'ennui, c'est qu'un enseignant qui a juste une once  de conscience professionnelle, patauge avec un domaine d'enseignement, qu'il a le mandat de passer aux élèves. Or, ces dernières années, l'appareil d'en haut s'est ingénié à le distraire avec la dite poutine, généreusement produite dans les laboratoires des départements des sciences de l'éducation, des techniques simples et éprouvées de transmission de la matière à enseigner pour favoriser le deuxième des trois mandats de l'école qui sont toujours: instruire, socialiser, qualifier.

Juste comme on commençait à se soustraire des effets dopants de la poutine en reconnaissant la nécessité d'enseigner et d'évaluer les connaissances, le monde des éclairés, qui n'est jamais en reste, revient à la charge avec leur innovation la sauce de gestion. On va taper sur le troisième mandat: qualifier.

La réalité d'un enseignant consiste aussi et surtout à instruire, à mettre les élèves en situation d'apprentissage d'une ou de plusieurs matières (selon qu'on œuvre au primaire ou au secondaire), de favoriser les acquisitions, de communiquer les contenus à assimiler, de mettre les élèves dans des activités visant à les intégrer et d'évaluer ensuite (ou tout le long du processus) si ces derniers font bien les acquisitions attendues.

Or, le climat laxiste des dernières années qui déjà favorise les promotions automatiques font que des jeunes tirent du temps sur les bancs d'école sans vraiment prendre part aux activités scolaires ou enfin, en assurant un minimum de participation qui consiste à noircir de gribouillis des pages de cahier ou des feuilles mobiles sans véritablement porter en eux le projet d'apprendre quoi que ce soit. Pire, des portions appréciables de groupes se décrètent ouvertement en vacances certaines périodes et ne font pas les activités demandées par le prof.

La fonction première de l'école qui est de faire apprendre quelque chose perd peu à peu et de plus en plus son sens. Constamment, les discussions de bien des enseignants, ces dernières années, touchent justement la fonction évaluative qu'ils doivent assumer et qui permet de mesurer l'effet école. Jusqu'où doit-on assouplir nos exigences? Quand ne franchissons-nous pas une limite où l'éducation devient une véritable comédie et où l'école publique perd tout sens pour devenir une simple garderie bon marché, pratique? Quand on ramasse 14 fautes d'orthographe et autant en syntaxe et ponctuation dans un texte de 200 mots produit par un élève qui a réussi à se trouver en 4e année du secondaire, on se demande jusqu'où on peut assouplir les exigences. Et est-il décent de lui donner la note de passage, alors que son texte, parsemé d'écarts de vocabulaire, atteint tout juste en terme de cohérence et de structuration un minimum? En prime, le jeune ne va pas du tout s'intéresser à ses fautes pour les corriger dans l'avenir. Il s'en fout.

La double contrainte

D'un côté, le MElS fixent des balises déjà généreuses en terme d'évaluation à ses examens que nous utilisons comme repères dans la tâche d'évaluer la valeur des productions des jeunes. De l'autre, ils fait des conventions de partenariats qui amènent les enseignants à assouplir leurs critères pour atteindre des seuils de réussite. L'enseignant, placé devant ces deux exigences contradictoires, ne sait plus à quel saint se vouer. C'est ce qu'on appelle en psychologie une double contrainte. On sait aussi que ces situations sécrètent des pathologies particulières dont le symptôme commun est la psychose.

L'autre solution serait d'avoir une baguette magique un peu comme dans Harry Potter et de pouvoir ensorceler les jeunes pour qu'ils se mettent enfin à faire leur part, à se mettre en projet d'apprendre...

Mais apprendre quelque chose ne rime plus à rien dans une école où l'on apprend à apprendre. On passe justement tellement de temps à apprendre une chose que naguère on faisait sans franchement l'apprendre. On faisait ce que disait le prof et ça venait tout seul!

samedi 20 novembre 2010

Paresses contemporaines ou travailler sans base

La première étape s’achève et avec les quelques petits examens, on peut constater le résultat de notre travail. Parfois, c’est décevant. Mais généralement, c’est sans surprise. On voit ce qui entre et ce qui n’est pas entré.

J’ai deux groupes qui avancent bien, lentement, mais sûrement. De grandes difficultés en lecture, mais de belles forces en écriture. Une certaine capacité d’apprendre les bases de la grammaire. J’ai confiance de les mener un peu plus loin. Avec celui de sec 3, j’ai trois ans. Celui de 5, on entrera dans les urgences pratiques bientôt : l’argumentatif. Par contre, le troisième groupe n’a pas vraiment le projet d’apprendre, il est plus occupé à bouffonner, à attendre qu’on mastique tout pour eux, qu’on lui dise les réponses : les jeunes veulent remplir leurs cahiers de bonnes réponses. Point. Ils ont du mal à saisir la notion qu’une idée se formule de différentes façons. Inutile de dire que le sillon ne se fait pas sur le disque dur trop trop.

En math

Je regarde ce groupe plein d’énergie. Il n’est pas dans le projet d’apprendre, d’acquérir. Une rencontre hier avec les collègues  des cours de math et d’anglais m’a permis de constater que c’était pire pour eux dans les deux autres matières de base. Le prof de math était un peu découragé qu’aucun  des élèves n’ait repéré dans un développement algébrique l’erreur simple d’un élève fictif qui a interverti ses données x et y. Je lui ai dit que, selon moi, ce n’est pas trop étonnant. J’ai  fait une suppléance avec eux un jour pour me rendre compte qu’ils n’avaient pas en eux les bases de connaissance de la résolution d’équation. Il faut leur rappeler tout au fur et à mesure : isoler la variable, utiliser le produit croisé, bouger des termes algébrique, savoir que f(x) est le y, l’ordre des manipulations. La relation entre le graphique, la table de valeur et l’équation est «valsante» en eux. Ils ne sont pas capables de faire une résolution, mais ils peuvent probablement pitonner le tout dans une calculatrice graphique, ce que je ne sais pas faire. Encore que j’aimerais bien les y voir faire!

Alors comment pouvoir repérer une erreur dans le développement algébrique?

C’est un territoire plein de mystères pour eux. Ils ne connaissent rien à ce monde. Comment suivre un raisonnement pour en évaluer la justesse quand on peine à faire ce raisonnement nous-mêmes.

Les démonstrations sur le TBI n’y changent pas grand-chose. Ils sont tranquilles, mais ils demeurent passifs, les maths ne coulent pas en eux. Ils demeurent dépendants de l’animateur, on fait quoi après? A chaque geste.

J’étais comme d’habitude sidéré par la progression des exercices des manuels qui, à chaque question, compliquent. Comment faire apprendre dans une telle instabilité cognitive? Je me le demande encore. Toujours la même poutine depuis le programme de 1994. C’était des exercices à présenter après la maîtrise des bases à mon sens, en fin de parcours. 

Tout le système s’entête à vouloir les voir raisonner. Avant le temps propice.

Ils n’ont pas ce qu’il faut. 

On ne peut pas raisonner un problème sans avoir une certaine conception stable des sous-jacents. 

Et on s’étonne de les voir raisonner comme des idiots ou de s’immobiliser,  inertes. Essayer de résoudre un problème mécanique sur une voiture sans avoir une certaine conception de ce qu’est un moteur est pratiquement impossible.

Platement, je trouve qu’il faut retravailler les bases, que j’ai suggéré, qu’il faut sortir du manuel. Revenir aux séries, leur faire faire les bases. Ils raisonneront plus tard dans l’année ou plus tard dans leur parcours. Il faut sortir du cycle des fatalités…

J’ai été étonné de sa réponse : «Quand je suis arrivé ici, je voulais faire des contrôles réguliers, les élèves refusaient de les faire…»  Bon, on travaille dans une réserve avec des jeunes assez gâtés pourris et sans aucune sécurité d’emploi, c’est une donnée. Évidemment que, dans ce contexte, on se retrouve avec des surprises aux examens d’étapes. Et probablement, du camouflage de l’hécatombe, pour ne pas trop mal paraître. Évidemment aussi, à force de camoufler, les problèmes grossissent. Bon, je suggèrerais le retour au «tout compte» ce qui permet de trier et de passer des contrôles sans trop le dire.

Retravailler les bases. Mes collègues ne le voient pas toujours. Quand j’avais parlé à mon collègue de mes observations, il avait éludé la question en disant que les élèves devraient savoir. Mais ils ne savent pas. Il croit qu’en montrant et redémontrant à bien raisonner, les élèves devraient comprendre. Or, il faut faire faire. Et faire faire ce qui est trop compliqué, quand les bases n’y sont pas, est une pure perte de temps.. On constate l’inertie, juste de l’inertie mentale.

En français, j’ai constaté vite que les bases n’y étaient pas. Comment aborder les subtilités de la phrase
complexe qui est l’objet de maîtrise du 2e cycle du secondaire avec cette méconnaissance globale?
Juste faire séparer des phrases syntaxiques dont ils ne connaissaient même pas le nom a été un défi. Et ce n’est pas gagné. Ils ne distinguaient rien dans l’amas de mots. Sec 3, 4, 5, idem.

Comme je l’ai dis ailleurs, souvent la grammaire ne s’enseigne plus. On essaye un manuel, on s’enlise, on patauge puis on lâche prise. Pis on fait des grosses SAE (lecture, écriture) qui durent des semaines pour finir par les occuper à bricoler avec notre soutien  des textes, en les laissant copier des passages. On leur montre des trucs pour ramasser leurs fautes. Jamais ils n’accèdent à la compréhension du fonctionnement de la langue vraiment. On évalue tout ça. Et on recommence et on espère qu’ils apprennent quelque chose dans tout ça.

En fait, en leur demande de raisonner avant la maturité des connaissances sous-jacentes, on leur montre à rester dépendants et ils ne maîtrisent jamais rien. Et en bout de ligne, une immense paresse les envahie.

Pour moi, la «déséducation» n’est rien de moins que cela.

lundi 8 novembre 2010

La minuscule lucarne de l'apprentissage

Il eut des temps où l'enseignant enseignait sans trop se faire du souci. N'était-il pas d'ailleurs un professeur dans l'esprit de tous et à ses propres yeux? A cette époque révolue, il y avait un large consensus: certains avaient du talent pour les études et d'autres non. On ne s'acharnait pas, on ne s'abaissait pas à rogner sur la qualité et le niveau. On sentait l'effort chez ceux qui voulaient apprendre ou se sortir de leur misère par une éducation. Les autres, on les renvoyait poliment à d'autres tâches que celles qu'une éducation destinait. L'apprenant, alors étudiant ou élève, peinait, questionnait son maître, vivait avec un certain stress d'apprendre. Dans cet éveil attentif, le maître pouvait aisément imaginer poétiquement une grande fenêtre ouverte dans la tête de l'élève où pouvait entrer la connaissance à transmettre.

Les temps ont bien changé. On a démocratisé. Aujourd'hui, on peine à rêver d'une probable minuscule lucarne par où faire entrer une mince étincelle de savoir. Dans le bruit et la distraction, devenus ambiance et atmosphère, qui n'ont franchement rien de propice aux apprentissages, dans la répétitive réalité de l'inattention collective dans une classe hétérogène et «dysfonctionnelle»,  on se prend parfois à rêver de retrouver devant soi une intelligence aux aguets, réceptive comme s'il y allait de sa survie. Mais bon, quand l'enseignant entend un jeune à la pause se vanter qu'il est le seul à n'avoir pas «fumé» cet après-midi, il se dit que finalement il peine pour n'être de fait qu'un pauvre figurant dans une piètre comédie. Les compléments du verbe n'ont pas pu se faire un chemin vers cette mémoire troublée par mille détails sûrement fascinants, la lucarne insignifiante était désespérément close.


Et l'on veut garder nos figurants obligatoirement jusqu'à 18 ans?

mardi 2 novembre 2010

EHDAA: La grande diversion

Line Beauchamp et sa gang ont trouvé l'astuce pour noyer le poisson et tout le beau monde se laisse bourrer avec leur belle diversion.


Pelleter le problème de l'intégration des élèves en difficulté au privé et dans les écoles de douance! Wow! fascinant cette inventivité! Pour une fois, je suis assez d'accord avec la Bombardier qui s'offusquait en fin de semaine, est-ce la seule?

Le premier commentaire en file de son article est assez explicite en ce qui concerne l'idéologie derrière la justification de la démolition des classes homogénéisées en fonction des besoins et du nivellement par le bas: l'école reproduirait les classes sociales en créant par l'évaluation scolaire une acceptation de l'ordre social. En ce qui me concerne, l'alternative encourage le crétinisme global, la décadence et le renforcement des positions d'une classe «hyperfavorisée», mais bon on ne semble pas trop s'en soucier chez ces idéalistes à courte vue. 

Le pire, c'est que les syndicats emboîtent le pas à pareille connerie.

On mêle tout. Encore une fois.

De toute façon, cette histoire a toujours été une histoire de gros sous et d'une loi qu'on a modifiée en 1989 pour imposer à l'école et à tous ceux qui y voyait le lieu normal pour recevoir une instruction, une vision des «éducs» rose bonbon.

Depuis, nous sommes tous cadenassés dans une vision tordue qui laisse peu de place à l'efficacité de l'instruction au milieu des objectifs d'éducation dont on a fait passer les responsabilités des parents aux enseignants. Depuis, le plus beau métier du monde est devenu un simulacre et un enfer chaotique au quotidien, malgré ce que les jovialistes angéliques en diront. D'année en année, la situation se déglingue complètement dans la non-éducation ou la déséducation collective. Parce que l'éducation ne se fait pas sans une présence persistante et significative et l'instruction n'a aucune chance sans un minimum de préalables éducatifs.

Pour les dirigeants issus des classes favorisées, il est clair que la facture de l'éducation et celle de l'intégration des handicapés des classes populaires étaient faramineuses et permettaient moins de détourner au profit de leurs affaires les sommes colossales que le peuple consent à verser en impôts divers. Alors, on a tout mis ensemble! En plus, le peuple dans ces conditions ne sera plus instruit. Ce qui permet d'instaurer un chaos social propice aux grandes manipulations, de finalement tuer par suffocation les forces qui résistent aux pouvoirs de la grande clique.

Je me rappelle juste que j'ai pu faire des études et m'instruire à une époque qui permettait encore aux élèves issus de milieux moins nantis avec une certaine motivation de faire leur chemin dans le système pour se développer et migrer socialement. Malgré les grandes gueules qui vocifèrent contre les syndicats, cette école accessible à tous a vu le jour dans la suite de 50 ans de syndicalisation qui a permis à une classe défavorisée majoritaire de se tailler une place assez confortable dans une nouvelle classe moyenne. Aujourd'hui, qui peut se rappeler dans le bruit de la «déséducation» collective que les salaires ont été multipliés pratiquement par 10 des années 50 aux années 80.


Mais, pour ces nantis, ce ne sera pas suffisant, maintenant les classes moyennes consentent à se saigner pour l'éducation de leurs enfants en les plaçant au privé.

Bientôt, les gens perdront leur motivation, parce qu'on va réussir à mettre le même bordel dans le réseau privé et ils redeviendront de bons consommateurs pour acheter la story of stoff et faire tourner l'économie qui en a bien besoin.

Et les nantis, qui en ont les moyens, auront leur école privée non subventionnée, passerelle en plus.

L'ignorance, c'est la liberté, scandait  Big Brother. On s'en approche toujours un peu plus.






mardi 19 octobre 2010

Paradigmanalyse: thérapies éducatives de l'avenir!

- Faut que tu changes, Jo!
- Comment ça?
- Ben, t'es rempli de paradigmes et ce n'est pas bon.
- Tu déconnes, Livingston?
- Ben non, pas du tout, t'es rempli de façons de voir, de valeurs, de pensées désuètes?
- Moi?
- Ben oui Jo, tu n'en es pas conscient, mais tu es plein de préjugés.
- Wow Livingston, tu commences à me faire peur!
- C'est le but!
- Où est-ce que tu as appris cela?
- A l'université.
- Ils veulent qu'on change?
- Oui et, pour cela, il faut que tu prennes conscience de tes paradigmes parce qu'ils sont souvent inconscients.
- C'est une nouvelle forme de psychanalyse, Livingston?
- En quelque sorte, mais ici il s'agit d'ébranler tes paradigmes, c'est de la paradigmanalyse
- Je ne comprends pas trop la différence.
- Ben, c'est simple, quand tu vas en psychanalyse, généralement, tu ne vas pas trop bien, tu es déjà ébranlé par la vie et tu cherches à comprendre ton inconscient, pour changer ta manière de voir et rebondir dans ta vie.
- Ok, je vois et la paradigmanamachin?
- Elle, c'est différent, tu vas pas trop mal ni trop bien, c'est ça le problème. Mais quelqu'un veut que tu changes. Alors il va s'employer à ébranler tes paradigmes, tes convictions en fait, mais il va toujours utiliser le mot paradigme qui fait étrange et, en plus, t'es pas trop sûr du sens de ce mot-là, fait qu'il en profite pour te balloter dans tous les sens avec.
Il va te donner plein d'exemples de situation où les humains se sont plantés dans leur vision du monde pour te suggérer que toi aussi tu peux sans le savoir te planter. Il va te montrer que nous sommes pris dans des habitudes. Et que ces habitudes ne sont pas toujours adaptées. Il ne t'apprendra rien, mais tu vas être captivé par sa démonstration que l'homme est un indécrottable habitué des préjugés. Il te parlera de Copernic et de Galilée, de la vache folle et des réflexes de protections exagérés de l'humain. Des petits vieux qui ne savent pas ajuster une montre digitale ou un lecteur vidéo parce qu'ils ne connaissent pas le nouveau paradigme des boutons. Tout est bon, et les croyances irrationnelles dans le cours de l'histoire ne manquent pas.
- Le paradigme est aussi une manière de faire?
- Tout est paradigme, mon pot, selon eux.
- Ok, je commence à comprendre, Livingston. Mais je me demande où ça mène?
- Ben, à un petit glissement, généralement vers l'avenir. Les exemples du passé sont là pour préparer le futur, mon ami.
- Le futur?
- Ben oui, le futur est un changement qui s'en vient. C'est évident que, dans le futur, les choses vont changer. T'es d'accord?
- C'est évident.
- Et un futur qui change, sais-tu comment ça s'appelle, mon Jo?
- Je sens que tu vas me l'apprendre!
- Tiens toi bien: un futur qui change est une vision de l'avenir.
- Wow, c'est excitant ça, Livingston!
- C'est en plein le but, mon Jo, faut t'exciter avec la vision de l'avenir qui est belle, belle, belle et aussi plein de bébelles nouvelles.
- Mais où est donc le problème et pourquoi une paradigmanamachin?
- Paradigmanalyse, Jo, ne déformes pas tout. Ce sont tes vieux paradigmes d'impatience qui agissent sans que tu le saches.
- Ok, ok. Paradigmanalyse. Chu pas con, là. Mais je ne vois toujours pas le problème.
- Mais c'est simple, mon vieux, tu dois te préparer pour la vision. Tu dois changer ta manière de faire les choses.
 Tu vas résister au changement, c'est statistique, et c'est là ton problème.
- T'es sûr de ça, Livingston?
- Ils le disent à l'université, fait que... Et là, la paradigmanalyse commence vraiment: on t'explique ce que tu dois faire dorénavant et, à chaque fois qu'un malencontreux mais ou une objection se dessine en toi, on va te faire remarquer tes paradigmes inconscients.
- Astucieux, je dois dire.
- En fait, quand tu réagis, tu confrontes tes expériences de vie avec la nouvelle façon de faire. Et vu que c'est de l'inconnu,  tu te remplis de doute, et ce n'est pas trop sain pour la vision de l'avenir, tu comprends?
- Mais si ce n'est pas ma vision de l'avenir, Livingston, je vais peut-être comme tu dis résister ou enfin, ne pas changer ma manière de faire, tu ne crois pas?
- C'est là qu'intervient la paradigmanalyse, on va mettre l'accent sur ta résistance au changement et sur le dévoilement de tes paradigmes problématiques et te répéter que de toute manière l'avenir, lui, il change et que tu es fait à l'os mon vieux, si tu te maintiens dans ton confortable paradigme du présent. Tu vas être dépassé.
- Bref, j'ai un sacré problème!
- C'est le but, mon vieux, faire en sorte que tu aies un sacré problème de confort pour que tu te mobilises au changement et que tu diffuses la nouvelle vision toi aussi, que tu rejoignes les rangs éclairés de l'avenir qui change.
- C'est pas fou, Livingston! Mais bon, je m'adapte quand il faut et au fur et à mesure. Moi les boutons digitaux, ça fait longtemps que je sais comment ça marche même si j'aime bien les montres à aiguilles.
- Mais es-tu sur Facebook?
- Non, pourquoi?
- C'est un exemple. Tu vois, tu as un problème, car Facebook, c'est l'avenir mon vieux. Pourquoi n'es-tu pas sur Facebook?
- Ben, je sais pas, j'ai connu les réseaux sociaux du temps de mon célibat, avec les amies, les profils, les tchats rooms et tout le tra-la-la. J'avais une motivation à l'époque. Mais bon, j'ai finalement trouvé l'âme sœur sur la route, par hasard, dans la vie bien réelle et, depuis, je dois dire que je m'intéresse moins de passer mon temps à pianoter sur un clavier pour simplement discuter ou me montrer. C'est simplement une question de choix de vie, je vis avec les gens ici un peu plus et avec les gens au loin un peu moins.
- Tu fais une crise paradigmatique, mon vieux. Tu ne vois pas que tu laisses le progrès te dépasser. Que tu t'éloignes de la vision de l'avenir: le virtuel.
- Peut-être, Livingston, merci de m'en informer! Mais bon, je sens que tu veux me manipuler un peu, non?
- Moi non, mais les paradigmanalystes peut-être.

samedi 16 octobre 2010

Le décrochage

Rien de nouveau sous le soleil. Des jeunes décrochent toujours.
 
Sur Cyberpresse, on peut lire ce matin «Le décrochage scolaire fait des ravages, mais encore faut-il comprendre comment il s'enracine. La commission scolaire des Premières-Seigneuries a sondé ses élèves pour en avoir le coeur net. Verdict?»

Les élèves perdent leur motivation devant leurs difficultés scolaires. Quelle nouvelle!

Après 10 ans d'école  réformée qui mise sur les projets significatifs, on devrait se réveiller. Il est clair depuis longtemps que l'école tournée vers une vision académique jusqu'en 5e secondaire ne parvient pas à répondre aux aspirations de tous les jeunes. Pour toute sorte de raisons, bien des jeunes ne se reconnaissent pas dans les activités de type scolaire. Ils n'y arrivent pas. Mais on s'entête toujours à dénier la réalité, à faire croire que leur estime de soi se brise quand on leur fait suivre d'autres chemins de développement que la classe devenue ordinaire. Non, l'estime de soi s'érode aux contacts prolongés avec le sentiment de ne pas être en mesure d'accomplir des  tâches et de n'avoir pas d'autres options pour développer son sentiment de compétence.

Enfin, il y en a un paquet aussi qui aurait pu y arriver si on ne les avait pas conditionnés à se sentir inefficaces dans des tâches trop complexes et ennuyeuses, en leur apprenant à s'en sortir pratiquement  en comptant sur le voisin, en intégrant que les classes sont un lieu de socialisation en attendant d'être grand à 25-30-35 dans une pièce assis à passer le temps en jouant à déstabiliser l'adulte en avant et en compensant l'estime de soi malmené dans la fierté finalement de mettre en échec le système scolaire!

Je travaille dans une école où l'on a réintroduit des filières de cheminement particulier et de cheminement individualisé parce que la situation était délirante, et même violente, en classe normale il y a quelques années. Le calme dans l'école est revenu.  Heureusement, le statut particulier de ces jeunes leur ouvre des portes de formations professionnelles plus facilement dès la 3e secondaire avec des matières de base. On travaille  en tout cas à voir comment faire cheminer cette clientèle avec des besoins particuliers. Au Québec, depuis 35 ans, on a fait le choix de fermer des écoles de métiers et de garder un nombre d'options fort limitées pour une certaine catégorie d'élèves qui ne fonctionnent pas dans la filière académique. Et l'attrait des technologies ou la pédagogie de projet ne changent pas la donne à ce sujet. Depuis, c'est le cul-de-sac qu'on tente de résoudre à grands coups de  «trousses de motivation»!

Si la guerre des changes pouvait faire en sorte qu'on paie plus cher pour les beaux produits de l'étranger émergeant, on finira peut-être par récupérer de l'industrie pour produire localement. Quand on en finira avec la logique des multinationales qui font du monde une communauté de continents spécialisés, on pourra peut-être retrouver un certain esprit collectif plus satisfaisant que l'enflure soufflée du web qui le parodie.

Une société qui compte spécialiser tous ses membres dans la même direction n'a pas compris quelque chose de fondamental. On ne va pas tous faire du multimédia dans 40 ans pour gagner sa vie, bien qu'on sera probablement nombreux à être capable d'en faire avec tous les moyens qu'on met à notre disposition. Mais une chose ne changera pas: tous les talents sont dans la nature répartis entre les membres de la communauté. Quand on dévalorise les aptitudes de certains pour un travail normalement utile dans une société équilibrée, il est tout à fait normal de décrocher et d'aller chercher ailleurs la porte de son salut.

Déséducation

Le mot se répand comme une traînée de poudre dans la blogosphère. On attend la série de «webisodes» d'un enseignant sur la déséducation.


Je ne peux voir la bande annonce. Ici, dans mon patelin éloigné, Youtube est censuré pour des raisons pratiques de bandes passantes limitées et je fonctionne numériquement avec cette «connexion».  Bizarrement, je peux voir les Dailymotion.


Mais enfin, j'ai l'impression qu'on attend toujours le messie. Et que l'on vit en attente de quelque chose de meilleur pour le monde de l'éducation. En attendant, on répète ce gros mots: déséducation, ...,
déséducation, ...., etc.

Comme si on ne savait pas. En lisant l'histoire de cet anonyme dans les blogues et les journaux électroniques, qui prépare son entrée dans l'arène comme une pub bien rodée, j'ai l'impression de lire  la 4e de couverture de ce petit livre de Benoit Séguin sur lequel je suis tombé l'an dernier, Pour en finir avec l'éducation. Il publiait en 1996. 

Le terme a l'air à la mode en France, on parle de la Déséducation nationale pour critiquer le système là-bas.

Le terme renvoie étymologiquement à l'idée qu'on «sépare» les jeunes d'une véritable éducation. Comme d'habitude, tout ceux qui participent au débat peuvent y projeter leurs vues. Les tenants d'un pédagogie nouvelle vont répéter que la déséducation était l'école qu'on faisait avant le constructivisme et que la déséducation provient de la rigidité face au changement qu'ils proposent. Les critiques de ces approches nouvelles y attendent sûrement un autre allié pour pourfendre leur vis-à-vis institué ces dernières années qui est la cause de tous leurs maux. Parce qu'au fond, qu'est-ce que l'éducation? On ne s'entend pas même, de nos jours, sur le sens de ce terme.


Bref, on attend inquiets cette belle occasion de croiser le fer encore sur ces questions si juteuses!

mardi 14 septembre 2010

Agir Autrement: jovialisme et deux de pique.

On a parlé récemment du programme Agir Autrement qui aurait été évalué dernièrement: «Le bilan peut paraître dévastateur et désespérant. Malgré les 300 millions $ investis depuis 2002 pour soutenir les enfants des milieux défavorisés, ces derniers accumulent encore les mauvaises notes et décrochent. Au risque de paraître «jovialiste», cet échec du milieu scolaire peut se transformer en succès pour l'avenir s'il sait en tirer des leçons.»

Je ne partage pas le jovialisme de Madame Breton du Soleil simplement parce que j'ai un petit peu, juste un petit peu de mémoire. 


Depuis 2000, on a économisé 500 millions par année avec le non-redoublement, on a démantelé les classes spéciales et recyclé les gens d'adaptation scolaire en profs réguliers. On a poussé une politique d'intégration en classe normale. Combien ce dégraissage emballé dans de belles idées a-t-il permis de sauver d'argent à notre cher ministère? 300 millions pour Agir Autrement voulait simplement dire qu'on allait combattre le décrochage avec moins d'argent et moins de moyens avec en plus une once de déni jusqu'à la révolte du peuple... Et puis pour noyer le poisson, on nous a bassiné du: « Agissez autrement, faites des projets, ils vont mieux apprendre et moins décrocher.»

Voilà peut-être pourquoi on voit des anthropologues rêver de papythérapies gratuites pour nos ados désorientés!


On est pas sortis de l'auberge!



samedi 11 septembre 2010

L'éradication de la prétention transversale du Régime pédagogique

«Un décret publié hier par le gouvernement Charest a consacré en douce leur éradication complète du vocabulaire de l'éducation », annonçait jeudi la une de La Presse.

Par exemple, dans l'article 15 du Régime pédagogique, on expliquait ainsi ce qu'est un cycle: une période d'apprentissage pour acquérir «un ensemble de compétences disciplinaires et transversales». Dorénavant, cette période servira plutôt à l'acquisition de «connaissances et compétences disciplinaires».

Ma première réaction a été de penser que comme d'habitude nos dirigeants sont prodigues à changer de vocabulaire et les journalistes, prompts à frapper notre imaginaire avec style («éradication», «consacré»).  Mais bon, j'y vois un changement de philosophie. La notion de compétences transversales recouvrait l'idée d'habiletés générales liées aux finalités de l'éducation. On prétendait pouvoir mettre les jeunes élèves, dès leur plus jeune âge, en apprentissage de ces grandes habiletés qu'on a tenté de définir de façon opérationnelle: exploiter l'information, résoudre des problèmes, exercer son jugement critique, mettre en œuvre sa pensée créatrice, se donner des méthodes de travail efficaces, exploiter les technologies de l'information et de la communication (TIC), actualiser son potentiel, communiquer de façon appropriée.

Bien que l'objectif semblait louable, au plan pratique, il s'est avéré difficile de mettre en œuvre un enseignement qui permettait de travailler substantiellement ses grandes finalités dans le cadre de nos cours disciplinaires. Au moment d'évaluer ces progrès chez nos élèves dans l'acquisition de ces dernières, on pataugeait franchement. D'ailleurs, les caucus de profs à ce sujet, dont j'ai été témoin, avait l'air assez peu sérieux, à des millénaires d'une quelconque rigueur.

Cela sautait aux yeux pourtant que nombre de ces grands objectifs de formation avaient un caractère inapproprié dans la progression des apprentissages des jeunes en train de lentement apprivoiser les fonctionnements intellectuels de base qui permettraient éventuellement l'accès à ces grandes transversalités. Combien de ces compétences s'apparentent quelque part à des réalités de l'ordre du talent ou de certaines prédispositions. Certains jeunes montrent des talents dans l'ordre de ces compétences générales sans en avoir jamais reçu un enseignement orienté en ce sens. En même temps pour les autres, la maturation des apprentissages est nécessaire pour leur permettre de gérer cognitivement et «métacognitivement» une amélioration de leur compétence par l'examen de stratégies appropriées et de méthodologies permettant l'expression de ces compétences.

Il m'a toujours paru que ce projet grandiose, cadré dès le primaire dans les préoccupations des enseignants et des apprenants, mettait la charrue devant les boeufs.On sait que finalement ces stratégies transversales étaient la plupart du temps gérées par l'enseignant lui-même qui tenait à bout de bras l'organisation de ces fameux projets permettant de développer les dites compétences transversales. Ses finalités ne vont certes pas disparaître de l'esprit des éducateurs, mais la pédagogie de projet risque de devenir moins systématique nous permettant de nous tourner vers des pratiques connues depuis longtemps pour leur valeur éducative dans la transmission des bases du savoir général.

Remettre le focus sur les connaissances et les compétences disciplinaires, en ce sens, recadre un petit peu notre travail vers les essentiels qui requièrent un temps d'apprentissage assez consistant. On ne va pas cesser d'enseigner des trucs en résolution de problème, de faire faire des recherches sur Internet en conseillant nos jeunes sur de bonnes façons de s'y prendre ou de leur demander de réagir aux textes qu'ils lisent, mais on remet dans notre ligne de mire les connaissances qui permettent aussi de devenir compétent car, pour résoudre un problème en math ou bien communiquer, il faut aussi connaître solidement les connaissances mathématiques à mobiliser et les règles de grammaire.

Malheureusement pour les utopistes, l'acquisition consistante de telles connaissances en amont des grandes finalités de l'éducation  requiert chez la plupart des jeunes un exercice régulier pendant des années. Ce n'est pas en essayant de gommer cette réalité qu'on a bien avancé dans le défi de l'éducation ces dernières années.

En terminant, le recadrage de cette réforme aux effets assez indésirables ne devra pas s'arrêter là. L'abolition des compétences transversales, ces abstractions quelque peu gênantes, de nos préoccupations premières n'évacuent pas la problématique des compétences disciplinaires. Car, il ne faudrait pas oublier que l'esprit de la réforme par sa propension tentaculaire à formater les esprits s'est aussi insinué à l'étage plus bas. Dans les programmes de certaines matières, il y aurait du ménage à faire. Pour le moment, le mot connaissance y a encore une place bien trop accessoire à mon sens. On y décèle aisément aussi une conception toujours prétentieuse et irréaliste de la progression des apprentissages. Souhaitons donc qu'on n'en restera pas là.


jeudi 9 septembre 2010

C'est parti!

Je suis de retour dans mon petit village à l'autre bout du monde. La vie reprend son cours balisée par le rythme de l'école.

Dès la descente de l'avion, le directeur m'attendait et le travail reprenait! J'étais en retard! Avec le changement de boulot décidé après le choix des dates pour aller en Europe, je me suis retrouvé dans cette situation d'arriver au milieu de la première journée de travail.

Bon, le directeur avait la délicate tâche de me dire qu'on n'aurait pas le beau grand logement qu'on nous avait initialement attribué. Je m'y attendais! Bref, début d'année en contexte d'emménagement. J'en sors. On est assez bien.

C'était bien de retrouver un village où l'on connait beaucoup de monde. En une année, dans un petit village, on finit par connaître les gens. Ici, on ne salue pas beaucoup les gens, mais les gens se parlent finalement plus que dans une grande ville. Il y avait aussi les collègues de l'an passé dont certains  sont devenus des amis qu'il a été bien de retrouver. Bref, ça donne l'impression d'appartenir à quelque chose comme une communauté, ce qui est assez rare de nos jours dans le monde occidental.

Côté tâche, c'est plutôt confortable. L'ambiance, dans l'école, est bonne. J'ai les trois niveaux au dernier cycle du secondaire en français, mais bon les élèves ne sont pas vraiment de niveau et leur lenteur au travail fait que ce que je préparerais pour un cours ailleurs en fait 2 à 3 ici. En 4, j'ai un bon lot de promus par compassion! Enfin, j'ai une vingtaine d'élèves en tout, assez tranquilles.

Bref, ici les attentes de performances ne sont pas très élevées. Il y a des candidats «diplômables» et les autres. J'ai le champ libre pour les expériences pédagogiques. Ici, c'est le défi qu'il faut mener sans se faire trop d'illusions. Les élèves sont à l'école parce qu'ils le veulent, parce que, dans ce monde autochtone, la notion d'école obligatoire est assez disons relative. Je n'ai pas de collègues pour m'obstiner en plus, je fais pas mal ce que je veux.


Alors en ce début d'année, je m'amuse avec une idée, celle du 5-15 minutes de grammaire en début de cours. Une ou deux phrases. On part de la base, notions par notions, avec une lente progression. Je suis dans les nature de mots et les fonctions les plus simples. Je fais observer les groupes dét-nom (adj) remplaçable par un pronom, les prép. qui annoncent des compléments, les pronoms toujours sujet, les pronoms complément entre le S et le V,  l'ordre normal S-V-C, l'adverbe autour d'un verbe comme son adj., etc. Je fais observer les régularités quoi.  J'ai beaucoup de mal à penser qu'on peut faire de la grammaire avancée quand des jeunes ont un mal fou à distinguer des noms, des adj. et des verbes dans une phrase. Et oui, c'est nécessaire dans mes trois groupes. Et je ne vois pas du tout ce qu'un exposé rapide et exhaustif pourrait donner, sinon une grosse perte de temps. Je fais doucement, pas à pas.

Je fais le pari qu'une activité simple répétée quotidiennement finit par se faire un sillon dans le coco. Et, ça semble être le cas. Ils commencent à mâcher de la nature de mot. Et dans l'écrit, quand je souligne une faute avec l'élève en parlant d'un accord oublié, il saisit le sens de ce que je dis puisqu'il commence à reconnaître les sortes de mots et leurs relations. Personnellement, je crois qu'on s'est tiré une balle dans le pied en oubliant ce genre d'activité d'analyse grammaticale systématique que j'ai pas mal vécu durant mon primaire et mon secondaire, il y a longtemps! Ces routines fondaient la connaissance de la langue.

Par ailleurs, on lit des textes et je fais extraire les idées principales de chaque paragraphe. Cognitivement, c'est un acte souvent difficile. A l'écrit, j'essaie, pour le moment, de leur donner une structure de paragraphes et de donner des stratégies pour écrire un peu plus rapidement, car ils ont la manie de polir une phrase pendant 10 minutes avant de passer à la suivante, ce qui rend la tâche interminable. Je suis très modelant quoi.

Hier, on a mangé des moules, qu'on avait passé la soirée précédente à nettoyer. La Basse-Côte a des bons côtés! Et puis, on est allé faire badminton comme à tous les mercredis soir avec un couple d'amis.

vendredi 13 août 2010

Suspense du bulletin unique: la chance de la nouvelle ministre de frapper fort!

J'ai appris la nouvelle hier, on change de ministre de l'Éducation. On n'a pas attendu longtemps chez les réformistes pour profiter de l'occasion: le Conseil, qui n'a de supérieur que le nom, de l'éducation a envoyé sa torpille sur le nouveau bulletin-tin-tin, tintamarre, tintamarre, marabout-bout-bout... La pro-réformiste placée à la tête de la Fédération des commissions scolaire en «rebeurrent» épais aussi.

Ça parait presque arrangé avec le gars des vues comme timing!


Le professeur masqué a analysé la communication risible de ce club sélecte qui se prend pour l'incarnation du mécontentement du milieu scolaire. Je n'ai rien à ajouter à l'évidence de leur malhonnêteté intellectuelle qui ne me parait plus trop à démontrer.


Quant au «trop vite» changement de ce bulletin soi-disant improvisé, je ne vois pas en quoi une grille d'évaluation qui imposera une clarification dans la tambouille évaluative des dernières années - qui nous a, année après année, habitués à des ajustements constants - pourrait déstabiliser qui que se soit dans le monde de l'éducation qui a survécu à cette faillite intellectuelle en escalier improvisée à part ceux qui sont en religion: les pro-réformistes invétérés. Chez les enseignants, on doit généralement plutôt piaffer d'impatience un peu partout d'avoir enfin un système d'évaluation qui sanctionne les efforts constants et l'acquisition de connaissances et non son contraire: la passoire compétente qui encourage la procrastination continue devenue répandue chez les jeunes de nos classes, qui s'estiment aptes à se passer d'une attitude de travail sérieux d'apprentissage dans le contexte d'un système du «minimalement satisfaisant» qui n'ose pas de toute façon les recaler. Finies les discussions sans fin sur les évaluations. Enfin, la possibilité de mettre en place une structure concertée d'évaluation dans chaque équipe des disciplines et de bien préciser les contenus à maîtriser minimalement acceptable à évaluer par des évaluations standardisées et validées en équipe. On va arrêter de devoir justifier dans leur terminologie castrante le besoin de recaler un élève qui n'acquiert pas ce qu'il faut pour connaître une progression des apprentissages soutenables. Il faudra qu'il démontre une constance dans l'acquisition dans une atmosphère contrôlée rigoureusement et non l'expression miraculeuse à un certain moment d'une soi-disant maîtrise de l'acquisition qu'on ne peut reproduire.  Bref, à mon sens, on ne peut pas en finir «trop vite» avec le niaisage.

On ne peut pas tout de même pas reprendre «trop vite» le contrôle d'une évaluation qu'on nous avait retiré quand ça presse depuis des années sauf si bien sûr si on ne sait pas enseigner des contenus précis et faire l'évaluation des acquisitions, des tests quoi. Évidemment, redonner la force de sanctionner rigoureusement les élèves aux enseignants fait peur à bien du monde parmi les branleux. Ben des petits «power trip» de petits connards de direction adjointe vont avoir moins d'outils pour intimider les enseignants et vont devoir se démerder pour gérer la réalité et non la poussière sous le tapis. Bien des idiotes en poste vont arrêter de nous déstabiliser avec leur petit catéchisme de concepts vides et «renversales» qu'elles ne comprennent même pas. Ah, si on savait la joie!



Bon, je redoute qu'on ait changé de ministre pour calmer un peu le jeu et que la nouvelle ministre va peut-être s'atermoyer sur la question. Cependant, après 12 ans de culture réformiste, on a acquis la patience!

Une autre façon de la jouer, pour elle, serait d'envoyer une savate bien décochée tout de suite  à cette vieille garde usée en début de mandat et de poursuivre sur la lancée du bulletin unique. Elle aura un succès populaire immédiat si l'on en croit les commentaires sur les blogues ou à la fin d'articles de journaux électroniques laissés un peu partout où les réformistes se font rabrouer.

De toute façon, si les consignes sont le moindrement claires, on n'aura pas trop de trouble chez les profs, à tenir une comptabilité sur Excel des notes. Les informaticiens vont nous ressortir avec plaisir et dans le temps de le dire des versions GPI bien connues tout à fait adaptés au besoin de comptabilité. Aux quelques rares qui ne sauraient pas comment faire, je pense qu'il y aura bien des profs tellement de bonne humeur qui se feront un plaisir de partager leurs compétences! De toute façon, on revient en gros au système qui prévalait juste avant l'arrivée de la terrible cohorte réforme avec un brin plus de mordant dans la philosophie et la gestion, alors...

Allez, Madame Beauchamp, ne vous gênez surtout pas!